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En 1940, fuyant l'avancée des nazis, des milliers de Juifs affluent en Lituanie, pays dont l'URSS s'empare, mais que le Reich lui arrachera bientôt. Dans ce climat de catastrophe imminente, le Néerlandais Jan Zwartendijk, directeur de la filiale lituanienne de Philips et nouveau consul honoraire à Kaunas, parvient à ouvrir aux Juifs une dernière issue pour échapper au pire. À l'insu de presque tous, Zwartendijk travaille jour et nuit pendant trois semaines afin de délivrer des visas pour Curaçao, dans les Indes néerlandaises, tandis que son collègue Sugihara, consul du Japon, signe des visas de transit. Ainsi commence une extraordinaire entreprise clandestine qui sauvera des milliers de vies.
En recueillant à travers le monde les témoignages des survivants et de leurs enfants, Brokken reconstitue l'histoire de « l'Ange de Curaçao », comme l'appelaient les réfugiés. Voici l'odyssée de familles entières qui ont traversé la Russie en Transsibérien, atteint Kobe et trouvé refuge dans le ghetto juif de Shanghai. Les Justes est une fresque monumentale, une mosaïque de vies, de lieux et d'événements où la réalité prend des teintes épiques et romanesques, mais surtout une leçon sur le courage et la responsabilité de l'individu face à la catastrophe.
le titre Les Justes, une expression du judaïsme tirée du Talmud, Juste parmi les nations, désignent celles et ceux qui ont contribué à sauver des citoyens de confession juive pendant la Seconde Guerre mondiale. Wikipédia explique : » le titre de Juste est décerné au nom de l'État d'Israël par le mémorial de Yad Vashem. Au 1er janvier 2020, 27 712 Justes parmi les nations de 51 pays ont été honorés ; la Pologne, les Pays-Bas et la France sont les pays dont les citoyens ont été les plus médaillés. En tout, les Justes ont sauvé des centaines de milliers de personnes. » Parmi eux, l'attention de l'auteur néerlandais Jan Brokken a été attiré par l'un de ses compatriotes défunts, Jan Zwartendijk, occupant la fonction de consul honoraire à Kaunas la « capitale temporaire » de Lituanie, après l'annexion de Vilnius par la Pologne, pendant les premières années de la guerre : c'est un bel hommage qu'il rend ici à cet homme qui a contribué, en coopération avec d'autres Justes, à sauver plusieurs milliers de Juifs au péril de sa sécurité et celle de sa famille.
C'est plusieurs d'années de recherches qui ont abouti à ce livre, à chemin entre l'essai et le livre d'histoire, qui évoque des hommes, des pays qu'on a moins l'occasion de parler lorsqu'on évoque cette guerre mondiale: les Pays-Bas, de par leur neutralité déclarée mais tout de même envahis par l'Allemagne, des pays baltes imbriqués entre l'omniprésence des deux géants impérialistes et agressifs qui les entourent, l'Allemagne nazie et l'Union soviétique. C'est par le biais de l'histoire de Jan Zwartendijk et de sa famille, sa femme Erni, ses enfants Jan Junior, Edith, Robby que Jan Brokken va faire débuter son récit, pour comprendre les enjeux géopolitiques et la position de Jan Zwartendijk, d'abord directeur de la filiale lituanienne Philips, assujettie à la maison mère d'Eindhoven, puis directeur de ladite filiale en même temps que consul honoraire des Pays-Bas. C'est un récit extrêmement documenté et précis, qui fait revivre les personnes impliquées jusqu'à la description de leur caractère. Les dernières dizaines de pages le laissent entendre, l'auteur a entrepris cette gigantesque entreprise de recherches et de reconstitutions et d'écriture, en partie pour rendre justice à Jan Zwartendijk, dont le courage n'a visiblement pas été reconnu à sa juste valeur, non seulement par son pays, mais aussi par les autorités hébraïques. Un travail qui a été réalisé en coopération avec deux des héritiers du consul néerlandais, et qui fait écho à la volonté farouche de Jan Junior l'aîné à l'initiative de cette tentative de reconnaissance officielle, et qui se sont farouchement battus pour que le nom de leur père soit officiellement inscrit parmi ces Justes.
On ne se doute pas de l'investissement de Jan Brokken dans ce récit titanesque sur le destin individuel d'un homme, qui n'a jamais voulu être reconnu comme un héros, qui a joué sur une subtilité des administrations diplomatiques pour envoyer les Juifs dans l'une de ces colonies néerlandaises, Curaçao, méconnue par un grand nombre, par le biais du Japon, dont Chiune Sugihara le diplomate tout aussi digne des honneurs, a travaillé en collaboration avec son confrère néerlandais. Autour d'eux, des familles qui savaient et soutenaient, des supérieurs dans la même lignée, tout un cercle qui a contribué à ce que cette opération, à souligner que même les autorités russes ont joué leur rôle en fermant les yeux sur les activités des deux hommes, qui ont joué sur une coopération implicite, fondée sur le sentiment de faire son devoir d'homme en offrant une porte de sortie à des familles qu'ils pensaient avec raison condamnées. Compassion, entraide sans jamais commisération aucune, mais propulsé par un sentiment instinctif d'urgence, presque religieux, de ne pas faillir à ses valeurs personnelles.
Si on a tous eu écho de ces sociétés qui ont tristement collaboré avec l'Allemagne nazie, il est intéressant de constater que Philips a au contraire fait son possible pour épargner ses collaborateurs juifs des arrestations et des déportations et mettre au placard les individus sympathisants du régime allemand. Et de découvrir la Lituanie comme un territoire certes pillé par ses voisins expansionnistes, mais terre multiculturelle entre influences polonaises, allemandes, russes, yiddish, juif, catholique et orthodoxe, avant la Shoah. Une terre d'abris pour ces Volksdeutsch déracinés et mal acceptés. Un panier multiculturel dont la famille Zwartendijk est aussi une image, d'origines néerlandaise, tchécoslovaque pour Erni l'épouse, Jan ayant déambulé en Europe centrale, et qui a pressenti les changements de mentalité. C'est d'ailleurs dans ces moments-là que se fait le plus apprécier le sens de la réflexion, d'analyse et de synthèse de l'auteur, concernant les principaux concernés de la famille Zwartendijk, mais aussi les frères et soeurs, aux personnalités remarquablement clairvoyantes, totalement conscients eux de ce qui se jouait (...)
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