"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Lille, braderie » lève ses miscellanées. Quatre mains virtuoses pour un parchemin éclairant, empreint de justesse. On ne sait jamais qui, d’Anne ou de Laurent Champs-Massart écrit.
L’écriture confondue dans une trame qui nous prend par la main pour une déambulation entre les étals, les senteurs, les objets qui attendent l’heure de survie. La foule dense et serrée, les codes d’une brocante réputée que d’aucuns ne manqueraient pour rien au monde. Les regards qui percent au travers d’un décorum, dont le rituel pavlovien est une affaire déjà conclue par le chaland.
« 2,5 millions de visiteurs, 80 kilomètres de stands, 100 hospitalisations, 12 enfants perdus et rendus à leurs parents... »
« Code B096 ». Voici l’emplacement pour Marie-Louise et sa nièce Séléné. Une camionnette blanche dont pas un recoin est libre de ce quelque chose à vendre. L’enjeu : vendre tout le mobilier, les futilités, les souvenirs, les bols et écharpes, draps et lampes, assiettes et vaisselle de « Caillou » la sœur de Marie-Louise, démunie, fragile mentalement, et sans argent pour démarrer une nouvelle vie presque normale.
Monsieur Achab est un antiquaire chevronné. Il voit à l’arrière du véhicule, un disque quasi abandonné. Mais voilà, c’est la seule chose que « Caillou » refuse de vendre. Monsieur Achab est bousculé, transis, fiévreux. Il désire absolument ce disque rare, un 33 tours, « Cendres » de Voly Gaspara une diva réputée. Légendaire et unique, ce disque devient un emblème. Séléné s’interroge, hésite, dit que non, il n’est pas à vendre. Monsieur Achab cède, mais ne lâche rien mentalement. Il est doué pour amadouer son auditoire. Il va revenir. Caillou a bien dit non. Non à l’oubli, à la vente, à la perte. Ce disque est une histoire. Séléné et Marie-Louise ne savent pas à quel point. Que signifie-donc cet attrait de monsieur Achab et l’interdiction de vente formelle de Caillou ?
Voly Gaspara, soixante-cinq ans, et Caillou même pas dix-sept ans ? Que s’est-il passé ?
Le récit change de ton. On marche sur un fil, le funambule « Cendres » entre Séléné et Caillou fille et mère en dérive. Marie-Louise qui veille sur Séléné depuis toujours, adoptée et l’abri Alcazar. La Diva, solaire et rebelle, imprévisible, jusqu’au moindre sillon d’un 33 tours qui va du Rocher de Sisyphe, devenir la Chute d’Icare. On sombre dans un thriller magnétique, vif et sans retour possible. « Lille braderie » est plausible. D’aucuns ont vécu cette braderie de Lille et la quête du Graal. C’est une mise en abîme psychologique, dotée d’une intrigue captivante. Un kaléidoscope qui dévoile les habitus des chineurs et antiquaires. Lille en apogée et son mythe qui, ici, ouvre en grand ses ailes. C’est un roman finement sociologique, humain, tout en mouvement et l’arrêt sur image est de loin ce qu’une fiction arrime de passionnant et d’intuitif. « Apprendre à toujours se méfier » à l’instar de Prosper Mérimée. C’est un lâcher de crayons de couleur. Des barnums d’émotions à perte de vue. « Lille braderie » est une sacrée réussite. En lice pour le prix Hors Concours des Éditions indépendantes 2023/2024. Publié par les majeures Éditions Cours Toujours.
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