Que lire en ce moment ? Voici ce que des lecteurs et lectrices passionnés vous conseillent !
Quelques années après la Grande Panne, un groupe d'une douzaine de personnes, pour la plupart âgées ou blessées lors de la Troisième Guerre mondiale, vit barricadé entre les murs de l'Institut Pere Mata, l'ancien hôpital psychiatrique de Reus, en Espagne. Ils sont entrés en résistance et survivent, sans électricité, sans eau, sans ravitaillement ni Internet ou téléphone. Pour des raisons géostratégiques et militaires, la péninsule ibérique est en cours d'évacuation. La date limite pour quitter le territoire approche, il n'y a presque plus personne dans le pays, et aucun espoir pour ceux qui ont décidé de rester...
Parmi les reclus, un vieil écrivain de 89 ans vient de se fouler la cheville. Au programme de sa convalescence : jouer aux échecs, apprendre par coeur les décimales du nombre Pi... et écrire son journal sur les pages vierges des livres mités récupérés dans la bibliothèque de l'institut par la jolie docteure Lourenço. Le récit de ces derniers jours, pour quelle postérité ? Qui sait. Nous l'avons bien entre les mains...
Défi plein de fantaisie et d'autodérision, Reus, 2066 joue avec les frontières poreuses entre fiction et réalité. Bizarreries, obsessions et petits (ou grands) travers humains dressent une dystopie subtile et réjouissante.
Que lire en ce moment ? Voici ce que des lecteurs et lectrices passionnés vous conseillent !
Un classique contemporain. Une référence éditoriale, stylistiquement grandiose.
« Reus, 2066 » est le livre de demain.
Ce n’est pas pour tout de suite, pas encore. Il est l’avant-garde de notre monde. Ce qui pourrait advenir immanquablement.
Le pacte de la Honte, la fin de la liberté. La Péninsule ibérique doit être vierge de ses hôtes. Un espace abandonné, sans hommes ni femmes et enfants.
La grande panne acte l’obsolescence.
Tout se fige. L’ordre est donné. Reus est une jachère mentale.
La politique et ses diktats de soumissions. Le glacé d’un lieu où la survie est du sable qui s’écoule. La vie s’est arrêtée, ici. La frontière devenue et la rive croule sous les surveillances, les oppressions, l’obligation de partir et vite.
Ils sont douze à résister. Ils vont vivre en autarcie. Compter les vivres et les médicaments. Survivre dans un no man’s land fantomatique. Affronter les dangers et établir les règles et se substituer à la patience.
Avec force et durée, l’éphéméride contre les paucités. Avec une vulnérabilité mise à dure épreuve, ils bâtissent les résistances, pierre après pierre. Ils sont tenaces, persévérants. Les relations changent et se construisent à deux ou en pleine solitude. L’obstination des Cyniques tel Diogène ou celle des nihilistes.
Mais la narration est un journal. Celui du vénérable, du plus ancien. Un écrivain qui rassemble l’épars.
« Si j’ai décidé d’écrire ce journal c’est tout simplement parce que je sens que le monde que j’ai connu touche à sa fin, et que j’aimerais laisser un témoignage de son existence avant qu’il ne soit trop tard et qu’il ne reste plus personne pour le raconter. »
Il inscrit sur la pierre du temps, l’étrange changement. Le cercle où ils déambulent, se méfient, guettent l’étrange (er) par-delà les lignes abattues.
Ils se savent fragiles, en déliquescence. Comme le jour sans promesse d’un lendemain. Ils comptent les jours et les leurs. Et je journal devient l’estampe. Les littératures à l’instar de conjugaisons, les recueils et les incunables et les verbes qui jouent à la corde à sauter avec l’intelligence du maître des lieux.
« Comme disait Roland Barthes, écrire n’est pas une grâce, est écrivain qui veut l’être… Maintenant j’ai recommencé, cela fait un mois et demi, est-ce que ça veut dire que je suis un écrivain ? Non, je me contente de mettre des mots ensemble pour laisser un témoignage de ce que nous vivons. »
Sauf que l’urgence assigne la fragilité. Celle des battements de cœur. Au-delà de l’épaule du vieil écrivain, son double construit le roman. Nous sommes dans la majesté d’un texte et du pouvoir d’écriture de Pablo Martin Sãnchez qui se fond dans cet être de 89 ans. Le mimétisme, la doublure des générations dont tous les deux impriment le macrocosme de la vie-même.
Ce sont des entrelacs où rien n’échappe au visionnaire, au futurologue, au lanceur d’alerte qui prononce le péril de l’humanité. Il y a « Malevil » de Robert Merle, « Les enfants de Noë » de Jean Joubert, les semblables dissidences, les épreuves. La renaissance qui se confronte à la mort. Ce texte surdoué, atypique est un éclat de lumière. Ce livre fascinant est le requiem de la liberté au sens absolu. Un adage : « Nous sommes nos choix ». Ce livre est l’expérience emblématique de la survie. Ici, les vertueuses amitiés, les tendresses et les symboles qui sortent de terre lorsque l’alerte est donnée. Dans la pleine connaissance du langage vivant. La démonstration minutieuse des forces intérieures, et des rémanences universelles. Que dire de cette fillette aveugle qui arrive tel le messie. Ce bébé, parabole de la suite. C’est « Reus, 2066 » qui donne la réponse comme un antidote au désespoir. Après « L’Anarchiste qui s’appelait comme moi » « L’instant décisif », « Reus, 2066 » déploie avec virtuosité le renom. « Demain sera un autre jour. »
Traduit avec talent de l’espagnol par Jean-Marie Saint-Lu. Publié par les majeures Éditions Zulma & La Contre Allée.
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