"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Belleville, dans les années 90 : chez Grand-Maman dans la cité HLM de la rue Piat, Naëlle porte des robes à col Claudine, apprend qu'il faut dire les intempéries et non un temps de merde, s'arrête tous les jours devant chez Mme Ah, qui expose des canards sans tête dans son restaurant chinois.
Porte de Montreuil : chez Jeanne, sa mère, infirmière, libre et bohème, abonnée aux huissiers, c'est diners Banania-biscottes, tourne-disque et les Jackson Five à fond.
Entre les deux, avec ses frères et soeurs, Naëlle fait la navette, grandit, pose des questions qui restent sans réponse, rencontre des hommes jamais comme il faut, tombe amoureuse de Gustave, de ses yeux verts et de ses nouvelles Nike, et devient mère à 19 ans.
Les éclats de rire et les silences sont toujours là. Le drame fait comme s'il attendait son heure...
Premier roman bouleversant, Mon petit nous entraîne dans les rues de Belleville, dans les pas frénétiques d'une jeune fille décidée à vivre plus tôt que les autres. Sans savoir que les lendemains, parfois, vous scient les jambes...
« Il faut se méfier des mots » une phrase écrite sur un mur, une œuvre de l'artiste français Ben située rue de Belleville à Paris qui interpelle quand on passe devant, sans savoir que c'est dans ce quartier que s'est déroulée cette histoire, certainement un peu autobiographique ?
Chez Nadege Erika, les mots sont beaux, à chaque page, j’ai ressenti l’urgence de la vie surtout dans la 2e partie du roman. Des phrases à garder «Je vis au bord des larmes. »
D’abord, retour dans le quartier de Belleville, où se rendre compte que tout a rétréci, l’impression d’une histoire sur la mixité sociale, d’un quartier de Paris, qui est en train de devenir à la mode, la rue Piat là où Naelle a vécu la semaine chez grand-maman avec son frère et ses 2 sœurs (tous issus de pères différents). Tandis que le WE, ils vivaient chez leur mère Porte de Montreuil (escalier 12) dont la vie était très bohème.
Ensuite, j'ai été happée par l'histoire de jeunesse de Naëlle. Propulsée très vite dans la vie, quand grand-maman doit s’exiler de son quartier devenu trop cher pour rejoindre la Province. Conséquence ou pas : Nana a grandi trop vite aussi en tant qu'ainée de la fratrie, tombée amoureuse de Gus, en couple, enceinte de jumeaux et le drame à 19 ans. le cri d'une mère, d’une femme face à la perte de son enfant. L’incompréhension, l’ignorance, l’incompétence d’un médecin… Elle veut comprendre ce qui s’est passé. S’ajoute la difficulté a exprimer son malheur dans une famille où on ne parle pas des morts.
Elle a du vivre avec un deuil impossible à faire et j'ai ressenti la détresse de cette mère, si jeune.
Un premier roman très prometteur.
Un roman fiction où l'on distingue deux parties.
Dans la première partie, l'autrice raconte l'enfance et l'adolescence de Naëlle avec son frère et ses sœurs entre Belleville et Porte de Montreuil. Entre Grand-Maman et sa mère Jeanne. La première lui apportant un cadre, la deuxième vivant comme une bohème. Elle y décrit son quotidien dans un milieu populaire.
La deuxième partie commence dans la vie de jeune femme de Naëlle. Amoureuse de "Gus", un drame personnel la touche et on rentre dans un récit plus intime et émotionnel.
L'ensemble est très fluide et se lit rapidement. C'est un premier roman prometteur. On sent que l'autrice a mis beaucoup d'elle, de ses sentiments.
Une belle découverte.
Le livre de Nadège Erika est un roman aussi réaliste que poignant, un grand roman ! Il fait partie de la sélection du Prix Harper Collins Poche 2025, catégorie littérature.
J'ai été touchée par sa langue simple et non dépourvue d'humour qui évoque pourtant des sujets difficiles tels que le deuil, la misère sociale, les relations dans une famille "dysfonctionnelle"…
Naëlle a été biberonnée aux années 90, chaque souvenir qu'elle évoque en est imprégné. Si c'est pour moi une plongée plus ou moins nostalgique, pour elle c'est une tragédie (elle n'en a pas forcément conscience au moment où elle le vit, mais plus tard elle mettra des mots sur cette trame qui tisse un malheur…).
Ainsi, la jeunesse de Naëlle se scinde en deux axes distincts : la semaine dans l'HLM de Grand-maman à Belleville, les week-ends et les dîners Banania-biscottes à Porte de Montreuil, dans celui de Jeanne, sa mère, qui peine à remplir le frigo.
