"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Chérie, je vais à Charlie. » : tels sont les derniers mots de Georges Wolinski à sa femme. Trois heures plus tard, il est assassiné dans les bureaux du célèbre journal satirique, avec onze autres membres de la rédaction. Pour Maryse, c'est la fin de quarante-sept années de vie commune. Écrasée par le chagrin et l'incompréhension, partagée entre la colère et le déni, elle tente de comprendre comment une telle scène de guerre a ainsi pu se produire en France. Une quête atrocement douloureuse mais vitale.
Comment ne pas être bouleversée par les mots de Maryse Wolinski, devenue veuve en une fraction de secondes, après plus de 40 ans d’amour avec l’homme de sa vie? Elle y raconte cette terrible journée du 7 janvier 2015, qui changea radicalement sa vie puisqu’elle lui prit son époux mais aussi la société innocente telle que nous la connaissions jusque là. Comment aurions-nous pu nous douter que des dessins puissent tuer? En fait, l’ignorance de certains a pris le dessus et a changé le monde de la presse.
Avec beaucoup de sensibilité, elle y exprime ses douleurs, notamment d’avoir été tant de temps dans l’ignorance quant au sort de son époux et du fait de devoir survivre après de tels faits. J’ai été assez abasourdie de savoir que les autorités n’étaient pas au courant que les bureaux du journal satirique « Charlie Hebdo » se trouvaient dans ce quartier. Ils avaient déménagé suite aux nombreuses menaces et incidents dont ils avaient déjà fait preuve dans le passé et les effectifs de protection entourant les lieux depuis novembre 2014 avaient fortement diminués. Bien entendu, il est inutile de refaire l’Histoire, ces choses n’auraient peut-être pas arrêté ces infâmes terroristes mais nous ne pouvons de toutes façons pas le savoir…
De Maryse Wolinski j'avais lu il y a quelques années" Chambre à part" que j'avais bien aimé et j'ai eu envie de la retrouver avec ce récit lié aux attentats de Charlie Hebdo, tout en craignant un peu un récit trop intime qui me mette en position de voyeurisme. Fort heureusement, cela n'a pas été le cas, Maryse Wolinski fait un peu entrer le lecteur dans l’intimité de son couple mais ce n'est vraiment pas l'essentiel de son récit.
Maryse Wolinski commence son récit par ces mots “Mercredi 7 janvier.”, cette date qui a fait basculer sa vie en ôtant la vie à son mari, le dessinateur Georges Wolinski. Le livre porte d'ailleurs comme titre les derniers mots de George à son épouse.
Dans les premiers chapitres, Maryse Wolinski reconstitue à la minute près le déroulé de l'attaque contre les locaux de Charlie Hebdo. Le massacre est d'abord vu par le biais de témoins comme le personnel du théâtre de la Comédie-Bastille, situé à proximité des locaux du journal satirique. Puis, ce seront les témoignages des "survivants" qui ont vécu l'attaque à l'intérieur des locaux, Sigolène Vinson, la dessinatrice Coco... "Que se passe-t-il dans la tête de Coco, kalachnikov sur la tempe, sommée de conduire ce qu’elle comprend être des terroristes dans les locaux du journal, alors qu’elle est censée aller tout à l’heure chercher son enfant à la crèche ? Sans doute une terrible confusion qu’elle gardera secrète parce que, par pudeur, on ne lui a pas posé la question.”
Elle nous décrit ensuite les sentiments par lesquels elle est passée, tristesse, déni puis colère, révolte et volonté de comprendre ce qui a pu amener à cette tragédie. Elle s’interroge, par exemple, sur le faible niveau de sécurité du nouvel immeuble de la rédaction et sur la faiblesse des effectifs pour les protéger, malgré les nombreuses menaces reçues. Elle souligne les failles dans la sécurité et l'inefficacité des policiers face aux attaques terroristes : “Aujourd’hui, malgré les menaces, les policiers français de base, qui ne relèvent ni du GIGN, ni du Raid, ni de la BRI, ne sont pas en état de répondre à la menace terroriste.”
Elle évoque également les tensions au sein de l'équipe de Charlie Hebdo, entre Wolinski, nostalgique du Charlie de l'époque Cavanna et les nouveaux dont Charb qui ne partageaient pas toujours les mêmes objectifs. Charb partisan de traiter l'actualité politique et Wolsinski désireux d'échapper, à Charlie, à l'actualité, qu'il traitait par ailleurs dans d'autres journaux. "L'ambiance fraternelle et rigolarde de l'ancien Charlie lui manquait".
Maryse Wolinski parle également de l'après 7 janvier, de "l'élan fraternel du 11 janvier", de la difficulté pour les survivants d'écrire et de dessiner à nouveau, de l’arrivée en masse de l’argent, grâce au numéro des survivants ou aux nombreux dons, de l'arrivée surprenante de nouvelles têtes comme celle d’une directrice de communication “star des stars de la com", embauchée “afin de gérer le trop grand nombre de demandes d’interviews”.
Un récit d'une femme déchirée qui mêle travail journalistique et travail littéraire et qui synthétise bien tout ce qu'on a pu lire ou entendre sur cette tragédie.
http://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2016/03/cherie-je-vais-charlie-de-maryse.html
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