"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Cet entretien entre Gao Xingjian et Yang Lian s'est déroulé à l'automne 1993 à Sydney. Yang Lian avait quitté la Chine depuis quatre ans, Gao Xingjian était installé en France depuis 1988.
Yang, le Chinois du Nord, de la civilisation du fleuve Jaune et du loess, Gao, l'homme du Sud, de la civilisation du fleuve Bleu, malgré les différences de leur sensibilité, ont une position étonnamment proche, sont pris dans un même mouvement qui les fait « se tourner ensemble vers l'infini d'une parole ».
La question de l'exil est intimement lié à une réflexion sur la langue chinoise, sur le nom à donner à un langage où le hiatus entre l'écriture et l'oralité est plus marqué de par la présence des sinogrammes. Quand elle concerne le rapport que l'écrivain exilé entretient avec sa langue maternelle, cette réflexion devient plus universelle, rejoignant alors toute cette tradition de la mise en exil (physique ou psychique) par l'écriture, qui a une si longue histoire en Occident. Le phénomène est nouveau pour la littérature et les arts en Chine. Il a été rendu possible, paradoxalement, par l'ouverture de ce pays après la chute du régime maoïste, et s'est accéléré après les événements de juin 1989.
Il existait, dans la Chine ancienne, une tradition de l'exil politique. Le haut dignitaire, quand il n'était pas banni par l'empereur loin de la cour, s'éloignait de lui-même pour exprimer son désaccord avec la politique suivie, attendant, « en marge » du pouvoir, l'occasion de donner le meilleur de lui-même au service d'un prince qui saura apprécier ses qualités.
Le sentiment d'exil, pour de nombreux dignitaires en poste loin de chez eux, se confond souvent avec la nostalgie du pays natal et des ancêtres. Cette nostalgie a longtemps hanté Gao Xingjian, jusqu'à ce qu'il coupe le cordon ombilical avec la Chine en septembre 1989, date de l'achèvement de La Montagne de l'âme. Certes, le sentiment de l'exil, ce « séjour loin de chez soi », on peut le ressentir même en Chine, selon Yang Lian. Il n'est ni politique, ni géographique : il s'agit d'un état existentiel lié à la pratique de l'écriture.
La notion d'exil dans ce texte est exprimée de deux façons. Yang Lian emploie souvent le mot « errance », lequel, est rendu en chinois par deux sinogrammes comportant l'élément eau : piaobo (piao signifiant « flotter », « aller à la dérive » ; piaobo : « mener une vie errante »). Il recourt aussi au mot liuwang, employé la plupart du temps par Gao Xingjian, mais il le place, quant à lui, entre guillemets, pour bien montrer qu'il ne désigne pas, pour lui l'exil au sens géographique ou politique, mais plutôt l'idée de s'exiler, de mourir.
« Face à une politique de force, à l'opinion publique, à la morale, à l'intérêt des groupes et des partis, ainsi qu'aux modes, si l'homme veut préserver les valeurs qui lui sont propres, sa dignité, son indépendance spirituelle, c'est-à-dire, sa liberté, la seule issue qui s'offre à lui est la fuite/l'exil, si cela s'avère impossible, il ne lui reste qu'à périr. » Gao Xingjian, Notes parisiennes, 1990
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !