"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
"Voir le monde, et puis, ayant vu le monde, dire sa vision du monde " : telle est, selon Victor Segalen, la " justification " de l'entreprise artistique. Médecin de la marine, critique d'art, archéologue en Chine, Segalen a vu le monde ; poète en ses vers comme en ses proses, il a dit sa vision avec une force rare. La formule de Mallarmé à propos de Gauguin, " tant de mystère dans tant d'éclat ", conviendrait aussi à celui qui fut un des rares écrivains à comprendre le sculpteur de la Maison du Jouir. Ses premiers écrits sur l'art comprennent cinq textes suscités par l'oeuvre et la vie de Gauguin : Gauguin dans son dernier décor, Hommage à Gauguin, suivis d'un dialogue, Pensers Païens, d'un roman inachevé Le Maître-du-Jouir, d'une nouvelle, La Marche du feu, dont un disciple du Maître est le héros. Pendant qu'il écrivait ces textes, Segalen a rédigé une étude inachevée, Gustave Moreau, Maître imagier de l'orphisme, et une conférence sur la sculpture, Quelques musées par le monde. À l'occasion de ces textes critiques, Segalen élabore sa propre poétique et prépare des fictions, ainsi Gauguin devient-il un personnage de roman, car, chez Segalen, les recherches érudites stimulent l'imagination.
Nous présentons une édition des textes entièrement revus d'après les manuscrits conservés à la Bibliothèque nationale. Segalen, mort à quarante et un ans, a laissé une grande partie de son oeuvre en chantier, Le Maître-du-Jouir et Gustave Moreau, Maître imagier de l'orphisme par exemple. Les textes sont éclairés par des notes significatives issues des versions antérieures et par des projets, des notes préparatoires, des citations ou des lettres figurant dans le manuscrit original. Ces divers documents sont rassemblés en une annexe intitulée " dossiers " à la suite de chaque texte.
La pensée et l'écriture de Segalen sont précisément situées dans le contexte intellectuel et artistique de son époque. Les notices et les notes en fin de texte apportent des précisions sur les livres, les tableaux, les sculptures au sujet desquels Segalen a médité pendant qu'il préparait son oeuvre. Les textes présentés ici, à bien des égards, tracent un chemin qu'il poursuivra dans Peintures, Le Fils du Ciel et Chine. La Grande Statuaire.
Colette Camelin est professeur de littérature française à l'université de Poitiers. Elle s'intéresse à l'articulation entre l'écriture poétique et l'histoire des idées, la philosophie et les sciences. Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages consacrés à Saint-John Perse, notamment Éclat des contraires, la poétique de Saint-John Perse (CNRS éditions, 1998), L'imagination créatrice de Saint-John Perse (Hermann, 2007). Elle a publié des articles sur des oeuvres de Senghor, Follain, Lorand Gaspar, Gamaleya, Temple, Modiano. Carla van den Bergh est agrégée de Lettres modernes et l'auteur d'une thèse sur le verset dans la poésie française aux XIXe et XXe siècles (Paris IV-Sorbonne). Elle a publié des articles de stylistique et d'histoire littéraire portant sur Segalen, Saint-John Perse et la poésie francophone des XIXe et XXe siècles.
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