"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Qui sinon Sébastien Lapaque pour exalter l'usage de la carte postale comme geste poétique autant que comme art de vivre et d'être au monde ! Sa Théorie offre une brillante et irrésistible promenade sensible dans l'esprit, l'histoire et la pratique de correspondances électives dont le charme agit toujours sur notre ère électronumérique.
Un roman pas bien épais, mais tellement consistant. Quelle fraîcheur ! L'auteur nous embarque dans ses élucubrations autour de la carte postale et toute la poésie qui se dégage d'un objet si "commun", "populaire"...
Accompagné d'Aragon, de Baudelaire et de Saint-Exupéry, le lecteur se prend à vouloir voyager loin : Buenos Aires, Océanie, la Bretagne et même Paris ! Les mots sont colorés, le style doux et rythmé, les 100 pages sont vite dévorées !
Le narrateur déambule dans les rues de Paris et cogite sur ses projets d 'écriture.
Il décide en pratiquant de la carte postale d'écrire cet opuscule.
L'écriture a du style mais était-ce- nécessaire.
Agréable sans plus et vite oublié.
Un petit livre enchanteur! Quel bonheur, en effet, d'écrire et surtout de recevoir une carte postale! De découvrir l'image: tiens, pourquoi ce choix? De découvrir les lignes manuscrites au dos, factuelles, personnelles, drôles...
C'est l'histoire d'un auteur (de l'auteur?) qui écrit sa théorie sur les cartes postales. C'est sa théorie, elle lui est propre, un autre aurait écrit quelque chose de totalement différent. Mais la sienne, elle est pétillante, elle s'appuie sur d'anciennes cartes postales retrouvées à droite à gauche, sur des références à quelques auteurs (Rabelais, Baudelaire, Hemingway), sur la poésie du quotidien, tellement bien expliquée par Sébastien Lapaque.
Cette théorie échappe entièrement à un côté vieille France dans lequel il aurait été facile de verser. C'est un "acte de résistance", elle redonne l'envie d'écrire, le sourire, supplante totalement l'immédiateté des sms/mms qui apparaissent trop mécaniques. Une petite pépite.
"À Paris, tandis qu'il avançait rue des Écoles, l'image de son livre était encore un peu floue. Il en possédait la mélodie, mais en cherchait l'harmonie. À quelques amis curieux de ses travaux, il avait parlé d'une théorie, non pas d'un éloge ou d'une nostalgie de la carte postale ; ni même d'une apologie ou d'un panégyrique ; encore moins d'un tombeau, comme les poètes en écrivaient jadis en l'honneur des défunts. Il ne souhaitait pas célébrer la carte postale comme tant d'objets disparus du monde d'hier : encriers, moulins à café, cabines à pièces, tiroirs-caisses électromécaniques. Il n'envisageait pas de regarder les cartes postales dans le rétroviseur, ni d'en parler au passé surcomposé, ce temps attachant et incompris – j'ai eu aimé les cartes postales, j'en ai eu écrit, j'en ai eu reçu. Il voulait les évoquer à l'imparfait, ce temps dont l'avant-hier est profond et l'avenir dure longtemps, un temps inachevé et ouvert – j'aimais les cartes postales, j'en écrivais, j'en recevais.
Il ne mélancolisait pas. Avec ses cartes postales reproduisant des paysages choisis et ses mots écrits au recto, il voulait réinventer un présent plein de lendemains."
