"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L’intrigue se déroule dans une ville sans nom, mais cependant assez importante pour qu’il y ait un hôpital, un aéroport international, des hôtels de grand standing, des banlieues tristes, des traine-misère, des hooligans, des skinheads, des ouvriers, des chômeurs, et des pubs bondés le vendredi soir, point de rencontre de voisins ou d’amis venus boire quelques pintes, bavarder, draguer, fumer un peu de tout, pour oublier que la vie n’est vraiment pas tous les jours facile.
Le rythme est très soutenu, les phrases sont denses, j’ai l’impression qu’il y a mille information par page, et pas de respiration possible. La vie est difficile, les tâches complexes et nombreuses, le lecteur le ressent à la lecture. Il n’y a pas de longues descriptions narratives pour reposer le lecteur. Ruby, fille unique dont la vie n’est pas toujours rose, une mère atteinte d’Alzheimer, un père décédé trop jeune, vit seule. Elle a un emploi d’infirmière à l’hôpital. C’est un travail difficile, il y a trop peu de personnel et trop peu de moyens. Ruby est cependant capable de découvrir ce qu’il y a de positif et de beau chez ceux qu’elle rencontre et dans sa vie. Elle est toujours optimiste, encourageant les autres, prête à aider les malades, à les accompagner, à soulager les peines de ceux qui l’entoure.
En parallèle, nous suivons Jeffreys, un homme si bien sous tous rapport, bien habillé, bien éduqué, il semble avoir une sorte d‘emploi de superviseur dans le même hôpital. Il croise régulièrement Ruby et ses collègues qui semblent toutes apprécier ce monsieur si bien qui ne dérange personne. Il cherche comment attribuer au mieux les fonds disponibles, travaillant surtout la nuit, et profitant d’une vie aisée le jour. Il aime vivre à l’hôtel, profiter du luxe d’un service de qualité, d’un dîner fin, il vit seul et semble pleinement satisfait.
Pourtant, au fil des pages, nous découvrons en Jeffreys un personnage très étrange, malsain, à la limite de la perversion, violent parfois, certain de la toute-puissance et de la justesse de sa mission, et de sa vision du monde et des hommes, de leurs travers, de leurs péchés, de leurs droits. Et d’ailleurs qu’elle est sa mission ? C’est un mystère bien entretenu par l’auteur, et qu’il nous dévoile au fil des pages.
Lutte des classes ? Les upper-class contre les White trash, ces petits blancs pauvres qui sont la lie de la société ? Lutte de la richesse contre la pauvreté, de l’éducation contre la bêtise ? De page en page, John King dévoile des personnalités et des caractères surprenants, attachants, perturbants, troublants. C’est intéressant, même si cela met très longtemps à aboutir. On se demande à quel moment vont se croiser et peut être s’affronter ces deux personnages, il y a une vraie claque à la fin et l’auteur pose de véritables questions.
En lisant que Jeffreys regarde des VHS et que Ruby enregistre des cassettes, j’ai réalisé que ce roman a mis quelques années avant d’être traduit. Je le trouve néanmoins terriblement actuel dans ses questionnements. En particulier sur l’hôpital, le coût des malades, des soins, et quel avenir, quels moyens, comment faire dans nos sociétés en crise pour arriver à maintenir des traitements égalitaires quelle que soit la place de l’Homme, quelle politique sociale pour demain ?
Critique white Trash :
L’auteur nous propose de suivre deux destins bien différents, mais pourtant...
Une incursion émouvante dans l’Angleterre des white trash, terme d’argot qui désigne les blancs défavorisés et pauvres. On y rencontre tour à tour des personnes de la classe ouvrière qui peinent à survivre, des quartiers où il est difficile de faire sa place tant les inégalités sont présentes. C’est un roman noir qui cadre tristement avec l’actualité. C’est une véritable fresque sociale qui nous amène à nous interroger sur notre place dans la société, sur notre place dans l’entreprise aussi.
Nous suivons d’abord Rudy, une jeune infirmière qui voit tellement d’horreur dans son métier d’infirmière : pauvreté, vieillesse et souffrances en tout genre, qu’elle se laisse le soir venu, aller à boire, aller en soirée pour s’étourdir. Pour ce personnage l’auteur utilise un vocabulaire très trash et imagé. Puis, Mr Jeffreys, médecin hospitalier qui est privilégié et qui s’en sort bien. L’auteur utilise une écriture plus subtile, des mots plus soignés.
J’ai vraiment apprécié ce changement de champs lexical qui apporte beaucoup à la lecture. Au début, J’ai eu du mal à rentrer dans l’histoire car je ne voyais pas du tout où l’auteur voulait me mener, mais petit à petit les destins se croisent, on en apprend plus et on commence à comprendre. J’ai aimé en apprendre plus sur l’enfance des protagonistes et les voir évoluer jusqu’à ce qu’ils sont aujourd’hui.
Un livre qui sort des sentiers battus, en effet, le ton est particulier, saccadé. L’absence de ponctuation donne un rythme effréné. J’ai tout de même aimé ce livre et cela m’a donné très envie de lire les autres livres de John King.
Je le conseille aux amateurs de roman noir, de roman de société. Ce fut pour moi un très bon moment de lecture et quelle fin tragique ! Je suis restée scotchée.