"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En plein festival d’Edimbourg, Jackson Brodie, ancien policier devenu rentier grâce à un coquet héritage, est témoin d’un banal accrochage entre deux automobilistes. L’incident prend cependant une tournure violente lorsque l’un des conducteurs frappe l’autre avec une batte de base-ball avant de prendre la fuite. Cette agression, qui semble fortuite, est peut-être cependant au coeur d’un enchevêtrement de situations à la fois rocambolesques et dramatiques qui ne doivent rien au hasard…
Au début, il faut accepter de se sentir un peu perdu, tant les différents personnages et leurs histoires semblent n’avoir aucun lien entre eux, mais évidemment on se doute que tout est lié. D’ailleurs, on réalise rapidement que la construction est parfaitement maîtrisée, et les pièces du puzzle s’emboîtent peu à peu pour laisser apparaître la vue d’ensemble.
Et ce panorama de la société britannique n’est d’ailleurs pas joli-joli : pouvoir de l’argent, arrogance des riches, corruption, projets immobiliers pourris, réseau d’exploitation de jeunes femmes d’Europe de l’Est,… Comme si cela ne suffisait pas, Kate Atkinson charge encore la barque en brocardant les relations familiales (couple, parents-enfants), le théâtre d’avant-garde, une certaine littérature policière désuète, le monde de l’édition et de la promotion littéraires.
Si le trait est la plupart du temps drôle voire féroce, l’auteure fait preuve aussi d’empathie envers ceux de ses personnages empêtrés dans leur solitude et leurs difficultés à créer un lien social ou amoureux.
Avec sa savoureuse galerie de portraits, son ton incisif et ses péripéties incessantes, « Les choses s’arrangent… » est un roman plus profond qu’il n’y paraît, à la fois polar et comédie satirique, qui garantit une lecture jubilatoire.
C’est noir comme une nuit de décembre et sombre comme un ciel d’orage au-dessus d’un loch écossais et, pourtant, j’ai encore adoré. Les bonnes nouvelles tardent à venir…surtout pour ce petit groupe de survivants, rescapés des massacres qui ont jadis saccagé leurs vies en détruisant leurs familles.
Il y a l’ex-soldat, ex-détective privé, Jackson Brodie, récemment et rapidement (trop ?) remarié. Il va recroiser l’inspectrice Louise Monroe, récemment remariée (pas avec lui, ce qu’elle regrette parfois) et aussi le Dr Joanna Hunter dont la phrase favorite, « Comme c’est triste ! », semble aller comme un gant aussi bien à son passé, qu’à sa chienne nommée Sadie, ou qu’à ce qui lui arrive à présent.
« Elle était en deuil toute sa vie était un travail de deuil. Parfois la nuit, dans ses rêves, elle entendait leur vieux chien aboyer et le souvenir de son chagrin était si vif qu’elle songeait à tuer le bébé, puis à se tuer, tous d’eux s’éclipsant paisiblement avec un opiacé, pour qu’il n’arrive jamais rien d’abominable au bébé. Un plan d’urgence pour quand on était coincée, pour quand on ne pouvait pas courir. En cas de famine ou de guerre nucléaire. D’éruption volcanique ou de comète s’écrasant sur terre. Si elle se retrouvait dans un camp de concentration. Ou était enlevée par d’horribles psychopathes. S’il n’y avait pas de seringue, s’il n’y avait rien, elle mettrait la main sur le visage du bébé, puis elle se pendrait. »
Il ne faut pas oublier la nounou du bébé. Reggie, seize ans, orpheline avec pour seule famille son délinquant de frère qui se sert d’elle, la vole, la menace et lui envoie les malfrats qu’il tente de doubler. Personnage lumineux, optimiste alors qu’elle aurait tout pour sombrer, « Reggie avait seize ans mais on lui en aurait donné douze. Reggie passait sa vie à dire « J’ai seize ans » à des gens qui ne la croyaient pas. Ce qui était bête, c’est qu’elle en avait cent à l’intérieur. »
Reggie qui s’attache au bébé, au Dr Hunter et au chien et réciproquement. Reggie qui a le flair de ceux qui acceptent d’ouvrir les yeux, qui s’étonne du départ du Dr pour « aller voir une vieille tante », Reggie qui est là et bien là, quand tout déraille, y compris l’express d’Edimbourg. Reggie, une hirondelle qui ne fait pas le printemps, juste un rayon de soleil entre deux orages ; une petite affamée de tendresse qui en a à revendre pour qui voudrait bien l’accepter.
