"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
20 octobre 1998 : les lycéens défilent par milliers dans les rues des grandes villes de France. Ils réclament de meilleures conditions de travail. Les casseurs accaparent l'attention des médias et altèrent la portée de la manifestation. Personne ou presque n'explique la genèse de la liquéfaction de l'enseignement, ni n'aborde le malaise dans sa réalité quotidienne, pourquoi ? C'est qu'ici, comme ailleurs, la langue de bois est de rigueur dans l'administration scolaire. Nommer dealers, délinquants, condamnés, récidivistes, les élèves du collège qui rentrent dans chacune de ces catégories, fait peur aux enseignants. Qui prendra l'initiative de poser sur la table du commissaire de police la liste des méfaits quotidiens : rackets, vols, menaces, agressions, qui sont abrités par le silence de la vie scolaire ? L'administration redoute cette démarche qui mettra en lumière sa responsabilité dans la transformation des établissements scolaires en zones de non droit. L'encadrement, soucieux avant tout de ses bonnes relations avec la hiérarchie, se réfugie derrière les circulaires et se désolidarise des enseignants livrés aux élèves : qu'ils se débrouillent avec les familles ! Lorsque certains sortent du système pour raisonner en citoyens responsables, ils troublent les habitudes et passent pour des traîtres parce qu'ils osent dire qu'ils ne sont pas formés pour vivre parmi les hors-la-loi et refusent de négocier avec la pègre ! Car on le sait, le nouveau rôle du professeur, dans certaines banlieues, se résume à surveiller les présents afin qu'il n'y ait pas d'accident. Mais le contrôle du lancé de compas ou de cutter, on ne peut l'improviser ! Ceux dont on ne parle pas, la majorité des écoliers et de leurs familles, réduits par force au silence, ne bénéficient nullement de ce qu'il est convenu d'appeler une scolarité : ils font acte de présence, tout simplement. Qui comprendra enfin que l'augmentation des moyens financiers n'a rien à voir avec le problème de l'instabilité des jeunes de banlieues ? Qui aura le courage d'appliquer la législation existante aux délinquants ?
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