"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En 2005 des scientifiques ont enfin isolé le gène à l'origine des problèmes de mémoire de l'espèce humaine, sans pour autant apporter de solution. Entre 18 et 23 ans l'homme perd la capacité de mémorisation à court terme, certains se rappelant de la journée de la veille, les monos, d'autres plus chanceux, les duos, pouvant se souvenir des deux jours précédents. Cette petite différence d'un jour a provoqué une véritable ségrégation mémorielle entre l'élite des duos et la caste considérée comme inférieure des monos.
Dans ce contexte dystopique l'auteur installe, en 2015, une intrigue policière dans laquelle l'inspecteur Hans Richardson enquête sur la mort d'une jeune femme dont le corps a été retrouvé dans une rivière. Il se base sur la lecture du journal que la victime tenait comme tout le monde pour conserver une mémoire écrite, l'évolution technologique ayant permis de remplacer le papier par le numérique grâce à un certain Steve Jobs.
Mark Henry Evans, est un écrivain duo célèbre. Marié à Claire, une mono, il est candidat à un poste de député, défendant la mixité mono-duo dans les couples. Son nom revenant souvent dans le journal, il devient pour l'inspecteur le premier suspect dans sa recherche de l'assassin, le policier souhaitant boucler l'affaire dans la journée pour s'éviter des problèmes de mémoire.
La narration est chorale, Claire, Mark, Hans prenant la parole à tour de rôle, ainsi que Sophia, la victime, à travers les « entrées » de son journal qui dévoilent son étrange personnalité et font avancer l'enquête.
Je reconnais m'être posé quelques questions sur le fonctionnement de cette société. J'ai ressenti assez vite de l'étonnement quant au succès des romans de Mark. Les gens passent beaucoup de temps à transcrire par écrit les événements importants de chaque jour, à les relire ensuite afin d'en mémoriser le maximum dans la partie du cerveau dédiée au stockage à long terme, tout en menant une vie « normale » avec un travail. Quel intérêt pour eux d'en passer à lire des histoires qu'ils vont oublier au fur et à mesure ou, pire, qui risquent de parasiter une gestion déjà difficile de leurs souvenirs ?
L'absence d'enfants et d'adolescents m'a également surpris, je me suis dit que cela évitait bien opportunément à l'auteure d'imaginer le type de relation entre des jeunes qui se souviennent et des anciens, dont leurs parents, qui oublient.
Ces chipotages mis de côté, j'ai bien adhéré à cet astucieux mélange de genres. L'intérêt principal est évidemment l'original décalage dystopique qui permet de traiter de façon surprenante le thème de la ségrégation, et qui renforce une intrigue au demeurant assez basique en compliquant fortement la tâche des enquêteurs, en raison notamment de la consultation incessante des mémoires numériques par les témoins lors des interrogatoires – ce que d'aucuns pourraient néanmoins trouver répétitif. L'auteure ménage un bon suspense et quelques surprises dans un roman que j'ai trouvé plutôt addictif.
L’humanité se divise en mono et duo. Les mono ne se souviennent que du jour précédent, les duos, des deux derniers jours. Les duos constituent l’élite et les monos composent la masse plus défavorisée et méprisé par les duos.
Mark (duo) et Claire (mono) sont mariés depuis 20 ans quand un inspecteur vient frapper à leur porte pour interroger Mark sur le meurtre d’une femme qui le mentionne dans le journal. Afin de se souvenir de leur vie, les monos comme les duos ont un journal idiary (oui apple est là aussi) sur lequel ils rapportent les événements du jour.
L’enquête est mené par un inspecteur, mono qui se fait passer pour duo, qui doit régler l’affaire à la fin de la journée pour éviter tout oubli. Comment ? et bien pour notre part, on peut lire le journal de Claire, de Mark, de l’inspecteur et celui de la victime.
J’ai apprécié la trame bien construite, le passage de journal en journal de la part de gens qui doivent eux-même se reporter à leur journal pour se souvenir des faits. Sans compter qu’ils sont libres de noter ou pas les événements du jour, ce qui complique l’enquête.
