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On m'a attribué un rôle que je prends très au sérieux, n'en connaissant pas d'autre... Chien savant... Je dirais même caniche savant... Les rares fois où je suis en compagnie de mes parents, ce n'est jamais dans une situation d'enfant, mais toujours entourée d'adultes, et jouant moi-même le rôle d'une adulte miniature. C'est là que je désapprends à être ce que je suis : une enfant. J'apprends à dissimuler ce que je pense et à endosser mon costume de caniche : souriante, aux aguets, silencieuse, mais prête à répondre à toutes les questions que l'on me pose... Sachant aussi simuler une attention aiguë, pour faire oublier que ma place n'est pas là où je me trouve.
Dominique Zehrfuss confesse son enfance calamiteuse entre une mère caractérielle et un père, architecte brillant, certes tendre mais soumis au despotisme de son épouse. Couple mondain et voyageur, ils abandonnent leur fille unique à des nurses improbables, à l’exception d’une attachante famille d’immigrés italiens. Leur vie affective chahutée par les humeurs de Madame appelle une vitrine sociale, rôle qu’ils attribuent à cet pauvre enfant dont ils font, dès ses premières années, un caniche “bien mis”, selon la belle expression des cavaliers (révérences, courbettes, transitions…). Enfance bousillée, adolescence perturbée… Une jeunesse brisée qui n’attend plus que l’âge adulte pour tenter l’équilibre. L’intérêt ressenti à la lecture de ce court récit tient à la tension d’une écriture sans apprêt et à un jeu de correspondances – au sens "beaudelairien" du mot – dont il faut parler maintenant.
Dominique Zehrfuss est l’épouse de Patrick Modiano. Ils ont déjà commis ensemble un recueil de dessins (elle) accompagnés d’un texte onirique (lui) : “28 paradis” paru en 2005 aux Éditions de L’Olivier*. Il écrit au début d’“Un pedigree” : « Je suis un chien qui fait semblant d’avoir un pedigree », elle conclut “Peau de caniche” par : « Mon chemin croise quelques années plus tard un autre chien perdu sans collier ». Vive émotion pour qui vénère, comme moi, l’auteur (entre autres) de “Chien de printemps” !
* à reprendre (ou prendre) sous l’éclairage des dites correspondances
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