La Revue de Presse littéraire de juin
La Revue de Presse littéraire de juin
Chaque année révèle ses surprises et bien heureusement les pépites foisonnent !Un bon cru que celle-ci où les auteurs confirmés nous ont surpris, d'autres ont acquis leur notoriété en recevant de nombreux prix, certains sont carrément époustouflants par leur talent ou leur œuvre colossale. Prenez le temps de les lire, vous ne serez pas déçus !
Voici un court roman de moins de 100 pages, lu en moins de 2h, qui fut une belle parenthèse dans ma semaine. Une écriture en apparence simple mais qui reflète le talent de l’écrivain : dire beaucoup en peu de mots. Elégance et poésie me viennent à l’esprit après cette lecture.
Le narrateur, aujourd’hui âgé, se souvient d’une période de sa vie où jeune homme, il arrivait à Paris dans les années 60 pour s’y installer. On sent qu’il a des problèmes de mémoire. Il rencontre par hasard un homme qu’il pense être Serge Verzini et les souvenirs affleurent.
On bascule alors dans le passé lors de son arrivée à Paris. Il se présente comme parolier. Il est jeune et se cherche encore. Il rencontre « la danseuse », une jeune femme qui est effectivement danseuse. Il l’accompagne à ses cours de danse au studio Wacker avec Boris Kniaseff. Tout le long du livre, les lecteurs les accompagnent dans leurs trajets dans Paris.
D’autres personnages gravitent autour de la danseuse : un ami, son fils et Serge Verzini. Cet homme, plus âgé, assez mystérieux, est une sorte de protecteur pour la danseuse. C’est lui qui les loge dans des appartements. Il possède également un cabaret dans lequel ils se retrouvent.
Peu à peu il dévoile des éléments de la vie de la danseuse, de son passé. Un portrait de femme s’ébauche lentement. Tout est en retenu et dans une sorte de lenteur. On est comme suspendu dans le temps. J’ai trouvé ce roman très apaisant. Un petit bijou de délicatesse.
J’ai ressenti des odeurs, des lumières, des ambiances, de la nostalgie. Il y a un joli parallèle entre la danse et l’écriture. Il s’agit d’une très belle lecture de la rentrée littéraire 2023 que je vous recommande, un incontournable pour moi. Pour rappel, il a reçu, entre autres, le prix Nobel de littérature en 2014.
Sa mémoire naviguant entre passé et avenir, le narrateur parcourt, s’égare dans les rues de Paris, la ville qu’il a du mal à reconnaître, qu’il compare aujourd’hui à « un grand parc d’attraction… ». Le narrateur aide Pierre, petit garçon de la danseuse, dont on ne sait rien du père. La danseuse, s’en souvient-il vraiment ? Avait-elle une chevelure brune ? Ce dont il se souvient, c’est la phrase de Boris Kniassef, le professeur de danse « la danse est une discipline qui vous permet de survivre ». Dans la ville de son enfance, chaque élément, chaque détail, chaque lieu lui rappellent un souvenir, parfois « bizarre » et souvent très vague. Des personnes qu’il a côtoyées sont là aussi… le lecteur les a déjà rencontrées dans les précédents ouvrages de Patrick Modiano. Dans beaucoup d’endroits, il ressent une certaine insécurité, sauf dans la ligne droite des quais de Seine.
Je me surprends à écrire ces lignes à l’image des imprécisions qui tissent le roman. A sa lecture, je ressentais un flou, je voyais l’écrivain qui avait cherché le mot juste pour traduire une sorte de doute, voire d’intranquillité, et le sentiment profond et abouti à la fois de l’écriture comme une discipline, de « l’écriture salvatrice ».
L’histoire ? Elle est trouble, associe plusieurs personnages à des lieux parfois mystérieux, se perd avec une valise remplie de billets…
Difficile à raconter la littérature de Patrick Modiano, elle doit être lue, en se laissant planer dans l’atmosphère brumeuse et nostalgique. Les seuls mots utiles : lisez « la danseuse », à peine 100 pages, dommage !
Dans ce court roman, 96 pages à peine, Patrick Modiano entraîne son lecteur, comme il sait si bien le faire, sur les chemins du souvenir et de la nostalgie. Il suffit d’une vague souvenance remontée des tréfonds de la mémoire et la rencontre d’un personnage surgi du passé pour que s’enchaînent les souvenirs d’une époque ancienne.