C'est ainsi que grandit et se structure Naëlle. Est-elle seulement à sa place quelque part entre cette mère négligente et cette grand-mère qui se bat pour que réside un semblant de vie de famille "normale" ? Comment se construire dans l'absence, dans le manque ?
La tragédie insuffle ses ressorts venimeux dès le début de l'histoire, on la sent qui gronde… et puis, elle nous percute le cœur avec tant d'injustice !
Un premier roman magnifique, très humain qui décortique avec justesse les liens familiaux et l'environnement de quartiers populaires en mutation (gentrification, classes sociales qui entrent "en collision"), mais donne aussi à voir un espoir, la résilience (Mon petit est inspiré de l'histoire de Nadège Erika, elle est aujourd'hui éducatrice spécialisée et romancière).
Naëlle et sa fratrie grandissent à Belleville chez leur grand-mère, formidable personnage pétri d’amour, de respect et d’un savoir précieux (Belleville d’avant les bobos, où les enfants dévalaient les rues dans des sacs poubelles dès les premières neiges car oui, dans les années 90, il y avait de la neige dans les rues à Paris, je vous parle d’un temps…).
Naëlle navigue entre deux mondes : une aïeule très structurée, rassurante, pleine de bon sens qui l’appelle « mon petit », d’où le titre) et une mère absente, bohème et foutraque, toujours entre deux coupures de courant et visites des huissiers ou des services sociaux.
Le contexte de pauvreté et de violence n’entame pas le formidable allant de cette histoire, écrite d’une plume pleine de gaieté et de fantaisie.
Le ton restera le même lorsque, quelques années plus tard, la toute jeune fille rencontrera un beau gosse immature et irresponsable qui l’éblouira avec ses yeux verts et ses Nikes dernier cri.
La description lucide d’une catastrophe annoncée serre le cœur, « mon petit » est tout à la fois un drame révoltant et sordide (il est question de drogues, de coups, de morts d’enfants, de mépris des médecins…) et le récit d’une résilience volontaire et têtue où le suivi des personnes en grande difficulté a toute sa place.
Parce qu'elle vient de quitter son emploi, Naëlle ressent le besoin de retrouver ses racines, c'est donc sur les traces de celle qui l'a construite, sa Grand-maman, que ses pas la ramènent. Direction Belleville. Naëlle y vivait la semaine, le week-end elle était Porte de Montreuil, chez sa mère. Deux quartiers, deux mondes. La semaine c'était strict et respectueux, le week-end c'était relâche. Nana se souvient de son enfance et de sa jeunesse dans ce quartier populaire et cosmopolite qu'elle aimait tant. Les souvenirs affluent. Ils sont faits certes de pauvreté, d'insouciance, de silences, mais surtout d'amour. Dans cette famille déstructurée sans père, les quatre enfants grandissent comme ils peuvent. Heureusement que Grand-maman était là pour adoucir la vie de ces petits et pour les structurer un minimum car la maman en était bien incapable trop occupée à se débattre avec ses problèmes financiers et de coeur. Et puis au détour d'une rue, ce sont d'autres souvenirs qui surgissent. Fini l'insouciance. Place aux souvenirs douloureux d'une jeune femme devenue mère qui contrairement aux siens va mettre un terme à ces silences assourdissants et enfin hurler sa détresse.
Mon petit c'est une promenade dans un quartier populaire de Paris à hauteur d'enfant. C'est aussi une plongée dans l'ambiance familiale de l'auteure, faite à la fois d'innocence et d'insouciance, d'éclats de rire mais également de peurs et de colère retenue. Ce quartier est également synonyme de traumatismes, ceux vécus plus tard par l'auteure. Tout en redonnant vie à ce Belleville qu'elle aimait tant et qui a bien changé, Nadège Erika met des mots, sur ses maux. Mon Petit est pour moi tel un 45 tours. La face 1 est empreinte d'une certaine légèreté en raison de l'humour incisif et du sens affûté de la formule de Nadège Erika. La face 2 est un cri déchirant pour dénoncer l'injustice. Au final, Mon petit est un premier roman débordant d'amour et de tendresse particulièrement réussi qui a tout des grands.
Lu dans le cadre de la sélection 2024 des 68 premières fois !
https://the-fab-blog.blogspot.com/2024/08/mon-avis-sur-mon-petit-de-nadege-erika.html
Ce roman est une claque tant il est bien écrit et les sujets abordés sont à la fois sociaux, économiques et intimes. L'autrice a une écriture directe : elle ne tourne pas autour du pot et montre la réalité sans fard.
