Après avoir établi une liste de trente romans le 20 mars dernier, le jury du Prix Orange du Livre s'est à nouveau réuni ce lundi 28 avril pour sélectionner les cinq finalistes.
« Mon frère Philippe est mort le 17 juillet 1995, un peu avant midi, dans une chambre de l'hôpital de Villejuif. Il aurait eu trente-quatre ans une semaine plus tard. C'est le seul frère que j'ai connu, le seul que j'aurai jamais. L'image de Philippe allant vers sa fin n'existe en moi que par la brûlure qu'il a entretenue pendant des années, et qui dure encore. [.] Si grand soit l'amour, si fort le passé partagé, mon frère, à partir d'un certain moment, ne m'a plus été sensible que par la blessure. C'est à cette aune que je mesure combien je l'ai connu, combien je l'ai méconnu. On peut retracer de l'extérieur la vie d'un autre ; mais le deuil ne renvoie qu'à soi, oblige à retrouver en soi le souvenir de ce qui fut. » « Une réflexion intime sur l'insupportable effacement d'un être aimé. Limpide et bouleversant. » Nathalie Crom, Télérama.
« Un livre hors du commun, plein de grâce. » Valérie Trierweiler, Paris Match.
« Lambron parle magnifiquement de la perte et du souvenir. » Alexandre Fillon, Lire.
Après avoir établi une liste de trente romans le 20 mars dernier, le jury du Prix Orange du Livre s'est à nouveau réuni ce lundi 28 avril pour sélectionner les cinq finalistes.
Cinq romans sont en lice pour le Prix Orange du Livre 2014. Cinq romans sélectionnés par le jury pour leurs indéniables qualités littéraires. Cinq romans soumis au vote des internautes pour déterminer qui sera le lauréat de cette 6e édition. Mais qui se cache derrière ces pages, cette plume, cette verve ? Comment ont réagi les auteurs à l'annonce de leur nomination ? Hubert Mingarelli, Lola Lafon, Marc Lambron et Maylis de Kerangal ont accepté de répondre à quelques questions.
Ecrit avec une sensibilité extrême sur un sujet qui embarrasse , hélas encore , mais douloureux pour celui qui est concerné .
Je viens de finir ce magnifique roman. En regardant un peu sur Internet, j'ai vu qu'il était en lice pour le prix Orange. Je me suis inscrit exprès pour voter. Quelle plume ! Quelle sensibilité ! Cette histoire du frère disparu est tout simplement bouleversante. Après, je n'ai pas lu les autres livres de la sélection mais le récit de Marc Lambron est réussi et juste. Il est arrivé à me toucher et peu de livres me touchent normalement mais là wouah. C'est tendre et pudique, c'est beau.
« Ceux qui veulent croire que certaines préférences amoureuses inscrivent un être dans une altérité radicale: il ne serait pas comme nous, Parce que nous avions vécu, je l'ai dit, dans une sorte de gémellité, parce que j'eus tant de fois l'occasion de retrouver mes traits dans son miroir, mon expérience fut inverse.
Nous divergions sur des inclinations, des goûts,Mais jamais je n'ai pu percevoir Philippe comme d'une essence différente au seul motif de nos sensualités ne se fixaient pas sur les mêmes objets.
Philippe était comme moi et j'étais comme lui.»
Ce paragraphe dit tout.
Récit d'une beauté que l'on ose à peine écrire.
Alors que Marc débutait sa famille il apprend que son unique frère Philippe est atteint du sida, cette condamnation sans appel, il va accompagner avec amour celui qui lui est unique.
L 'amour fraternel jusqu'au bout, cet objet livre est la main qui continue à relier Marc à Philippe et Philippe à Marc.
Le lecteur dit merci à l'auteur pour le partage de l'intime.
Grave, émouvant et vivant.
