"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le chapeau mou rejeté en arrière en auréole désinvolte ; une profusion de boucles blondes débordantes ; le visage rond, poupin, rose et frais de santé, fendu d'un sourire éclatant ; et puis ces deux billes d'azur, ce regard bleu éberlué à l'hypnotisme troublant... Trenet trimballera jusqu'à sa mort ce personnage de « Fou chantant », léger, léger, chantre de la joie de vivre, virevoltant, dynamique et insouciant, poète de la jeunesse éternelle, baladin moderne et fantaisiste - swing troubadour... Cette image simplifiée, que lui renvoyèrent spontanément ses contemporains, Trenet s'y reconnaîtra d'abord, en quête de lui-même - puis très vite s'y conformera. En toute lucidité. Au risque de se perdre de vue dans ce jeu de miroir biaisé. Car si ce portrait d'époque avait le mérite de saisir en quelques lignes claires et couleurs vives ce que Trenet apportait alors d'inédit et de révolutionnaire (le rythme, la vie, la jeunesse), il échouait ou renonçait à rendre compte de cet art de la nuance infiniment précieux que cet artiste secret, et bien plus complexe et ambigu qu'on voulait bien le dire alors, distillait en contrebande dans ses chansons. Par pudeur, par timidité, par opportunisme et prudence aussi, il choisira de passer dans la vie avec, plaqué sur le visage, ce masque de joie de vivre - rempart de fantaisie grimaçante contre le regard inquisiteur de l'autre, et peut-être contre ses propres errances intimes, ses douleurs secrètes, ses interrogations identitaires. Paradoxalement c'est sans doute cette part d'ombre qui aujourd'hui prévaut et fait de Trenet notre contemporain, cette ambivalence des sentiments jamais assumée frontalement, cette solitude s'exprime à tout instant dans son oeuvre foisonnante. Car ce que Trenet aura finalement apporté de plus précieux à l'art mineur et populaire de la chanson, c'est l'infini dégradé de sentiments d'une âme en demi-teintes, une très troublante ambiguïté... Le négatif, en somme - humain, trop humain... - de ce cliché lisse et impersonnel, démultiplié à la manière d'une sérigraphie warholienne, derrière quoi se dissimula aux yeux du monde, pendant toute sa carrière, cette personnalité singulière.
La biographie de Charles Trenet, les illustrations de Cabu, les plus belles interprètations des chansons de Trenet par Trenet, entrecoupées d'interview mémorables, et un concert inédit de 1947 au théâtre de l'étoile.
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