Plus que l’intrigue, ce qui m’a plu c’est la place de la mémoire et ce monde dans lequel on peut sélectionner les événements à garder en mémoire.
Les personnages sont manipulateurs chacun à leur façon, parfois vicieux . Un thriller efficace dans un monde très intéressant où la mémoire est courte, ce qui devrait limiter les rancunes et les haines mais qui rend les enquêtes compliquées à résoudre tant le vrai et le faux sont difficiles à distinguer et les preuves éphémères.
Bon, me voilà bien embêté pour parler de ce livre qui allie une intrigue bien menée, machiavélique, un truc bien tordu qui ne laisse pas indifférent à une écriture qui privilégie les dialogues pas toujours indispensables et surtout à une idée qui n'est pas vraiment exploitée à sa juste hauteur. En effet, cette idée des Monos et des Duos ne m'a pas convaincu, je pensais que chaque matin des uns et des autres serait vierge et que le vie recommençait, mais par un subterfuge -l'IDiary, le journal électronique individuel-, chacun note ses journées et peut apprendre les faits notés pour ... s'en souvenir. Donc ces problèmes de mémoire finissent par n'en être plus, et j'avoue n'avoir pas compris l'intérêt du truc ; mais sans doute suis-je passé à côté d'informations. L'écriture non plus n'a rien de transcendant. Non, ce qui fait l'originalité de ce roman c'est vraiment l'intrigue et la construction, alliées tout de même à la lecture des journaux des uns et des autres, comme quoi l'idée des mémoires qui flanchent n'est pas totalement ratée. Felicia Yap balade tranquillement son lecteur dans une histoire tortueuse dans laquelle on se doute qu'il y a machination, mais on ne sait pas trop qui l'a ourdie. On s'attend également à des surprises, des détails à chaque page, ce qui rend la lecture plaisante, du genre de celle qu'on ne lâche pas aisément.
Roman qui pourra faire les délices des vacanciers sur les plages cet été
Aux portes de la mémoire est un thriller atypique que j’ai dévoré en deux soirées pressée de connaître les tenants et aboutissants d’une histoire qui vous emmène dans les tréfonds du couple et de la mémoire.
Ces deux thèmes sont omniprésents dans ce monde différent du nôtre, une sorte de dystopie dans laquelle les gens ne sont plus catégorisés selon des critères comme le sexe, la religion, l’ethnie, l’orientation sexuelle, mais selon leurs capacités mémorielles. Les Monos se souviennent des dernières 24 heures de leur vie et les Duos des dernières 48 heures. De cette différence, qui intervient à la fin de l’adolescence, naît une discrimination totale et révoltante qui donne aux Duos les pleins pouvoirs sur la société puisqu’ils sont censés être plus intelligents et méritants. Les Monos, quant à eux, forment une classe secondaire de citoyens que l’on se permet de juger, jauger et de limiter dans leurs aspirations professionnelles.
Chronique sur https://lightandsmell.wordpress.com/2019/07/15/aux-portes-de-la-memoire-felicia-yap/
C’est assez surréaliste et révoltant de voir que personne ne réagit vraiment à cette différence de traitement comme si la planète entière l’avait intériorisée et acceptée comme un fait acquis et indiscutable… Il y a heureusement un personnage qui, d’une certaine manière, lutte contre le système même si cela le conduira à rester toujours sur le qui-vive et à redoubler d’efforts pour ne pas que son secret s’ébruite.
Dans ces conditions, on peut comprendre que les mariages mixtes entre Duos et Monos soient peu courants et très peu acceptés, les premiers étant bien trop « supérieurs » aux seconds pour se mélanger avec eux et risquer de compromettre leur descendance… Une chose que Marc Evans, qui se lance en politique, aimerait changer. Son atout dans son combat, son propre mariage mixte avec une Mono, Claire, depuis 20 ans. Derrière cet argument de poids se cache néanmoins une autre réalité, celle d’un couple qui cohabite plus qu’il ne vit ensemble, de deux époux qui ont du mal à communiquer et que leurs différences, supposées et réelles, ont fini par séparer. Mais ces problèmes de couple ne sont rien au regard du coup de massue qui va frapper Claire quand son mari sera suspecté d’avoir assassiné sa maîtresse par un inspecteur bien décidé à élucider rapidement son enquête. Le compte à rebours a commencé, la vérité doit éclater quel qu’en soit le prix !
