"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Au Ciel il manquait un saint. Un patron pour les filous, les traîne-lattes, les petites putes et leurs maquereaux... toute l'engeance malfrate qui a bien le droit, elle aussi, à la miséricorde divine. La plupart, ils ont déjà fait sur terre leur purgatoire dans les prisons.
Voilà. C'est fait... Ils ont Saint Frédo à présent, ils vont pouvoir prier quelqu'un.
Cet ouvrage, c'est la biographie de Saint Frédo. Je me suis appliqué à cette tâche tout à fait pieuse. Ça m'a été facilité du fait que je l'ai bien connu, Frédo. Je fus un témoin privilégié, j'ai suivi toutes les phases de son existence mouvementée... dans les taules, les bagnes, à la relégation. Comment il s'est peu à peu rénové, comment il est revenu dans le droit chemin, comment il a fini par se consacrer à la rédemption de ses petites camarades de casier judiciaire.
Je vous raconte ça par le menu, en m'efforçant de ne rien omettre. Les saints succombent parfois aux bonnes fortunes de la table et du lit. On ne s'ennuie pas trop dans la vie exemplaire de saint Frédo, il a le sens de la rigolade et il jacte le plus bel argot.
Au dernier moment tout s'arrange. Il est cloué bon larron sur la Croix. Ça vaut son pesant de sainteté. »
A.B.
L'auteur qui a fréquenté pendant quelques années la même "université " que son héros; à savoir Fresnes-lès-Rungis...nous raconte la vie "post carcérale" de son ami Alfred Friteau, dit Frédo la Tringle.
Une reconversion après 21 ans de maison de correction et 14 années de "chtar", le défi semble insurmontable.
Une licence de voyou en poche, Mireille sa compagne amoureuse et dévouée, Alphonse (l'auteur) un ami, extirpé de la fiente châtimenteuse par les belles-lettres et Baudelaire, son agent de probation...vont le soutenir dans cette mission .
Frédo va donc à la pêche aux âmes avec une simplicité, un bonheur du geste et de l'expression évangélique. Un véritable Jean Valjean du XX e siècle. Un ex-bagnard, relégué devenu agent de l'Administration pénitentiaire. ça tournait tout à fait Vidocq son épopée.
Entre bonnes oeuvres et coups fourrés, Frédo surfe sur une ligne de démarcation mouvante. Son passé n'est jamais très loin et les réflexes ne disparaissent pas en quelques années.
" Y a des romans qui finissent bien. Le baiser nuptial... on lance aux mariés des pétales de roses, des dragées.. les cloches sonnent.. eurent beaucoup d'enfants.
J'ai l'air de quoi, moi, en vous finissant mon histoire à la morgue. Je rabats la joie, ma femme, ça y est ! mais puisqu'il est de bon ton de se proclamer lucide, n'est ce pas...lucide, alors, c'est les funérailles."
Vous l'avez compris, Alphonse Boudard rend un vibrant hommage aux "caves", aux rescapés du mitard.
Une langue fleurie, des tirades à la Audiard, des bourre-pifs pour régler les litiges.
Une époque révolue où les psy, les féministes et autres intellos de tous bords étaient renvoyés dans leurs 18 mètres quand ils la ramenaient de trop .
On imagine facilement Gabin, Ventura, Blier et toute la clique incarner les personnages de Boudard.
Mais derrière la rigolade et la mitraille, l'auteur brosse une fine étude de la société et des observations qui auraient le droit de citer aujourd'hui .
Un incroyable moment de littérature que je ne peux que vous engager à découvrir .
Alphonse Boudard a partagé un temps d'incarcération avec Alfred Friteau ,dit « Frédo » ou « La tringle » qui distribuait la popote dans les cellules .Des années plus tard ,alors qu'Alphonse s'en est sorti grâce à la littérature et au cinéma ,Frédo le contacte pour pouvoir se retrouver devant un bon repas.Et ils ne vont plus se lâcher .Alphonse va nous conter l'incroyable ascension de Frédo qui d'éducateur va devenir directeur d'un centre de réinsertion grâce à sa prestance et son bagou mais en continuant à se livrer à de petites magouilles .Truculent.
Alfred Friteau, « Frédo » pour les intimes, est un truand à l’ancienne qui a connu les maisons de correction, les prisons centrales et même le bagne. Au total, environ 25 années derrière les barreaux. Il a partagé quelques-unes de ses galères pénitentiaires avec l’auteur. C’est la raison pour laquelle il reprend contact avec lui bien des années plus tard. Alphonse est un auteur connu. Il fréquente même le milieu du cinéma. Frédo lui, s’est trouvé un petit boulot d’éducateur à Rouen. Il se consacre à la réhabilitation de jeunes voyous. Un curé s’intéresse à lui. Il va même jusqu’à lui confier la direction d’un centre de réinsertion en région parisienne. Quelques personnages haut placés s’extasient sur une aussi extraordinaire reconversion. En réalité, Frédo n’en a pas complètement terminé avec tous ses vieux démons…
« Saint Frédo » se présente plus comme un roman social que comme un roman noir ou policier. Il se situe plutôt aux limites des trois genres. Le personnage haut en couleur de ce gangster d’un autre temps, celui des « vrais hommes » avec leur code d’honneur que Boudard relativise d’ailleurs, mérite à lui seul d’occuper toute l’intrigue. Tour à tour braqueur, perceur de coffre-forts, fourgue et proxénète, il profite de son retour à la liberté pour mettre les bouchées doubles autant sur la boisson que sur la nourriture ou les femmes. Un vrai jouisseur libidineux, ce faux « saint » ! Un régal que cet ouvrage autant pour le regard malicieux et plein d’humour que pour le style inimitable, truffé d’argot, d’images cocasses, de trouvailles lexicales d’un auteur comme on en fait plus.
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