« Ainsi depuis quelques jours me revenaient, par bribes, les images d’une période très lointaine de ma vie. Jusque-là, elles étaient recouvertes par une couche de glace. J’avais quand même par instants la vague pressentiment que cela ne durerait pas. Il était fatal qu’un jour ou l’autre la glace fonde et que ces images réapparaissent comme remontent les noyés à la surface de la Seine. »
Le narrateur est confronté à la foule de touristes dans un Paris qu’il ne reconnait plus. Des milliers de touristes qui envahissent la ville tandis que lui se retourne sur ce passé qu’il croyait à jamais effacé. Les personnages évoqués restent assez vagues, même la danseuse que le narrateur a connue n’a pas de nom, tout juste une description physique alors que les visages des autres se sont estompés. Le récit est partiel, lui-aussi, car la mémoire est sélective. Il y a le petit Pierre, enfant calme que le narrateur gardait lorsque sa mère rentrait tard de des répétitions. Et son protecteur Verzini, qui possède un cabaret et loue des chambres.
« Elle s’en est sortie comme elle a pu, a ajouté Verzini,. Grâce à la danse. Elle s’est donné une discipline. Et j’ai toujours voulu l’aider dans la mesure de mes moyens. »
Car la danseuse se plie à une discipline très stricte. Là, les souvenirs sont plus nets, il y a le studio de danse Wacker, place de Clichy et son professeur de danse, le chorégraphe russe, Boris Kniaseff. L’exigence de la danse ne supporte pas le flou et tout s’ordonne comme un pas de deux. On a l’impression que les personnages qui gravitent autour de la danseuse prennent de la densité à son contact.
Le narrateur, qui ne sait pas encore ce qu’il va faire de sa vie, est attiré par la rigueur de la danseuse. Il en prend de la graine en travaillant son écriture.
Non, il ne se passe pas grand-chose dans ce roman intemporel qui nous offre quelques fragments d’un passé comme une mosaïque inachevée. Et l’auteur nous laisse sur notre faim d’en apprendre un peu plus sur la danseuse et le petit Pierre et il nous abandonne dans une rue de Paris, un soir de Noël.
Modiano est le peintre des souvenirs, il patine le passé, lui redonne ce lustre de la nostalgie. On l’aime pour son style, sobre, pudique, et pour ses évocations d’une époque disparue.
Ce roman envoûtant de Modiano nous entraîne dans les brumes de la rêverie, là où la mémoire s’estompe avec le temps tout comme les visages. Là où règne l’incertitude du narrateur qui tente de se souvenir d’une rencontre avec une danseuse.« Brune ? Non. Plutôt châtain foncé avec des yeux noirs ? »
Le ton est donné, de manière subtile, Modiano compose une atmosphère qui navigue entre le précis et le flou. Il nous perd à dessein dans un labyrinthe de souvenirs et tente d’assembler les fragments d’une histoire qui lui tient à cœur. Il nous invite à une véritable chasse aux fantômes. «On a beau faire de son mieux et se croire hors d’atteinte, on n’échappe pas toujours aux fantômes.»
Il entremêle passé et présent, élude les points de repères, fait surgir des souvenirs lointains. « Il n'y avait pas de passé, ni d'étoile morte, ni d'années-lumière qui vous séparent à jamais les uns des autres, mais ce présent éternel. »
Onirisme et réalisme se côtoient au cours de déambulations dans le Paris de sa jeunesse et le Paris d’aujourd’hui qu’il ne reconnait plus et égratigne au passage.
On ne connaîtra pas le nom de la danseuse, juste celui de son fils, du célèbre maître de ballet russe, de grands danseurs, de quelques personnages inventés, mais on imaginera aisément sa silhouette, sa démarche, ses chaussons et son sac Repetto, sa gestuelle aérienne. Que peuvent avoir en commun la danse et l’écriture ? Si «la danse est une discipline qui vous permet de survivre», qu’en est-il de l’écriture ?
Dans ce récit teinté de mystère et de nostalgie, se dessine en creux le portrait d’un écrivain sensible et délicat qui joue avec le temps qui passe avec dextérité et tisse un lien subtil entre la danse et l’écriture.
Un style unique qui donne l’impression de se retrouver en terrain connu mais pourtant différent, s’inscrivant dans une variation infinie. J’ai succombé une fois de plus au charme de l’écriture, aux rêveries incertaines, au plaisir d’arpenter la géographie parisienne aux côtés des personnages, à la grâce infinie de la danseuse. Un voyage presque furtif, tendre et poétique au cœur de Paris. À savourer.
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