Naëlle est d'abord une jeune fille qui devient ensuite une jeune femme dans le Paris des années 90. Elle navigue entre deux foyers, celui de sa grand-mère (Grand-Maman) et celui de sa mère. Cette vie hybride et pas comme les autres n'est pas ressentie comme dysfonctionnelle par la petite fille et sa fratrie, car c'est leur normalité. En même temps, Grand-Maman s'assure du bien-être matériel et émotionnel de ses protégés. Les passages relatant ces moments sont teintés d'amour et d'insouciance, avec une petite touche de réalité qui s'insinue peu à peu dans l'esprit de la jeune fille. Notamment, elle ne connaît pas son père biologique mais en a-t-elle réellement besoin quand elle évolue dans un foyer (principal) aimant et où la vie est douce (d'un point de vue enfantin) ?
Puis Naëlle grandit et, à l'adolescence, elle entre dans une rébellion propre à son âge, mais aussi à son milieu antagoniste. Elle rêve de liberté tout en aimant rester dans le milieu où elle est. En effet, vivre entre deux foyers apporte aussi son lot de questionnement et de différences d'éducation. Chez Grand-Maman, c'est l'ordre qui prime alors qu'avec leur mère, le mode de vie est un peu plus bohème. Son quartier puis Paris devient le cadre de ses découvertes et de son émancipation vis à vis de sa famille mais aussi, il marque le passage de l'enfance à l'adolescence.
Ensuite, elle rencontre un jeune homme avec qui elle va s'installer. Avec lui, c'est une nouvelle réalité qui la frappe de plein fouet, celle de la différence de classes sociales. Je n'en dirai pas plus sur cette partie, mais elle reste la plus intéressante d'un point de vue psychologique et sociologique. C'est en tout cas cette partie de sa vie qui va la faire grandir d'un coup et lui faire prendre conscience du rôle assigné aux femmes et aux mères par la société.
Ce roman traite également de la nostalgie et de la perception qu'on avait des choses à un moment donné et qui son révolues au moment où on le réalise. C'est aussi une réflexion sur l'évolution des quartiers (ici, le quartier de Belleville à Paris) et sur les changements socio-économiques de certains territoires qui s'embourgeoisent au détriment de la population locale.
Pour un premier roman, Nadège Erika réussit avec brio à traiter de différents sujets qui sont à la fois propres à un personnage donné mais qui peuvent parler à n'importe quel lecteur. Elle arrive à poser les mots sur des expériences singulières et à en faire des thèmes universels.
Si on devait résumer cette lecture, c'est un roman (fictionnel ?) qui mêle sociologie, rapports humains et universalité.
Les autofictions se suivent et ne se ressemblent pas…Ces textes restent pour moi un mystère. Récits, témoignages, recueils de souvenirs, certains s’assument pour ce qu’ils sont, d’autres peinent à endosser le costume de « roman » sous lequel leur auteur ou autrice tentent de le proposer à la lecture. Pour quelques-uns d’entre eux, cependant, le charme opère sans que l’on sache réellement pourquoi. L’histoire qu’ils racontent n’est ni plus gaie, ni plus grande, ni plus exceptionnelle que tant d’autres laborieusement soumises à notre bonne volonté de lecteurs et lectrices saturée de toutes les coutures de la misère du monde, mais ils parviennent à nous interpeller, à nous séduire, à nous toucher. Mon petit, le premier roman de Nadège Erika apparaissant dans la sélection des 68 Premières Fois de cette année est de ceux-là.
Dans la vie de Naëlle et de ses frères et sœurs, il y a deux escaliers mais pas d’ascenseur social, deux mères (dont une grande) mais pas de père, deux quartiers, deux ambiances, Belleville, Ménilmontant et la Porte de Montreuil, de l’amour et beaucoup de silences. Et puis, un jour, il y a deux enfants…mais pas de répit pour la douleur qui, de génération en génération, semble attendre en embuscade les mères Courage comme les mères volages, dans cette famille où on assume de l’être, tôt et longtemps. C’est peut-être cela qui m’a touchée et convaincue dans ce premier roman de Nadège Erika. L’enthousiasme et la reconnaissance pour ces premières années, moitié racines et moitié ailes, le cri du cœur d’une Parisienne pour le quartier qui l’a vue grandir, le courage d’une toute petite maman pour accueillir ses deux tout-petits, la vaillance d’une femme amputée pour continuer à se tenir debout, et puis, pour partager tout cela, le travail réel, visible, porteur, d’une autrice en devenir, qui construit son histoire, qui la tient jusqu’au bout, qui sait choisir ses mots. Sauf quand la douleur est au-delà, sauf quand la colère est trop forte, parce qu’il y a des limites à ce qu’un être humain peut contenir. Aucun misérabilisme, cependant, dans la tonalité pleine d’énergie qui ne cherche ni la pitié ni les larmes, mais qui nous laisse la place pour nous tenir près d’elle, respectueusement, dans cet interstice qu’autorise le roman, à condition de se faire petit à son tour.
