"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Naomi Fontaine écrit une longue lettre à son amie Shuni, une jeune Québécoise venue dans sa communauté pour aider les Innus. Elle convoque l'histoire. Surgissent les visages de la mère, du père, de la grand-mère. Elle en profite pour s'adresser à Petit ours, son fils. Les paysages de Uashat défilent, fragmentés, radieux. Elle raconte le doute qui mine le coeur des colonisés, l'impossible combat d'être soi.
Shuni - Ce que tu dois savoir, Julie, cette lettre fragile et tendre, dit la force d'inventer l'avenir, la lumière de la vérité. La vie est un cercle où tout recommence.
La famille innue de l’auteur vit dans une réserve sur la côte Nord du Québec. Lorsque son amie Julie – Shuni selon la prononciation innue -, s’apprête à venir s’installer à proximité en tant que missionnaire, Naomi Fontaine lui écrit une longue lettre. Convoquant le passé au travers de sa mère et de sa grand-mère, mais aussi l’avenir par le biais de son fils Petit Ours, elle évoque la survivance de l’identité innue malgré les blessures laissées par le colonialisme et le suprémacisme blanc, et ses espoirs d’un futur plus fraternel, enfin égalitaire, bâti sur un véritable équilibre politique entre Québécois et Autochtones.
Plus qu’un roman, ce texte est un récit personnel et militant pour la cause amérindienne au Québec. Au travers de l’expérience des femmes de sa famille sur plusieurs générations et de ses propres confrontations aux préjugés, l’auteur raconte les souffrances d’un peuple qu’on s’est bel et bien efforcé d’anéantir au nom du progrès contre la « sauvagerie », ses propres regrets de s’être fait voler une part de son identité qu’il lui a fallu apprendre à se réapproprier, à assumer et à défendre, et sa révolte contre la dévalorisation d’une culture dont elle réclame la reconnaissance à part entière.
Pour toutes les Julie que nous sommes potentiellement, cette longue lettre illustre par maints exemples les différences culturelles qui, au lieu de nous opposer, devraient contribuer à notre enrichissement mutuel. Notion de liberté, perception du temps et donc de la vie, place des femmes et des enfants, importance des émotions et du relationnel… : autant de clés que nous remet l’auteur pour nous ouvrir l’esprit et pour plaider l’acceptation égalitaire de nos particularités.
Si l’on devine l’émotion et la douleur à fleur de mots, le discours de Naomi Fontaine est remarquable de dignité, d’espoir et d’élan constructif. Il fait d’elle une véritable ambassadrice de la cause innue au Québec, mais aussi de tous les peuples assujettis au cours de l’Histoire au nom d’une suprématie raciale imaginée, entre autres, à partir d’une certaine idée du progrès.
Lu d'une traite, très émue, je griffonne quelques mots à peine la dernière page tournée, à chaud, pour ne rien perdre de l'émotion qui m'étreint.
Naomi Fontaine est Innue et Shuni (Julie) est québécoise. Dans la longue lettre qu'elle écrit à son amie, l'autrice ouvre le dialogue entre ces deux cultures et nous offre une superbe déclaration d'amour à son peuple. Elle parle du combat pour rester soi quand on est colonisé, elle parle des préjugés, d'espoir, elle parle de doute, d'histoire et de fierté.
C'est un texte très doux, lumineux et si les 1ères Nations sont au centre de cette lettre, il y a quelque chose de bien plus universel entre ces pages, quelque chose qui me fait monter les larmes aux yeux.
[ Digression - Extrapolation - Résonances ]
Naomi Fontaine me conforte dans l'idée que nous devons être fiers: fier de ce que l'on est, fier de nos racines, fier de nos traditions, fier de la langue de nos aïeux. Elle me conforte aussi dans l'idée que chacun doit conserver sa façon de vivre, ses traditions. Qu'il faut arrêter de tout standardiser: la bouffe, les fringues, la langue.
Je suis heureuse que ma fille prenne des cours d'occitan au collège et on peut me dire que ça ne sert à rien, que ça ne lui sera pas très utile pour trouver un boulot, moi je sais que ça la rendra plus forte.
Être ouvert aux autres, ce n'est pas se renier.
« L'affirmation de sa culture précède l'ouverture à l'Autre »
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