"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Henry, le chef de clan Maxwell, vient de mourir. Sa femme, Emily, convoque enfants et petitsenfants pour un dernier été dans leur cottage au bord du lac Chautauqua. Elle a décidé de le vendre et demande à chacun de choisir l'objet qu'il souhaite conserver. L'inventaire des bibelots devient alors celui d'un paradis perdu, d'une enfance radieuse, du temps heureux d'un mariage, des parties de cartes, des éclats de rire, mais aussi des déceptions et des non-dits.
Que se passe-t-il dans ce long roman de 692 pages, dans ces 8 chapitres, lors ces 8 journées d’une dernière semaine de vacances en commun dans la maison au bord du lac ? Rien de marquant, rien de romanesque, seulement le quotidien d’une famille géographiquement éclatée pendant l’année et qui se retrouve dans ce lieu chargé de souvenirs portant encore les traces de celui qui est mort .
C’est une sorte de huis clos familial, chacun sous le regard des autres. On accomplit lors de cette dernière semaine une sorte de pelerinage sur les lieux chargés de souvenirs : le restaurant, le parcours de golf, la forêt, les chutes du Niagara, le lac que l’on sillonne en bateau au grand amusement des enfants…. . On se promène dans un vide-greniers, on va faire les courses, louer un DVD pour la soirée , on prépare un barbecue, on joue aux cartes .Des petits riens, mais qui font tout. C’est la vie, simplement, dans sa banalité, dans sa vérité ……
C’est un roman sans esbroufe, mais Stewart O’Nan excelle à y rendre intéressant et chargé de sens ce qui n’a rien de romanesque . Il rend le lecteur attentif à percevoir tout ce qui se cache sous les conversations, par une attention minutieuse portée aux gestes, aux regards, aux intonations , aux silences , à tout le non-dit, au travers duquel transparaît toute la vie conjugale et professionnelle des personnages, chacun ayant amené avec lui ses tourments, ses fêlures .
Y affleure aussi le poids des relations antérieures, des rivalités, des envies , en particulier entre Emily et sa fille Mag , entre le fils Kenneth et son épouse , entre ce frère et sa soeur, entre les cousins . Pas de scènes d’explications violentes, pas de cris, de claquements de portes, mais l’auteur fait comprendre imperceptiblement par des détails tout ce qui dans leur passé détermine leur attitude présente . Un des charmes de ce roman c’est aussi l’évocation du paysage lacustre, de ses lumières, de ses transformations selon l’heure de la journée .
Le lac semble avoir des humeurs tout comme les personnages .
J’ai refermé à regret ce long et lourd roman. .C’est un roman qu’on peut ne pas aimer : c’est un pavé et l’intrigue est lente, minimale et ne comporte ni rebondissements, ni d’aventures, mais pour moi ses qualités essentielles sont sa sobriété, sa mesure et surtout sa justesse dans l’évocation des rapports ordinaires au sein d’une famille le temps d’une dernière parenthèse en commun où chacun fait le point sur ce qu’il est et risque de devenir . Il fonctionne un peu à la manière d’un miroir, chaque lecteur peut se rencontrer dans cette chronique familiale intimiste où se concentre toute une vie .
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