"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Je n'avais à priori aucune raison d'être attirée par ce roman, à la fois dystopie et conte pour adulte. Ce ne sont pas mes univers littéraires de prédilection mais je ne regrette absolument pas la curiosité qui m'a portée vers "Le sang des rois" car j'ai été happée par l'histoire, les personnages et les thèmes traités.
Nous sommes dans un village, au milieu d'un désert, érigé par les Grands Anciens pour créer une société utopique idéale loin des travers du reste du monde. Cette communauté est fondée sur des relations humaines harmonieuses, l'égalité parfaite entre tous, le partage strictement égalitaire des tâches et des responsabilités entre hommes et femmes, la fidélité dans le couple parce que chacun(e) a trouvé sa moitié parfaite (on pense à Platon et au mythe de l'être parfait, complet, divisé en deux, chaque partie n'ayant de cesse de retrouver sa moitié manquante). Mais une douleur frappe la communauté: tous les premiers-nés meurent sans explication. L'arrivée d'un étranger, dont la chef de village, Winema, va se servir pour assouvir sa soif de pouvoir, en en faisant un Dieu capable d'éloigner la malédiction, brise cette harmonie; seule Hateya, la guérisseuse, unique dépositaire du savoir qu'il existe un monde hostile à l'extérieur, s'oppose aux dérives autoritaires de Winema. On assiste à la disparition des valeurs d'entraide, d'égalité au profit de la jalousie, de la violence, de la recherche de la richesse à tout prix.
Ce roman est riche en thèmes qui donnent à réfléchir; qui détient le savoir peut s'emparer du pouvoir au détriment de ceux qui n'ont pas les clefs pour analyser, réfléchir, s'opposer mais qui sont prêts à croire à des discours simplistes et manichéens qui calment leurs angoisses. leur apportent des réponses même si elles ne sont pas adaptées.
Sikanda de Cayron souligne avec la force de son récit, les mécanismes subreptices et pervers, les renoncements individuels, la lâcheté de certains qui permettent à la tyrannie et à l'autoritarisme de s'installer et de perdurer.
La place et le rôle des femmes est un élément essentiel dans cette dystopie; elles sont les premières victimes de l'autoritarisme qui s'installe comme souvent observé dans le monde; elles sont contraintes d'arrêter de travailler, sont réduites à leur ventre, à leur fonction reproductrice; ce n'est pas sans rappeler "La servante écarlate" de Margaret Atwood. Ce qui est intéressant, ce sont les deux personnages principaux, deux femmes, Winema et Hateya, qui incarnent deux conceptions de vie radicalement différentes, qui sont les seules à détenir le savoir; la violence s'installe par une femme qui asservit les autres femmes; ce type de personnages est, je pense, assez nouveau; la rentrée littéraire nous en offre un autre exemple avec "La dictatrice" de Diane Ducret qui dépeint également une femme pervertie par le pouvoir. Tendance à suivre???
Ce roman se déploie avec force, créant une atmosphère étrange et envoûtante, avec une tension rendue palpable grâce au talent de Sikanda de Cayron.
Voilà un livre surprenant, original et très agréable à lire !
Je dois dire que si j'ai été très séduite par la première moitié du livre, je le suis un peu moins par la seconde qui est trop longue et un peu simpliste parfois. En revanche, toute l'installation de cet univers, la description du fonctionnement de cette communauté en apparence utopique est assez brillante.
Je trouve toujours difficile la création d'un univers de A à Z (Harry Potter l'a fait, dans un genre plus proche, La Servante écarlate est un bel exemple) et elle réussit très bien à nous immerger dans cette communauté. Cela regorge d'imagination.
Le style est simple mais efficace.
Cela donne à réfléchir sur pas mal de choses, la politique, l'avidité du pouvoir, le féminisme, etc. Certains éléments sont abordés de manière un peu "facile" mais il y a quand même une richesse de propos.
C'est un livre plein d'imperfections mais qui a une vraie patte et cela est d'autant plus remarquable quand on sait que l'auteur n'a que 22 ans, c'est donc très prometteur pour la suite.
Une dystopie qui rappelle à plusieurs reprises l'œuvre de Margaret Atwood, La servante écarlate.
L'auteure décrit sans ambages la dissolution d'une communauté initialement unie, qui, suite à un événement anodin, sombre peu à peu dans le totalitarisme, l'esclavagisme, la misogynie.
On s'interroge : comment est-il possible de basculer en si peu de temps d'une société idyllique à une telle dictature ? Et pourtant...
Le style d’écriture est direct est simple. A travers des descriptions détaillées de ses personnages et de leur environnement, Sikanda De Cayron donne une réalité à cet imaginaire.
Et pour moi cela a marché : je suis devenue membre de cette communauté. Au fil de la lecture, ce village et ses quartiers me sont apparus familiers, j'ai ressenti l'injustice comme ses habitants, la peur de l'exclusion, l'espoir de naissances viables et la tristesse des séparations.
Le lecteur se fera sa propre idée de l'époque à laquelle l'histoire est supposée se dérouler. Mais certains événements rappellent cruellement la période actuelle, ce qui donne bien sûr à réfléchir.
Un roman imaginaire et à la fois bien ancré dans la réalité. Une très agréable découverte !
Un conte métaphorique transposé dans un pays imaginaire. Un pays coupé de tout. Sans réelle origine, sans voisins sur terre et dont toutes les femmes perdent systématiquement leur premier né. Mais l'arrivée d'un homme transformé en Messie va changer la donne et bouleverser le fragile équilibre de cette société sans histoire.
Pourquoi j'ai aimé ce roman ? Parce qu'il nous invite à réfléchir sur des thèmes majeurs. Et qui nous concernent tous.
Comment une seule personne, assoiffée de pouvoir peut-être berner tout un peuple (si ce n'est avec la complicité tacite de celui-ci) ? Comment transforme-t-on un simple fait divers en une histoire érigée en dogme, et qui va asseoir son pouvoir ? Comment manipuler un homme tout simple et l'ériger en Messie-Pantin ? Comment chacun des habitants de ce pays peut-il accepter qu'on le rende responsable - pire, coupable - des malheurs qui lui arrivent ?
Cela ne vous rappelle rien ? Histoire, politique, religions, gourous ...
C'est un roman qui invite à devenir lucide, responsable et peut-être aussi, à l'instar de ses héros, rebelle quand notre survie l'exige. A lire mais surtout à méditer. Je recommande vraiment.
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