Le livre aujourd’hui publié est un texte qui date de 1995, écrit par Marc Lambron quelques mois à peine après la mort de son petit frère, Philippe, fauché à l’aube de ses 34 ans par le sida. S’il a laissé passer vingt ans avant de le rendre public, c’est que l’auteur n’est pas de ceux qui se complaisent dans le récit d’eux-mêmes, de leurs petites histoires et de leurs moindres chagrins. Et s’il le fait aujourd’hui, c’est pour conjurer l’amnésie, combattre l’oubli et redonner vie au portrait d’un frère trop tôt disparu. Et même si « des mots n’ajouteraient rien à son silence », ce texte magnifique, fort, vibrant, lui rend sans nul doute le plus beau et le plus fraternel des hommages… Quant au fait que l’auteur ait choisi de ne pas faire la promotion de ce livre, c’est une admirable leçon de dignité pour tous ceux qui vendent leurs vies, leurs souvenirs et leurs âmes…
Bien que très personnel, le récit de Marc Lambron n’en est pas moins infiniment pudique et plein de respect. Hors de question pour lui de révéler des secrets que son cadet n’aurait jamais dévoilés, un cadet brillant, élégant, tellement intelligent. Hors de question aussi d’évoquer son intimité, les causes de la maladie, et ses effets, ses marques si cruels qu’il s’est attaché à masquer, pour se protéger. « Le secret prémunissait Philipe contre la sollicitude, qui est souvent le masque apitoyé du sadisme ordinaire. » Les réactions à un diagnostic aussi impitoyable, véritable ‘bombe à fragmentation’ sont imprévisibles et souvent indésirables. Mieux vaut entrer dans ‘le monde du secret’, circonscrire au plus juste les gens qui savent. « Il est difficile d’affronter sa propre mort : mais lorsque l’on devient l’otage de l’effroi que les autres ont de la leur, cela doit devenir insoutenable. »
Pour l’entourage aussi, la situation est compliqué, savoir quelle est l’attitude à adopter est délicat. Mais d’emblée, la relation fraternelle, même si elle s’est parfois distendue au temps de l’adolescence et du passage à l’âge adulte, reprend ses droits, pleinement. « Philippe était mon frère. Je ne pouvais pas le regarder comme un être qui se résume à sa maladie. En général, on veut donner une identité à ce qui nous effraie, et cette identité-là ajoute encore à la pesanteur. Or, la moindre des libertés, c’est de pouvoir exister au-delà de la tristesse qui nous accable. Cette liberté, Philippe la recherchait : il a longtemps pris soin de ne pas se confondre avec le malheur qui le frappait. Envers les autres, c’était de la civilisation. Pour lui-même, c’était du courage. » Au fil des pages, Marc Lambron n’a de cesse de souligner la fierté, la combattivité, la capacité de rire et d’oubli, indispensable, salvatrices. « Le nom de cet oubli, c’est aussi le présent, le présent rendu à sa seule grâce, l’instant auquel on demande de rester encore un peu, parce qu’il est si beau. » Vivre intensément, vivre vite et fort parce que l’on sait que le temps est compté, parce que l’on est condamné à une ‘extraordinaire restriction de temps, un cauchemar de l’irrévocable’… On apprend le prix démesuré de l’instant puisque l’espérance de vie est brutalement amputée. « Que toute chose soit perçue sur le mode de ‘la dernière fois peut-être’ ; que dans chaque circonstance, si joyeuse soit-elle, s’inscrive une résonance d’adieu ; que la vie une fois donnée soit regardée comme close, sans possibilité de la transmettre ; que les actes se chargent sans cesse de sens, au-delà d’eux-mêmes, parce que chacun d’entre eux signifie la présence d’un monde que l’on va quitter ; et que cette déflagration crépusculaire frappe un être jeune - condamné à l’âge de vingt-six ans -, tout cela passait l’ordre de l’injustice. »
Face à cette injustice, Philippe inspire le respect et l’estime de tous. Même dans ces moments si douloureux, si difficiles, si impossibles, « tout chez lui, jusqu’à l’angoisse, était éclairé d’une rare civilisation. Philippe a vécu ces événements en suivant les chemins de l’intériorité. Quand l’intériorité est devenue repli, il ne s’est plus adressé qu’au silence. »
Le silence. L’oubli. L’absence. Le manque. Combattre les deux premiers permet de supporter un peu mieux les deux autres. Se souvenir des belles choses, surtout. L’impitoyable maladie aura au moins offert aux deux frères l’occasion irremplaçable de resserrer leurs liens, ces liens d’enfance et de sang que la vie qui passe s’applique à distendre, à gommer même parfois. « Les fratries sont le pays du malentendu », des disputes, des incompréhensions, des rivalités. Puis on grandit, on s’éloigne. La maladie sonne le temps des retrouvailles et des réconciliations. Et la perspective inéluctable d’une disparition prochaine ouvre l’album des souvenirs. « Si je reviens aux étés, ils s’ouvrent comme autant de chemins dans la mémoire. Au fond du jardin, je sais que mon petit frère m’attend.»
