"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une enseignante de français en poste sur une réserve innue de la Côte-Nord raconte la vie de ses élèves qui cherchent à se prendre en main. Elle tentera tout pour les sortir de la détresse, même se lancer en théâtre avec eux. Dans ces voix, regards et paysages, se détachent la lutte et l'espoir.
Une année scolaire de la vie de Yammie, la narratrice, jeune prof de français à Uashat, une réserve Innue dont elle est originaire. Elle nous raconte son quotidien au milieu de ce peuple dont elle est issue mais dont elle maîtrise mal la langue.
Des cours chapitres, comme des anecdotes, j'ai adoré ! Des miettes de vie, qui racontent le Québec et les Innus. Elle nous parle tour à tour de l'endroit où elle enseigne, de ses élèves qui la tutoient mais l'appellent Madame, de ses week-ends en forêt avant ça. Il y a des passages difficiles à lire, comme la chasse au collet, si cruelle.
Les chapitres alternent entre les souvenirs de sa vie d'avant en famille ou en couple à Québec, et son poste de prof maintenant, loin dans le nord auprès d'inconnus avec qui elle peine à nouer des relations. On sent la passion de son métier, de la transmission du savoir et la joie de voir le résultat mais aussi les difficultés face à des élèves parfois problématiques, d'autant qu'elle est à peine plus âgée qu'eux. Cependant il y a de beaux moments de complicité avec eux, au moment d'un repas organisé juste avant les fêtes de Noël ou à l'occasion de la réalisation d'une pièce de théâtre.
On suit pas à pas les joies, les peines, les difficultés de cette petite communauté autochtone un peu au bord du monde, où certaines élèves d'à peine dix-sept ans sont déjà mères, parfois de plusieurs enfants. Quand une mort inacceptable frappe, la douleur commune est énorme, car tout le monde se connait.
Et que c'est beau cette prof qui parvient à insuffler de l'enthousiasme et de la joie à ses élèves. On se rend compte à quel point les interactions peuvent être un moteur pour le groupe.
C'est une belle histoire, totalement dépaysante car elle se passe si loin de nous, au sein d'un peuple qui tente d'allier ses coutumes ancestrales à la vie moderne qui leur a été imposée, ce peuple des bois à la peau cuivrée, aux yeux bridés et aux longs cheveux noirs, qui vivait autrefois en harmonie avec la nature.
Manikanetish, qui signifie "Petite Marguerite" en langue innue, est le deuxième roman de l'autrice Canadienne Naomi Fontaine. Son héroïne, jeune enseignante de français, a choisi d'accepter un poste sur une réserve innue de la Côte-Nord. Elle revient donc sur ses terres, puisqu'elle-même est née dans la réserve, à Uashat, au Québec. L'école porte le nom "Manikanetish". C'est celui d'une ancienne enseignante, elle-même de la Communauté qui, n'ayant pas d'enfant, avait choisi de s'occuper toute sa vie de ceux des autres. N'est-il pas plus beau défi pour l'école que d'aller à la rencontre des enfants et de les accompagner sur un chemin qui les pousse à grandir, à se libérer et à prendre une place active dans la vie citoyenne. Toute matière enseignée n'est jamais le but, seulement un chemin pour atteindre l'épanouissement et le passage de l'enfance à l'âge adulte.
Or, il n'est pas simple ce temps de mûrissement dans une enclave autochtone. Le poids des traditions ramène vers un passé réducteur bien plus qu'il ne projette les jeunes dans l'avenir. Il est nécessaire pour ces derniers de développer et de nourrir une résilience qui les pousse à refuser l'injustice du repli et les aide à prendre conscience des mécanismes qu'ils mettent en place pour sortir de leurs problèmes, se libérer du fatalisme des avenirs bouchés et des condamnations populaires consécutives à une reproduction sociale qui enferme plutôt que d'ouvrir à un monde partagé. Tous ces thèmes sont abordés avec pudeur et vérité. Naomi Fontaine sait de quoi elle parle, ses écrits le prouvent !
On a tous, en toute pudeur, effeuiller la Marguerite : "Je t'aime, un peu, beaucoup, tendrement, passionnément, à la folie, pas du tout"... Pour ce roman de Naomi Fontaine, je m'arrêterais, par décision de coeur, à tendrement et passionnément.