Ce qui rend cette enquête aussi passionnante, c’est cette ambiguïté constante sur la mémoire qui est ici triturée, questionnée, manipulée, partiale et parcellaire. Chaque personne remplit ainsi scrupuleusement chaque soir son journal intime électronique Apple afin de retranscrire les grands événements de sa journée. Des entrées qu’il suffit de faire défiler quand on veut se souvenir de quelque chose ou d’apprendre par cœur pour transformer une information en fait dont on se souviendra toute sa vie. Comment alors confondre un assassin qui, au bout de 24/48h ne se souviendra de rien à moins d’avoir, ce qui demeure peu probable, confessé ses crimes par écrit ? Et puis, quelle confiance accorder à ces journaux électroniques ? D’ailleurs, celui récolté par l’inspecteur dans le cadre de son enquête est tellement délirant qu’il s’avère difficile de lui porter crédit bien que certains faits semblent bizarrement coïncider avec la réalité…
Écrire pour vivre, écrire pour se souvenir, écrire pour manipuler, écrire pour oublier… Dans cette histoire, difficile de savoir à quels souvenirs et à qui vraiment se fier, la dissimulation, volontaire ou non, étant constante et inévitable. Mais si Claire découvre son mari menteur, tricheur et volage, elle a au moins une certitude, ce n’est pas un meurtrier. Jusqu’alors assez passive, elle va se lancer dans une quête de vérité qui la mènera sur un chemin qu’elle n’aurait jamais cru emprunter. En fouillant le passé, de sa rencontre avec son mari à cette situation de femme au foyer dépressive que la vacuité de sa vie oppresse, c’est elle-même qu’elle mettra à nu… pour le meilleur et pour le pire.
L’autrice nous offre ici un thriller sombre et palpitant qui alterne avec habileté entre le présent/le passé et différents protagonistes, tous différents les uns des autres : Marc et Claire Evans, un inspecteur qui a ses propres secrets, et une femme qui nous apparaît aussi mystérieuse que complètement dérangée. Devant des protagonistes dont la psychologie est aussi développée, complexe et nuancée, on jongle entre empathie, dégoût, tristesse, compréhension, agacement, émotion… Rien n’est figé dans le marbre : les inimitiés des débuts peuvent laisser place à une certaine indulgence, et l’empathie pour certains se muer en incrédulité, voire effroi. Attendez-vous donc à être surpris par les personnages et des révélations fracassantes qui vous donneront envie de revoir le roman et certains comportements sous un jour nouveau.
Grâce à la fluidité de sa plume et une gestion du suspense intelligente, l’autrice a su me captiver dès les premières pages d’autant que la narration dynamique incite à se laisser emporter par l’histoire. J’ai également apprécié la manière dont elle a réussi à soulever, sans aucune lourdeur, des réflexions intéressantes sur des thèmes universels. Il est ici question de ce sentiment de trahison et de vengeance qui pousse à toutes les folies, de préjugés et de cette discrimination bien trop souvent acceptée, de la dépendance de l’homme à la technologie (l’ombre de Steve Jobs planant autant dans cette dystopie que dans notre réalité), des fondations d’un couple, de mémoire, du poids de la vérité et du passé, du droit à l’oubli…
La vérité en tant que devoir de mémoire, un frein ou une condition sine qua non pour avancer dans la vie ? Une question que vous ne pourrez que vous poser en tournant la dernière page de ce page-turner que je recommande à tous les amateurs de thrillers dans lesquels sont mises à nu la complexité de l’âme humaine et la force des passions.
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