Déambulant dans le Quartier Latin, le narrateur songe au livre qu'il veut écrire, qui s'impose à lui en repoussant toute autre velléité de roman, ouvrage de poésie ou pièce de théâtre. Au fil des pages, nous suivons ces réflexions, sa progression, ses digressions dans l'élaboration de cette théorie. Elle est pour lui l'occasion de décrire tous les plaisirs minuscules et immenses de la rédaction, de l'envoi et de la réception d'une carte postale, qui ne s'écrit pas "avec des idées mais avec des mots, des jolis mots de tous les jours". Oui, les mots dessinés sur les cartes postales sont généralement peu nombreux – cinq, sept, une dizaine – mais porteurs de bonheur, de soleil, de joie, ce sont "des mots d'allégresse et de féérie, des mots bleus, des mots légers, des mots qui montent vers le ciel comme des bulles de savon et s'en vont taquiner les nuages". Car "on n'est pas sérieux quand on écrit des cartes postales", on imagine, on invente, on joue." À force de chercher des mots plus amples, plus moelleux, on improvise des exercices de style. "On se réfère aussi à des poètes et écrivains que l'on cite parce qu'ils ont déjà trouvé les mots qui expriment ce qu'on a envie de dire. "Il avait beau faire, beau essayer de réinventer ce que de bons écrivains avaient admirablement exprimé avant lui, les belles phrases qu'il avait envie de calligraphier sur ses cartes postales étaient souvent celles des autres..."
Comme dans toute théorie qui se respecte, l'auteur se fait un devoir de ne pas négliger les chiffres, les informations et les anecdotes relatives à l'histoire de la carte postale. Mais c'est à la marge, ce qui l'intéresse, c'est de célébrer "des retrouvailles joyeuses avec des plaisirs démodés", de dire son amour de la littérature, des mots, de l'écrit, dans un temps où l'on voudrait nous faire croire que la communication est essentiellement virtuelle. "Une carte postale au temps des SMS, c'était la revanche de la relation concrète", des échanges qui durent, des messages que l'on peut conserver et relire. Il y est souvent question de villes, proches ou exotiques, de saisons, de climats, de paysages, de voyages, et tout ceci crée une esthétique, un imaginaire propres à la carte postale. "Son livre lui semblait destiné à organiser ces trésors en étoile en les liant avec du joli fil doré."
Bien plus qu'un théoricien, l'auteur-narrateur est avant tout un poète, qui manie la langue et les mots avec délicatesse, nuances, subtilité. Son style est d'une fluidité remarquable, sa plume nous entraîne dans les pérégrinations de son esprit, dans les tribulations des cartes écrites, envoyées et reçues. Il nous rappelle que "la carte postale, [ce sont] donc les mots alliés avec la vie. Dans l'empire de la marchandise, [ce sont] l'amour et l'amitié tracés en belles lettres avec la main ; le bonheur et la beauté racontés avec de l'encre et du papier." Ce sont des émotions particulières et irremplaçables, des souvenirs délicieux, des images évocatrices. Pas question donc de tomber dans la compulsion inutile du collectionneur capitaliste. "Il voulait continuer à en écrire, au hasard et souvent, autrement et encore, aujourd'hui et toujours" (petit clin d'œil de l'auteur aux deux premiers tomes de son contre-journal...), mais aussi en recevoir, ou, à défaut, en lire d'anciennes, achetées en lots chez un marchand de livres et qui nourrissent son imaginaire en lui faisant se représenter les personnes nommés et les lieux cités. Car les cartes postales sont aussi des témoignages de vie, d'échanges, qui survivent à leurs expéditeurs et destinataires. Elles sont "cette façon si simple, mais ardente et profonde, de maintenir et de tisser des liens d'humanité solide et vraie dans le monde de la séparation", de rester proches malgré les distances, de transmettre des pensées et des sentiments. Alors, bien plus que la théorie, c'est la pratique qui compte en ce domaine. "L'important n'était pas de tout savoir sur les cartes postales, mais d'en envoyer et d'en recevoir, aujourd'hui, demain et tous les autres jours." Qu'importe si écrire des cartes postales et plus encore écrire une « Théorie de la carte postale » ne semble pas très sérieux. Là n'est pas la question.
L'essentiel est qu'après avoir voyagé avec un infini plaisir dans la petite centaine de pages de ce livre inclassable et merveilleux, on n'a qu'une envie : acheter quelques cartes postales, s'installer à la terrasse d'un café et demander "Garçon, de quoi écrire."
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