"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Bruxelles, 1959. Pimpin, journaliste belge de grande notoriété, est expédié en vacances au Congo, alors colonie belge en pleine effervescence indépendantiste. Hormis une confrontation inévitable avec les militants nationalistes et anti impérialistes, il devra gérer comme il peut ses rencontres féminines et se verra tirailler entre son monde occidental et celui des "tiers-mondistes" dont il n'a qu'une vision fantasmée et faussée.
Le 30 juin 1960, il y a tout juste 60 ans, était proclamée l'indépendance du Congo belge. "Lipanda" (qui signifie "indépendance" en lingala), bien qu'entièrement fictive, revient avec humour sur ces événements tout en jouant sur des anachronismes dans le but de fournir un récit décalé et de mettre en relief les problématiques inhérentes au colonialisme.
L'excellent Bazil nous livre un nouvel ouvrage plein d'humour noir (sans vouloir faire de mauvais jeux de mots...).
Rappelez-vous, nous avions découvert son univers avec l'hilarant "American Dream" (voir ma chronique ici).
Et bien il nous revient avec un humour encore plus décapant et surtout à contre-courant, ou à l'inverse en plein dans le vent (à votre bon choix), des actualités.
De premier abord, on constate très vite la parodie évidente du célèbre "Tintin au Congo" de Hergé.
Les indices grossiers tels que le personnage journaliste belge à la houppette (Pimpin) et son chien acolyte (Mildiou), mais aussi les enquêteurs (De Smeek et Duchmol), vous taperont dans l'œil à n'y pas manquer.
Et je suis sûr que vous en trouverez bien d'autres...
Il y a aussi quelques clin d'œil à d'autres BD comme un certain groom...
Mais au-delà de cette caricature très marrante (humour second degré à apprécier), ce livre est une critique satirique et sévère du colonialisme (et pas uniquement de la Belgique vers le Congo).
Il pointe exagérément mais efficacement sur les travers de chaque peuple, et ça fait mal à tous les niveaux : racisme, éducation, extrémisme, arrogance, égocentrisme, barrières sociales etc...
Cette bd est donc un fabuleux melting-pot de thèmes durs tous encore biens réels et hélas bien loin de disparaître.
Le dessin très caricatural reste minimaliste comme pour "American Dream" mais toujours aussi efficace.
Ce qui est aussi frappant c'est évidemment la ressemblance sans doute volontaire du héros sur les deux ouvrages.
Il n'y a que peu de grandes cases ou de plan d'ensembles. Les effets visuels restent simples et sont posés judicieusement pour évoquer un certain dynamisme visuel.
Les couleurs unies, vivaces et chatoyantes égayent le récit, et la diversité de la palette renforce aussi l'impression de boxon continuel.
A noter que, comme de fait exprès, les teintes noires ou blanches sont omniprésentes et sortent bien sûr du lot. Je ne sais pas si l'intention était voulue, mais l'effet est bien là !
Le découpage chargé, en gaufrier avec en moyenne 10 à 12 vignettes donne toujours une impression de gros désordre complexe à l'image de toutes les intrigues et thèmes abordés, de la multitude de protagonistes etc.…, mais au final il est admirablement bien orchestré afin que le lecteur ne perde pas le fil de l'histoire.
C'est là une structuration et un travail impressionnant.
Un dernier point que j'apprécie beaucoup dans les bd de Bazil, c'est la richesse des dialogues.
Certaines répliques me paraissent parfois véritablement d'anthologie. J'y vois un petit côté façon Michel Audiard
Extrait de dialogue :
- Pimpin à Kitoko "Oh ben t'aurais dû les accompagner, c'est bien Bruxelles. Rien que le Manneken Pies."
- Kitoko "Quoi... le gamin à poil qui fait pipi dans un bassin ? Woaw, le génie artistique des civilisés !"
- Pimpin "euh..y'a pas qu'ça."
- Kitoko "Tu m'étonnes. Une ville entière embellie par le sang des récolteurs de caoutchouc... ça doit en faire des monuments à visiter."
- Pimpin "Et les gaufres ? T'as déjà mangé des gaufres ?"
En synthèse, voilà encore une bonne bd à l'humour cinglant et très critique en regard de l'histoire et le comportementalisme de chaque peuple.
J'ai vraiment beaucoup aimé.
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