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A l'hiver 1986, l'Assemblée nationale vote les lois Devaquet en vue de rendre plus sélectives les universités. Mobilisés contre cette réforme jugée discriminante, des milliers d'étudiants organisent le blocage des facs. Pendant plusieurs semaines, ils manifestent dans Paris et les face-à-face avec la police se multiplient. Au soir du 5 décembre 1986, différentes personnes vont croiser la route d'un jeune homme qui passait par hasard dans le Quartier latin : Malik Oussekine, 22 ans, un jeune homme sans histoire battu à mort par la police. Dans ce récit en noir et blanc initialement paru en 2016, Jeanne Puchol et Laurent-Frédéric Bollée reviennent sur cette tragédie qui secoua la société française et posait, déjà, la question des violences policières.
Décembre 1986, en France c'est la première cohabitation, François Mitterrand est président et Jacques Chirac premier ministre. René Monory est ministre de l'éducation et Alain Devaquet ministre délégué à l'enseignement supérieur. Il présente une loi visant à instaurer des critères de sélection à l'entrée des universités et une autonomie pour ces établissements. Les étudiants ne veulent pas de cette reforme et dans les universités les mouvements de grève se multiplient. Le 4 décembre une grande manifestation est prévue à Paris et beaucoup de provinciaux font le voyage pour grossir les rangs et faire nombre. La foule des étudiants est impressionnante et la manif finit mal, par des heurts. Le lendemain, pour ne pas se faire déborder, le ministre de l'intérieur, Charles Pasqua envoie ses Pelotons de Voltigeurs Motoportés chasser le manifestant. Deux flics sur des motos, un pilote et un passager muni d'une grosse matraque pour frapper en marche. Malik Oussekine, 22 ans, rentre paisiblement chez lui lorsqu'il se fait attaquer par un duo de flics. Il mourra de ses blessures.
Jeanne Puchol et LF Bollée détaillent cette nuit fatale pour le jeune homme, même pas étudiant et encore moins manifestant. Ils créent des personnages fictifs qui vont croiser ou rencontrer la victime ou qui vont permettre de raconter précisément et de différents points de vue le contexte. Le 4 décembre 1986, j'étais étudiant et manifestant à Paris et la mort de Malik Oussekine nous avait touchés et choqués, comme tous les étudiants. La veille de sa mort, nous repartions vers la gare Montparnasse dans la cohue et le désordre pour échapper aux gaz lacrymogènes et aux heurts, nous sentions bien que la tension était vive. Ce qui est terrible en plus de cette mort, c'est que le pouvoir en place a tout fait pour se dédouaner et pour rejeter la faute sur Malik Oussekine.
L'album en noir et blanc, est sobre et ne tombe pas dans un manichéisme qui serait trop facile, il montre des flics violents bien sûr et fiers de leurs actes, mais d'autres qui refusent de laisser passer les actes de leurs collègues. Il est précédemment paru en 2016, et cette nouvelle édition vient questionner les violences envers les manifestants. Elle est aussi un complément au film de Rachid Bouchareb, Nos frangins, qui devrait sortir bientôt et à la série Oussekine d'Antoine Chevrollier, récemment diffusée que je n'ai pas encore vue.
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