« J'écris pour emballer mes tourments dans un corps de papier et mettre des mots sur une histoire qui en a manqué. Au même titre que d'autres fluides corporels, l'écriture, chez moi, est une sécrétion. »
Naëlle, la narratrice, 45 ans, vient de quitter son travail de travailleuse sociale dans un foyer d'accueil pour enfants, besoin d'écrire, raconter sa vie pour la raconter en face. Dans une urgence maîtrisée qui joue avec la pudeur, elle se livre sans réserve : sa fratrie de toutes les couleurs, tous de pères différents, tous déserteurs ; ses aller-retours entre Belleville et Montreuil, entre une mère débordée par sa vie amoureuse et une grand-mère jouant la maman bis, « deux ventricules d'un même coeur » ; son premier amour, sa grossesse précoce sa première expérience conjugale et maternelle.
La première partie est remarquablement à hauteur de l'enfant et de la jeune fille qu'a été Naëlle. J'ai été immédiatement charmée par l'écriture affûtée et directe de Nadège Erika, son flow entre énergie et douceur, pleine d'humour aussi, enveloppe le récit d'une tonalité juste, un peu à la Renaud, qui dit à merveille l'insouciance désinvolte de la jeunesse. Les passages sur sa grand-maman compose un magnifique portrait de grand-mère, elle la bretonne rigide qui ne comprend pas sa fille toute blonde qui fait des gosses à la pelle dès ses seize ans avec des Noirs alors qu'il y a plein de Blancs disponibles, mais dont l'amour inouïe qu'elle porte à ses petits-enfants corrige naturellement son racisme initial.
« Même si je n'ai plus le désir d'y vivre, même si j'ai oublié certains lieux et certains repères, même si le quartier a changé et a subi une gentrification de plus en plus marquée, Belleville, ça reste chez moi. Belleville, c'est à moi. Je pourrais me coucher là, par terre, et ne plus en bouger. Je ne sais pas si c'est la proximité avec l'enfance qui me procure cette sensation, mais dans ce quartier, j'ignore toute notion de temporalité.
De Renaud, on passe à Modiano pour déambuler dans le Paris populaire de l'Est des années 1990 avant la gentrification. On parcourt les rues en pente de Belleville aux côtés de Naëlle, chaque lieu réveille un souvenir précis, géographie émouvante qui est au coeur du récit, un coeur palpitant. On a envie de parcourir toutes les rues décrites, mais en fermant les yeux pour faire disparaître les juice bars de bobos et leurs cheese-cakes au tofu, pour retrouver le pouls bellevillois et capter un peu de sa saveur d'antan.
Au mitan, le récit prend une tournure tragique que je n'avais pas vu venir. Avec l'irruption d'un terrible drame qui bouscule tout sur son passage, l'écriture évolue et se fait cri pour mettre des mots sur les silences, sur l'absence de mots pour dire une telle descente aux enfers. Assurément un rempart à la douleur et à l'injustice, une façon de dire, d'énoncer et de réguler les coups durs de la vie, pour survivre.
A chaque page, on sent l'engagement de l'autrice et l'intensité qui va avec. Mon petit est un roman politique qui parle l'air de rien de la France d'aujourd'hui et sur ce que c'est d'être une femme métisse née dans un milieu social populaire. Il est question de racisme, de mépris, domination et violence de classes avec la maltraitance institutionnelle qui peut en découler, de la précarité des vivants et des morts au confluent de ces luttes qui touchent les plus vulnérables de notre société. Jamais Nadège Erika, dont on sent qu'elle a mis beaucoup d'elle et de son intimité dans son texte, ne tombe dans un excès de larmoyant impudique.
Sa sincérité touche direct jusqu'au dernier chapitre, bouleversant par la pureté de son propos, point final qui conclut avec force ce premier roman très convaincant : il donne un sens au parcours de la narratrice en sublimant la porosité entre son activité professionnelle et sa vie personnelle.
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