Fidèle à ses principes et à ceux de son frère, le récit de Marc Lambron ne sombre jamais dans le pathos, donnant même aux dernières années l’intensité d’une longue vie tout entière… Le qualificatif de ‘poignant’ semble même inapproprié, tant l’auteur s’est attaché à rester pudique, sincère, direct. Rien de morbide non plus, aucune noirceur, aucune complaisance dans la douleur, bien au contraire, le portrait de Philippe est magnifiquement vivant, c’est celui d’un homme lucide, fier, résistant, combattant : « l’angoisse de vivre, qui préexistait, avait trouvé sa raison d’être : elle deviendrait un combat contre la mort. »
La mort a fini par gagner. « La fin, au-delà des mots. »
Et finalement, grâce aux mots, à la musique, aux souvenirs, la présence triomphe de l’oubli.
« Que de tous les mots perdus il reste les tiens, que de nos instants piétinés se détachent ceux où tu étais vivant, cela me justifie d’avoir été. J’ai compris que le dernier jour n’est jamais l’ultime rendez-vous : le dernier jour, c’est celui où l’amour combat l’oubli. Je reste sur la terre. Et toi tu marches dans le soleil. »
Marc Lambron avait écrit ce texte en 1995 à la mort de son frère mais ne l’exhume qu’aujourd’hui, alors que, comme il l’écrit « c ‘est parce qu’[il] a peur que l’absence de [son frère] […] ne se redouble d’une amnésie. »
Tout en retenue malgré l’insondable douleur qui affleure, la plume pudique ne s’épanche jamais tout en tissant le récit des dernières années partagées, un hommage au courage et à l’élégance dont son frère, jusqu’au bout ne se sera jamais départi.
Tout est dit dans ce bref roman, aussi bref que les années qu’il reste à vivre ce frère une fois qu’il apprend sa séropositivité. Comment vit-on quand on sait ses jours comptés? Comment épargner à ses proches le chagrin, le leur, le sien tout en puisant en eux l’énergie de se battre jusqu’au bout? Comment évolue le lien entre deux frères légèrement distendu par la vie étudiante puis l’entrée dans le monde adulte qui se retend violemment sous le coup du destin et de la maladie sans jamais emprisonner l’un ou l’autre dans les angoisses face à l’avenir ou la nostalgie de cette relation déjà engagée vers sa fin?
Un roman sur le crépuscule du lien fraternel.
Voici un roman enfermé depuis 19 ans dans un tiroir.
Marc Lambron nous ramène en 1995 à la mort de son frère, emporté par le sida. C'est un roman très personnel bien sûr mais cela ne provoque pas le malaise chez le lecteur (chez moi en tout cas). Marc Lambron essaie de restituer au mieux ce frère que la maladie a rapproché de lui entre l'amour qui perdure, la vie qui continue et la violence de la confrontation avec cette mort précoce.
J'ai beaucoup aimé la pudeur avec laquelle l'auteur retransmet le poids de l'absence, se raccrochant à des petits bouts de vie lui rappelant son frère. A lire.
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