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Ceux qui ont lu mon livre Les années Lula comprendront de quelle force ludique ont été ces cinquante années de vie partagées minute par minute, heure par heure, jours, mois et années avec cette femme à la beauté digne de la folie esthétique du peintre... mais surtout des félicités que peuvent éprouver deux esprits restés en perpétuelle rencontre par les bonheurs de la répétition.
Le temps d'une vie est un grand moment qui va de la naissance à la mort : pas plus que ça !
Le détail de la vie en accumulation fait un tout indicible, incernable, insaisissable, infini.
Là est le merveilleux.
Par les délices de la répétition, les fragments du vécu en amour peuvent donner une illusion d'éternité. Et c'est bien cet arrêt en éternité que moi, le peintre, j'ai tenté de matérialiser jusqu'au découragement pour, enfin, espérer en une totale mutation fixer cet éternel par l'immatérialité des mots. De là mes folies en peinture comme en écriture.
Cinquante ans d'arrêt en création et hypnose d'amour pour cette femme nommée Lula.
Puis sa mort.
Un grand silence tombé sur moi !
Un terrible silence d'interrogation : « Et elle, qu'a-t-elle vécu près de moi pendant ces cinquante années ? » Sa voix, ses rires délicieux, ses silences, sa présence, son sommeil énigmatique près de moi, sa beauté pensive, sa beauté pailletée de lumière près de moi, sa beauté d'intelligence près de moi. Près de moi, toujours près de moi. Son mystère surtout qui m'a tenu en haleine pendant ces courtes cinquante années en un lieu nommé, par un bien étrange hasard : « Béate » comme on le nommerait : « Eternité ».
Et puis, un an après la mort de Lula, déplaçant quelques livres dans ma bibliothèque à l'abandon, je découvre un carnet à la couverture verte rempli de son écriture large, généreuse, toute en boucles sensuelles, ouvrant comme une porte masquée sur sa pensée, alors que de mon côté je l'écrivais je la peignais, je la vivais près de moi.
Depuis, près de vingt ans ont passé. Maintenant, je sais ma mort à sept ans de cent ans ! Le rideau se baisse lentement.
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