"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Mai 1939. L'écrivain Isaac Babel est incarcéré à la prison de la Loubianka. Il y sera interrogé et torturé durant huit mois avant d'être secrètement exécuté le 27 janvier 1940, sur ordre de Staline. Pour tenir, il écrit à sa fille Nathalie, réfugiée en France avec sa mère. La lettre du condamné à mort prend la forme d'un examen de conscience. Comment ses idéaux de liberté, son refus des dogmes, son humanisme l'ont-ils écarté de cette révolution à laquelle il a cru ? Les visions qui lui reviennent sont celles de sa jeunesse à Odessa, la ville turbulente, affranchie, éclatante de vie, de couleurs et de drames des bandits juifs emmenés par le "Roi" Bénia Krik, qu'il a peinte dans ses premiers récits.
Les images du scénario qu'il a tiré de ces contes pour S. M. Eisentein et que le cinéaste, accaparé par son Potemkine, n'a jamais tourné, affluent à sa mémoire. Relatant les hauts faits de l'indomptable Bénia, anarchiste associé aux bolchéviques puis trahi par eux, elles s'imposent soudain comme la parfaite prémonition de son propre destin...
Brillant et remarquable.
Historique, littéraire, érudit ce roman graphique sous forme de BD aux dessins sépia et couleurs talentueux, se consacre au grand écrivain Isaac Babel en faisant revivre son rapport au judaïsme, (l’album est parcouru par des mots en Yiddish, plaisanteries, chants et coutumes juives), ainsi qu’à la révolution russe et à la société bolchevique de l’ex-URSS.
Après la présentation de Nathalie Babel, une des filles de l’auteur, qui, réfugiée en France sous l’occupation allemande puis émigrée aux US après la Libération, finit ses jours à Washington en 2005, l’album se compose de cinq parties :
1/ L’arrestation de Babel et son séjour à la prison de Loubianka où il sera interrogé et torturé. Il se servira des quelques feuilles de papier qui lui ont été données pour qu’il y consigne ses aveux de culpabilité inexistants pour écrire une lettre à sa fille Nathalie alors âgée de 4 ans, qu’il venait de quitter à Paris.
2/ Les auteurs de la BD animent brillamment sous plumes et pinceaux l’histoire de Babel inspirée par ses écrits quasi tous autobiographiques (sous couvert d'un déguisement obligé), en mettant principalement en scène le personnage créé par Babel dans « Les récits d’Odessa », Bénia Krik, « le Roi », meneur des bandits juifs, sorte de Robin des Bois à la tête d'une pègre des bas-fonds, qui par la force des choses, finit par s’associer aux bolcheviques qui l’assassineront, lui et ses amis, après l’avoir floué et s’être servi de lui.
S’identifiant à son personnage, Babel avait été visionnaire de son propre destin…
"Poète, ne fait pas cas de l'amour populaire. Le bruit momentané des louanges passera... tu entendras le jugement du sot et le rire de la froide multitude mais toi, reste ferme, tranquille, farouche." Pouchkine
3/ Fin de vie et assassinat de Babel dont le corps a été jeté dans un des nombreux charniers sous Staline.
4/ La lettre retrouvée et l’émotion de sa fille devenue âgée, apprenant la nouvelle.
« J’ai grandi en souhaitant qu’un jour, une porte s’ouvre et que mon père entre. » N. Babel
Lettre miraculeusement retrouvée sous Khrouchtchev en 1960.
Après la mort de Staline, les prisonniers politiques ont été libérés et la prison rénovée. C’est un peintre qui l’a retrouvée cachée dans un mur et l’a gardée pendant des années chez lui puis a décidé avant son départ de Moscou, de la remettre à l’association «Memorial ».
5/ Texte de la lettre testamentaire du père à sa fille.
Témoignage précieux et majeur de l’autobiographie et de la pensée d’Isaac Babel.
D’une émotion bouleversante…
Annexes et documentaires riches d’informations :
Une conversation des auteurs avec la traductrice attitrée des œuvres complètes d’Isaac Babel, enrichie de nombreuses photos documentaires dont celle très désarmante et touchante du regard d’Isaac Babel à sa fille de 4 ans en 1933 à l’occasion de son deuxième séjour à Paris;
Un repère chronologique, de la mort d’Isaac Babel datée au 27 janvier 1940 aux disparus de l’histoire soviétique jusqu’en 2020 date à laquelle l’association Memorial subit des attaques d’un régime « qui prône une lecture totalement révisée de l’histoire ».
En quatrième de couverture, citation d’Isaac Babel :
« Tout est tué par le silence. »
C’est un album riche, généreux, intelligent, instruit, talentueux, poignant, absolument réussi et saisissant.
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