Kate Atkinson compose un roman dont l’intrigue tient parfaitement le lecteur en haleine tout en développant ses thèmes favoris (la brutalité que subissent beaucoup de femmes, l’amour fraternel, les parents rarement à la hauteur, les mauvais choix, les mariages ratés, la solitude des victimes, la tendresse qu’on trouve auprès des chiens). Ce pourrait être rebutant, ce n’est pas du tout le cas. Le style léger et souvent en décalage avec la tension dramatique, l’humour (politesse du désespoir ?) en filigrane, les références littéraires et musicales, rendent ses livres tellement originaux et agréables à lire. Et puis, qui sait, grâce à Reggie, les bonnes nouvelles finiront peut-être par arriver…
« Et Reggie dit :
« Le petit moineau dit :
Si je reste, je suis cuit
Et de battre des ailes
Et de s’envoler. Cui cui ! »
Et de battre toutes les deux des mains et le bébé de rire et de battre des mains aussi. »
Passionnant et jubilatoire!
« C’est ce qui s’appelle un imbroglio policier, hein ? dit joyeusement Clare à Martin. C’est paru dans les journaux, vous savez. Votre mort. »
On peut prétendre qu’il s’agit d’une enquête policière. A mon avis, c’est beaucoup plus que ça. L’enquête, si enquête il y a n’est qu’un prétexte, d’ailleurs on y suit beaucoup plus les témoins de « l’incident » que ses enquêteurs. C’est plutôt une formidable galerie de portraits, de sentiments et de situations qui s’enchaînent, sans liens apparents au début, pour, au final, constituer un récit parfaitement cohérent.
« L’écrivain avait des poupées gigognes, des matriochkas…alignées sur le rebord de la fenêtre, elle les époussetait chaque semaine. Parfois elle les rangeait les unes dans les autres, jouait avec comme lorsqu’elle était gamine. » C’est bien ça, une brillantissime histoire de poupées russes avec des prénoms russes : Tatiana, Sophia, Irina et d’autres qui ne le sont pas : Gloria, Julia ou Louise.
Une comédienne qui ne joue pas beaucoup tout en se la jouant quand même beaucoup, un homme d’affaires louches qui fait un arrêt cardiaque pendant une séance avec une call-girl, sa future veuve déjà sereine, un comique qui ne fait plus rire, une brute qui fracasse tout sur son passage, un adolescent rebelle qui fait le désespoir de sa mère, des théâtreux confidentiels qui se prennent au sérieux, un écrivain à succès mais mal aimé et introverti, une policière dont la vie n’a rien d’un long fleuve tranquille entre l’adolescent évoqué plus haut, un chat aveugle et arthritique ainsi que l’urne funéraire de sa mère et, pour finir, un ancien flic qui vit de ses rentes et avec la susdite comédienne tout en n’aimant pas le théâtre d’avant-garde . Ajoutons une entreprise de nettoyage dont le nom (« Faveurs »), le slogan (« Nous Faisons Tout ce que Vous Voulez ») et la caractéristique de ses techniciennes de surface (un peu trop jeunes, un peu trop jolies, un peu trop étrangères) pourraient laisser à penser qu’elle n’est pas tout à fait ce qu’elle prétend être.
N’omettons pas le cadre. Edimbourg, ses lotissements huppés ou bon marché et son château, Edimbourg, ses pubs et son Royal Mile. Edimbourg pendant le Festival où la comédienne a, pour une fois, décroché un rôle :
« La pièce intitulée "A la recherche de l'équateur au Groenland" était tchèque (ou peut-être slovaque, Jackson n'avait pas vraiment prêté attention), un truc existentialiste, abstrait, impénétrable qui ne concernait ni l'équateur ni le Groenland (ni d'ailleurs la moindre recherche). »
Ce qui ravit, bien sûr, Jackson, son compagnon :
« Tout ce qu'il savait du Festival d'Edimbourg remontait à la fois où il était tombé par hasard sur une émission de télé tardive, où un tas de branleurs bobos débattaient d'un spectacle d'avant-garde prétentieux. »
Prétendre que le théâtre d’avant-garde se tire à son avantage de ce roman serait assez peu conforme à la vérité. Néanmoins, en étant très positif, on pourrait considérer qu’il ne s’en sort pas beaucoup plus mal que la promotion immobilière ou que l’édition. On retrouve aussi un des thèmes favoris de l’auteure : famille je vous hais, dans les relations habituelles les plus conflictuelles : couples, mère-fille, mère-fils. On passe du drame à la plus folle comédie, on apprécie l’ironie distanciée ou l’humour féroce dont personnages et microcosmes font les frais. De coïncidences en quiproquos, de sourires en francs éclats de rire, le plaisir nous guide jusqu’à la fin de cette mécanique parfaite qui laisse son lecteur époustouflé, ravi et déçu de n’avoir plus rien à lire que la page des remerciements.