Tendrement parce que j'éprouve beaucoup de tendresse pour ces enseignants capables de sublimer la relation maître-élève et de lui donner l'accès au registre de l'être profond et ce, dans la simplicité, la cohérence et le respect mutuel.
Passionnément car j'ai retrouvé, dans ce roman, la passion qui m'a animé durant tant d'années de vie professionnelles, à savoir le développement d'un savoir partagé et construit avec les apprenants eux-mêmes. De plus, Yammie, l'enseignante accepte de se lancer dans un projet un peu fou et de monter, avec ses élèves, une pièce de théâtre. Même si les choix et les chemins qu'elle emprunte n'auraient nécessairement été les miens, je me suis senti assez proche d'elle dans sa manière de veiller à ne pas faire jouer les vedettes mais plutôt à intégrer chacun, selon ses capacités, et de faire de tous des acteurs à part entière, tous responsables du succès de l'entreprise. Mon passé de professeur d'art dramatique ne pouvait que se réchauffer au contact de ces souvenirs et de cette volonté habitée par Yammie de pousser chacun à grandir, se dépasser et se mettre au service d'une cause commune.
L'écriture est simple, non simpliste. Elle illustre la dynamique du récit. Avec des temps forts dans l'action, des pauses pour la réflexion, l'équilibre recherché pour assurer une attention à tous, au collectif et, en même temps, à chacun, dans l'unique vécu par l'individu. L'écriture, construite autour de nombreux chapitres très courts, écrits à partir d'un mot ou d'un nom servant d'incipit et donnant le thème central traité, assure donc un style très accessible et plaisant à suivre. Les personnages, y compris celui de Yammie, sont autant d'individualités confrontées aux difficultés de l'existence qui plus est, celle imposée par le regard des 'blancs' et le poids des traditions d'une 'réserve'. D'entrée de jeu, la jeune enseignante déclare : "Il était impensable que je me résolve à n'enseigner que la grammaire, ses multiples règles incongrues et la cédille qui fait qu'une lettre s'adoucit. Je leur apprendrais le monde. Et comment on le regarde. Et comment on l'aime. Et comment on défait cette clôture désuète et immobile qu'est la réserve, que l'on appelle une communauté que pour s'adoucir le coeur." Comment aurais-je pu ne pas avoir envie de suivre cette jeune enseignante à cette Côte-Nord pour un chant choral où des voix, des luttes, des paysages et des humains nimbés d'espoir écrivaient la partition ?
Un très beau moment de lecture qui ouvre à de nouveaux espaces. En ce temps de confinement, une vraie richesse.
130 pages..ce n'est donc pas un bien gros livre, mais c'est un grand livre, qui raconte une grande histoire, une triste histoire: celle des Innu, peuple amérindien du Canada, loin, très loin, les sept iles, le grand froid, la neige, une toute petite ville Uashat, cherchez la bien dans une mappemonde..la haut, à droite , dans un repli du Canada.
Là, une innue venant de Quebec, professeure de français vient s'installer pour un an ou pour davantage, qui sait. Elle vient de la, en fait, sa mère était originaire de cette réserve, car le mot est laché!! une réserve, ave des habitants de tous ages! mais nous ne vivrons qu'avec les jeunes dont Yammie s'occupe, des jeunes qu'il faut apprivoiser sans s'attendrir, qu'il faut encourager..que de jeunes filles enceintes ou mères à son cours, qu'il faut réconforter, la vie est dure et apre dans ces contrées, même si nous ne lisons aucun détail à ce sujet, rien de pénible à proprement parler, juste suggéré, mais de quelle façon!
Les cours, à préparer, à produire, les copies à corriger, tous les professeurs le savent, c'est la partie visible du métier, mais la partie invisible, certains la touchent , la vivent et rares sont ceux qui la racontent! c'est ce que fait Naomi Fontaine, et de belle plume en français..québécois!!
Quelques expressions locales émaillent ce texte, pas trop, juste ce qu'il faut pour prendre l'accent de la bas, images qui s'ajoutent à celles bien réelles de la vie des jeunes qui, bien entourés, vont se lancer dans une expérience qu'ils n'oublieront jamais: le théâtre
Et quelle pièce..Yammie a peu de textes sous la main et elle leur fera travailler et apprendre rien moins que Le Cid..oui oui, en costumes, avec des acteurs volontaires et au milieu d'épreuves personnelles qui donneront encore plus de poids à leur jeu!
Donc oui, offrez vous le voyage, le dépaysement, et en plus..le plaisir!!
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