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Sylvie Brès se bat depuis plusieurs années contre la « longue Maladie », celle qu'on hésite toujours à nommer - mais elle cherche précisément les mots pour la dire sous toutes ses facettes. En poète. Comme si elle avait fait intimement sienne la fameuse phrase de Bernanos : « s'emparer de la douleur de l'homme par un prodige de compassion infinie. » Ambition singulière, on ne peut plus risquée, dont son livre s'attache à rendre compte au jour le jour.
Au regard de tous les discours lénifiants à propos du cancer, qui touchent parfois au grand n'importe quoi, ce livre témoigne d'un immense désir : que cette souffrance puisse avoir une forme d'utilité à la fois tendre et révoltée à travers le langage poétique et qu'elle touche l'autre dans son humanité profonde.
Coeur troglodyte réunit chronologiquement deux ensembles de poèmes : Et soudain le pas manque et Coeur troglodyte proprement dit.
Et soudain le pas manque s'attache à dire, à faire comprendre dans toute son ampleur, cette bascule, qui, du jour au lendemain, renverse l'individu et ses valeurs, l'oblige à une révolution copernicienne, le surprend, le suspend entre vie et mort, et le soumet à la conscience entière et désespérée de sa fragilité. C'est le temps de l'hôpital, un temps non pas de chien, mais de patient, qui enferre, enferme une vie devenue autre et suspendue aux traitements, une vie défigurée par l'ennemi intérieur. À cela, pour Sylvie Brès, à cette prison de mots, d'images, de conventions, seule la poésie peut résister.
Coeur troglodyte marque le temps d'une rémission possible, d'un espoir entrevu, une voie pour dépasser cette solitude ontologique, en quête de moments de bienveillance, de solidarité, de ré-émerveillements. Une façon, malgré tout, de ressentir à nouveau et de rejoindre la vie au-delà de l'enfermement. Une vie désirable, qui ne serait plus assujettie au couperet des résultats d'analyses. La parole alors se refait chant pour tenter d'habiter le monde sans les entraves du lendemain. La poésie redonne chair à l'image de soi que la maladie avait dévastée. Littéralement et dans tous les sens, elle la re-vivifie.
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