"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
J'ai eu l'impression de plonger dans le tableau ! J'ai beaucoup aimé.
Le livre d’Eric Emptaz traduit à la perfection les sons et les images de l’Inde, des klaxons de voiture aux cris des corbeaux, aux bruits de la foule dans un mouvement brownien incessant.
L’Inde est le lieu de rendez-vous improbable d’un homme en fuite pour oublier son passé et la perte de son amour, d’un jeune islamiste voulant mourir en martyr de la cause jihadiste et d’une jeune journaliste américaine.
Emporté dans un tourbillon, le lecteur est tenu en haleine tout au long de l’ouvrage.
Au fil de l’histoire, les silences prennent le pas sur les bruits et le patchwork des couleurs se réduit à la seule couleur rouille, mélange des navires en décomposition et du sable de la plage d’Alang.
Le destin va répondre à la question de savoir si le héros, Louis, a franchi le point de non-retour ou s’il peut retrouver un nouveau chemin.
Une ambiance de fin de vie s’installe dans ce cimetière de bateaux. Mais à la différence d’autres histoires, la passion va –elle – succéder à la crucifixion ?
Les corbeaux d’Alang méritent d’être connus et reconnus : les flots de sensations qu’ils inspirent dans cette Inde méconnue, magique et terrifiante à la fois exercent de belles attractions littéraires.
Le mariage d’un mets et d’un vin est un plaisir gourmet, celui d’un roman et d’un atlas une caresse à l’esprit. J’aime voyager dans les livres, accompagné de la carte des lieux, a fortiori quand ils sont aussi éloignés de moi que dans ce roman installé sur la côte ouest de l’Inde dans l’état de Gujarat, d’où partent des destins et des routes plus au sud vers Mumbai (Bombay) et au nord vers le Rajasthan et le Jammu-et-Cachemire*. Là se croisent trois personnages romanesques qui font le livre : un scénariste français dont le voyage est une fuite du drame qui a coûté la vie à « la femme qu’il a le plus aimée » ; une journaliste américaine qui enquête sur les conditions de travail dans les chantiers d’Alang où l’on dépèce les bateaux de l’Occident – « loin de chez eux, à l’abri des regards » – et, troisième personnage un jeune Indien musulman qui a perdu sa famille au cours d’un massacre ethnique et survit en s’embauchant sur lesdits chantiers. Les conditions de travail y sont inhumaines ; blessé, il est recruté comme Moudjahidin dans un groupe islamiste qui prépare un attentat à Mumbai… De ce mixage où flottent le deuil, la misère et le luxe, Erik Emptaz fait un vrai bon roman où circulent des personnages bien pris selon une intrigue habillement menée. L’écriture est sans esbroufes, intelligente et juste, aussi bien dans la description des sentiments que dans la peinture d’un pays de fractures, entre les ethnies et les religions, entre le moyen-âge et la modernité, entre les riches que la mondialisation rend encore plus riches (Mital !) et les pauvres, toujours très pauvres et exploités. Le débat est permanent, j’ai respiré dans ce roman un style plus littéraire que journalistique ; je le dis comme un compliment !
* Le Cachemire est partagé entre l’Inde et le Pakistan, celui-ci est l’Indien.
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