As indicated by the title, When will there be good news ? is not a cheerful book. Actually, the story itself is quite gruesome, with numerous deaths and a succession of tragic events which seems to never stop. If it weren’t for Kate Atkinson’s obvious talent at writing, I would probably not have enjoyed such a plot.
In Edinburgh, sixteen-year-old Reggie works for Dr. Hunter. But when her employer disappears with her baby, she seems to be the only one to worry about her, perhaps because Detective Chief Inspector Louise Monroe is too busy looking for David Needler, who has just murdered several relatives.
Anita Shreve’s novel is moving and its organisation successfully organised: one chapter out of two tells about the present and explains how Kathryn deals with the situation. The other chapters tell about the past and recount moments of her life with her husband Jack, from their marriage to the last time she saw him. As a consequence, the reader feels involved in Kathryn’s thoughts and discovers her memories little by little, as they come back to her mind. At the same time, and without the reader noticing it, the author prepares the spectacular end which is about to come. It is only towards the very end, after tension built up in the last chapters, that we fully understand the connection between all the anecdotes – although a basic general knowledge is required to catch all the details.
Jackson Brodie, ex-police officer, is on a journey that could change his life, but an unexpected event occurs which turns his plans unsuccessful.
These three different stories finally come together in an amazingly thrilling plot which holds in store many surprises.
Although this book is not the first one telling of Jackson Brodie’s adventures, it is the first one I read and it turned out to be a success. I really enjoyed the writing style, which is not what you would expect in a crime novel. It is funny, full of jokes, plays on words and comic scenes; it is literary, full of quotes by famous British authors; it is contemporary, full of references to a typical English or Scottish daily life. And yet, it is full of suspense and dark events.
We are thrown into the story straightaway, witnessing a terrific crime. However, after these few pages full of tension, the pace slows down notably and we have a whole first part to gat to know the characters. Several stories are mixed together: Reggie’s, Dr. Hunter’s, Louise Monroe’s, Jackson Brodie’s... and many other people’s. The chronology is more or less linear and so we go from one person to another. In these chapters, there is not a lot of action; we get to know the characters we are going to accompany until the end of the book. The way the plot is built reminded me a lot of Harlan Coben’s novels, which always start with different stories that come together in the end.
It is only about half way through the book that we finally understand the link between these different stories. I would not say there is real suspense, because I had guessed quite a lot of the events, but it did not spoil my reading at all and the tension built up constantly in the second part. From that moment on, the rhythm of the story is a real contrast to the slow – and apparently quiet – life the characters lived at the beginning. I liked the difference and thought it was extremely well balanced; we get to now the characters first and then the action takes place.
The characters are all extremely well built and attaching. We get to know them extremely well and I particularly enjoyed Reggie, who is the real hero of the novel. Although she does not have a lucky life, she is very clever and kind as well as independent and grown-up – sometimes a little bit too much to my taste. As plays a central role in the plot, all the other characters get to know her and I liked the way their relationships slowly developed.
The great number of deaths and murders – I think that all of the characters have a member of their family who died of natural or unnatural cause – was sometimes too much for me, but although there were so many coincidences, I was not disturbed by the fact that the story was unrealistic or unlikely. This is probably due to the author’s writing style and the way she constructed her story.
In summary, When will there be good news ? is a good book, between psychological and crime novel. Kate Atkinson’s writing style is no doubt its biggest strength, with many touches of humour in the middle of a rather macabre story – something fresh and unexpected that will lead us through the pages.
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