"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Quand elle était au collège, Laïka ne voyait pas les deux énormes terrils à côté desquels elle a grandi et n'avait d'yeux que pour la grande ville. Vingt-sept ans plus tard, installée à Lens, elle découvre un territoire étonnant, devenu entre temps patrimoine mondial de l'UNESCO, et qui ne ressemble à aucun autre. Sortis du ventre noir de la terre à l'assaut du ciel du Nord, tabulaires, coniques ou humbles talus, les terrils de Laïka racontent à la fois une renaissance personnelle et une lutte sans merci que se livrent depuis des siècles la nature et l'homme. À petites foulées décidées, Fanny Chiarello escalade gaillardement ces monuments de l'histoire minière et nous offre un récit décapant et touchant.
Je veux, tout d'abord, saluer d'un chaleureux merci les Editions Cours Toujours et particulièrement Dominique Brisson ainsi que Masse critique de Babelio pour cette délicieuse lecture.
Je ne suis jamais déçue par la collection "La vie rêvée des choses" aux éditions Cours Toujours. Cette fois mon plaisir a été décuplé par l'éloignement de ma région natale et retrouver, sous la plume sensible de Fanny Chiarello, des paysages, des sensations, des images, des expressions de "mon pays" (même s'il n'est pas directement celui des terrils car en Picardie ce sont plutôt les amas de betteraves qui dessinent l'horizon !) a entraîné tout un lacis de rêveries qui se poursuit encore.
En compagnie de Laïka j'ai donc arpenté le bassin minier des environs de Lens. Des "terrils tout partout" ! Des collines dont les strates sont faites de l'histoire des femmes, des hommes et des enfants qui ont vécu, travaillé et sont morts là, entre brique et charbon. Que reste-t-il de ces cueilleurs de feu aux gueules noircies ? En sillonnant ce territoire où elle a grandi et dont elle s'est éloignée pendant vingt-sept ans, Laïka mesure le temps à l'aune de ce qui a changé et de ce qui reste immuable. Son histoire personnelle s'insère délicatement dans celle des humains depuis la découverte du feu jusqu'à notre époque paradoxale. Et c'est d'une beauté frémissante.
Aucune mollesse dans cette écriture toute en nuances et en plasticité qui se fait ironique pour révéler l'absurdité humaine, "Les hommes ont pour ainsi dire pris ce qu'il y avait dedans pour le mettre dehors, pris le dessous pour le mettre au-dessus, creusé des galeries pour ériger des cônes, excavé pour élever." (p.47), féroce pour évoquer les travers d'une espèce humaine dénervée qui "n'en finit pas de dégénérer" (p.68) et qui parvient à rendre poétiques des caddies rouillés et un "parapluie Reine des Neiges".
La balade à laquelle Laïka nous convie se déroule dans l'espace et dans le temps, celui des hommes et celui de la nature. Des espaces inéquitablement partagés et des temps différents, parallèles et antagonistes le plus souvent, mais que Fanny Chiarello, dans l'espace d'une petite centaine de pages, le temps d'un roman suivi d'un album-photos aux légendes savoureuses, réconcilie avec une grâce inégalable.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !