"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Janvier 1985, un mathématicien américain disparait dans le Chili de Pinochet, il a quarante-quatre ans. Né en URSS dans une famille juive, Boris Weisfeiler, surdoué, se résout à quitter sa famille pour pouvoir exercer librement les mathématiques aux États-Unis.
Homme taciturne à la silhouette longiligne, au large sourire, il part marcher seul dans les contrées les plus sauvages dès qu'il le peut.
Sur les pas de son grand-oncle
Douna Loup s'éloigne de la fiction pour nous livrer le récit de son enquête aux États-Unis et au Chili pour tenter de comprendre les circonstances de la disparition de son grand-oncle Boris au Chili en 1985.
«Début janvier 2018, je sors d'un concert avec ton prénom dans la tête, Boris.
Je viens d'entendre la chanson Vino del mar, dédiée à Marta Ugarte, jeune femme militante de gauche, torturée puis jetée à la mer d'un hélicoptère par les soldats de Pinochet en 1976. Boris, mon grand-oncle, a disparu au Chili en 1985. Et cette chanson résonne comme un appel à me souvenir et à aller le voir.» Il suffit parfois d’un air de musique pour se lancer dans un projet qui mûrissait lentement. Car Douna Loup se sentait investie d’une mission, rendre à Boris Weisfeiler un visage, le sortir de l’oubli.
Né en 1941 à Moscou, Boris va réussir à sa faire une place comme mathématicien et ce malgré tous les obstacles mis au travers de sa route. Issu d’une famille juive, il apprend vite à rester discret, à ne pas s’exposer. Mais très vite sa situation va devenir intenable. Après avoir refusé de signer une lettre à l’encontre d’un collègue, il est classé «antisoviétique» et comprend que pour pouvoir poursuivre ses recherches, il ne lui reste que l’exil. Après quelques péripéties, il finit par gagner les États-Unis, d’abord à Princeton puis à l’Université de Pennsylvanie. Et pour se détendre, il pratique la randonnée, explore les contrées sauvages de son nouveau pays – il est naturalisé américain en 1981 – et des pays alentour. « J’imagine le repos qu’il trouvait dans cette pratique, le repos de ne plus être juif lorsqu’il est assis sous le chêne, de ne plus être russe sur son radeau solitaire, de ne plus être un homme, de ne plus être qu’un souffle libre, doux, dans la tendresse brute de la vie qui l’entoure de toute sa masse. Montagnes du Pérou. Torrents de l’Alaska. Lacs du Yukon. Forêt, cailloux sans noms, bêtes inconnues, baies étrangères, champignons autochtones. Boris avance dans cette assemblée qui l’accueille sans demande de passeport, sans débat de religion, il dort où bon lui semble, rêve sous la neige, marche dans l’eau, la boue, les pierres et se trouve en cette communauté première comme en son grand chez lui.»
Pour les congés de Noël 1085, il se rend au Chili. Début janvier, on perd sa trace. Il ne sera jamais retrouvé. On comprend alors pourquoi sa petite-nièce a éprouvé le besoin d’en apprendre davantage: «Boris, j’ai honte parfois de parler de toi que je ne connais pas. Toi qui étais si discret. Tu n’aimais pas causer de trouble, évitais de faire du bruit dans le fracas du monde. Tu es passé dans cette vie pour comprendre un peu de sa musique, la traduire en mathématiques, cette musique du vivant, la jouer, sourire à tes amis et tout à coup disparaître pour toujours sans laisser de traces. Laisser une équation sans résolution. Une dissolution.»
Même si son enquête a failli tourner court. Car en arrivant aux États-Unis avec ses filles, elle se cache la jambe. Mais elle est obstinée et volontaire et décide après quelques jours de suivre son plan et de parcourir la côte-Est de Chicago jusqu’en Caroline du Nord, en passant par Washington D.C. et la Virginie avant de rejoindre le Chili. Autant d’étapes qui vont lui permettre de rassembler de nombreuses pièces d’un puzzle qui reste toutefois incomplet. Car de nombreux témoins refusent d’apporter leur concours, ce qui somme toute est assez compréhensible car le Chili sous Pinochet était loin d’être un État-modèle. Il offrait alors l’asile aux anciens nazis tels que Paul Schaefer qui avait érigé la Colonia Dignidad, vaste domaine près duquel on a perdu la trace de Boris. «Schaefer bénéficie d’une totale liberté pour créer cette enclave allemande où il règne en maître absolu. L’Allemagne
ne s’en inquiète pas, décrétant par l’entremise de son ambassade que c’est au Chili de régler ce qui se passe sur son territoire.»
Douna Loup expose les pièces du dossier sans juger et met le lecteur à la place d’un juré d’assises. En l’absence de preuves, c’est son intime conviction qui est sollicitée. À vous de juger !
https://urlz.fr/lk6L
« Boris, 1985 », ce récit témoignage dont Douna Loup dévoile le drame familial est celui de la disparition de son grand-oncle en 1985 en pleine dictature chilienne.
La narration est à tiroirs. Le « je » lorsque Douna parle en son nom. Elle est en quête, veut renouer le fil avec Boris. L’exutoire qui accomplira l’œuvre de sa renaissance. L’autre versant, celui de Boris. Un lever de voile tragique et émouvant qui frémit sous les affres de la dictature. Boris Weisfeiler à quarante-quatre ans lorsqu’il disparaît au bord d’une rivière. Dans un périple solitaire en pleine guérilla chilienne. La main de fer des militaires. L’homme est devenu un loup pour l’homme. Né en URSS, d’origine juive, brillant mathématicien, exilé aux États-Unis. Il était libre, indépendant et résolument épris des chiffres. Sa disparition est énigmatique. D’aucuns cherchent. Sa famille se doute. Une exécution sommaire ou bien a-t-il été torturé dans le laboratoire où les subversifs étaient emprisonnés ? Santiago du Chili perd ses couleurs. Remonter le temps.
Le Chili était en turbulence. Plus de frères, sœurs, de familles sur qui compter, des voisins aux regards méfiants. Les viols, tortures et disparitions suspectes. Mais Boris où est-il ? Que s’est-il passé ? Douna Loup enquête et dans un même tempo, elle s’émancipe. Elle rassemble l’épars. Cherche les preuves. Affûte les témoignages, remonte le courant d’une disparition, celle de son grand-oncle. Le récit est personnel, il lui appartient. Mais dans une générosité extrême et délicate, elle nous dévoile les pans de son histoire de vie. Les liens familiaux auxquels il manque un maillon. Ses mots sont touchants et sensibles.
Le Chili dans cette ère où les militaires tiraient sur les jeunes hommes et les jeunes filles. Poussaient du pied les portes en pleine nuit et massacraient la jeunesse. Que dire des vols d’enfants, et des inquiétudes lors des silences trop lourds ? Le Chili et ses délateurs, les filatures intestines. Mais Boris était étranger à cette terre, à cet évènementiel qui l’a pourtant fracassé. Lui, qui aimait la nature, la fuite et la liberté. L’indépendance pour trouver le chiffre, le sien. Mais pourquoi le Chili ? Il savait pourtant cette terre hostile à sa venue pourtant pacifique. Lui, si brillant et intuitif ne se doutait-il pas qu’il serait espionné et poursuivit ?
Un mathématicien qui plus est. Ce récit est un portrait gémellaire. Celui de Boris et celui de Douna. On déambule dans cette quête des retrouvailles, chercher la réponse et former la boucle d’une plausible vérité. Un procès, certes, mais après ? Que reste-il de la douleur d’une famille lorsqu’elle est une carte qui s’écoule dans la rivière où Boris a peut-être disparu ?
Véritable et finement politique, intime et confident, ce témoignage fait monter les larmes aux yeux. Tant on ressent une proximité avec Boris. Publié par les Éditions Zoé.
Merci à lecteurs.com qui m’a de nouveau sélectionné pour l’envoi de ce livre paru aux éditions ZOE.
En 2019 Douna Loup se lance dans la quête de la vérité sur la disparition au Chili, en 1985, de son grand-oncle. Russe, émigré aux Etats-Unis, passionné de mathématiques et de grands espaces, ce savant disparait du jour au lendemain dans un Chili en proie à la dictature.
De rencontres en lectures de documents l’auteur suit le périple de son aïeul.
La quête de la vérité peut sembler dérisoire. Une personne seule contre un, voire des états. Mais au-delà de cette vérité, Douna Loup s’engage dans un voyage fastidieux mais enrichissant. Elle met le doigt sur une, parmi tant d’autres, disparition dans le Chili de Pinochet.
Cette histoire vraie fait « froid dans le dos » comme toutes les disparitions inexpliquées. Douna Loup a le mérite d’attirer l’attention sur cette période noire. J’ai découvert l’existence de « la colonia », haut lieu de torture.
Une histoire familiale retracée avec un réel intérêt par l’auteur.
Intéressée par ce livre ,epoque récente comment des personnes disparaissent à cette époque la cause ? PARCE QU IL EST JUIF ou RUSSE? livre qui est tres intrigant et me laisse sur ma fin
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