"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
C'est l'histoire d'une femme qui veut devenir une palourde.
Après le remarqué Le Caillou (prix Libr'à Nous 2016), Sigolène Vinson revient au Tripode avec un roman écopoétique dans lequel l'amour et la nature oscillent entre le sublime et le désastre.
Par une nuit de canicule, une femme se réveille. Elle a trouvé refuge depuis des mois dans un village niché entre une falaise d'ocre et un étang oublié. La vie y est extraordinaire, mais aussi au bord du désastre, tout ça à cause d'une centrale hydroélectrique qui déverse par-là ses eaux douces et froides... Elle se dit que le monde est curieux, même quand il s'écroule. Et que l'amour, les hommes, sont épuisants, même dans les commencements. La nuit s'étire, le réel vacille et dans son insomnie elle se demande : que faire, quand tout s'en va ?
Un livre ovni dans la veine du Caillou; il y a la palourde mais je préfère le gracieux hippocampe...Je m'inquiétais du silence de Sigolène, ayant "oublié" la Canine de Georges que je n'ai pas trop aimé et par hasard, je vois sur la table d'une de mes librairies ce livre à la jolie couverture; c'est semble-t-il dans un lieu proche de Maritima mais dans une écriture poétique et parfois un peu hermétique comme dans le Caillou.
J'aime beaucoup Sigolène, la femme et l'oeuvre; je l'ai connue après "Charlie" à la sortie du Caillou (à Brive) et le courant a passé. Nous nous sommes un peu perdues depuis le Covid mais nous nous sommes rencontrées deux années de suite à Lomme pour un prix qu'elle a reçu. Ce prix a malheureusement disparu (sans vraies explications) avant sa 20ème année.
Un livre étrange où l'agonie des palourdes est un signal: tout va mourir à cause des rejets d'une centrale qui adoucit l'eau. "La fille" est aimée mais n'aime pas en retour.
L'écologie est présente dans toute l'oeuvre de Sigolène, au moins à partir du Caillou.
La Palourde. Ce titre intriguant m'a tout de suite happée, tout comme sa couverture, harmonieuse et colorée avec ses méduses, symboles du féminin et de l'ambivalence des sentiments. Une palourde c'est un petit coquillage qui s'enfouit dans le sable dans le but de se protéger de ses prédateurs à l'instar de la narratrice du roman, une femme dont on ne connaîtra jamais le prénom. Elle se fait appeler « Ma fille » par un prétendant désespéré de voir qu'elle ne daigne pas lui renvoyer ne serait-ce que le milième de son amour. Elle erre dans un petit village, journaliste à ses heures perdues et spectatrice d'une destruction amorcée de la nature qui l'entoure. Elle se demande s'il n'y a pas une corrélation entre son vécu et cette destruction...
La Palourde, c'est un roman qui parle d'amour, qui met l'accent sur l'écologie, sur la préservation de la nature et du lien qui l'unit à l'être humain. C'est un roman hors-norme qui évoque des âmes en quête d'affection, qui cherchent un sens à leur vie et à leurs actes. C'est un roman de la solitude tout autant qu'un roman qui met en son centre les relations humaines.
J'ai été séduite par l'écriture de l'auteur, à la fois douce, mélancolique et pleine de sous entendus. Chaque être vivant est en quête de son alter-ego ou à défaut de celui ou celle qui le fera se sentir moins seul. Ce besoin d'être aimé, d'aimer en retour et de se sentir vivant. Vivant tout comme le monde qui nous entoure, tout comme cet étang oublié que l'on retrouve dans le récit, abimé par la main de l'homme. Cette nature si parfaite que la narratrice entend en écho, qui lui susurre des messages atypiques ! Que ce personnage féminin est entraînant, empli de questionnements philosophiques et parfois candides, une femme qui lâche prise intérieurement, se laisse emporter par un univers qu'elle s'est créé et qu'elle retrace dans un carnet.
Un roman ovni comme l'édition Tripode aime les appeler, qui nous emporte dans des contrées presque inconnu, qui nous font divaguer tout en nous ramenant à la réalité, à ces petits riens qui nous entourent, à ses sentiments qui nous font vivre.
"Les notes de mes carnets contrefont parfois la réalité, mais les articles que j'en tire sont toujours considérés comme des histoires vraies. Ainsi, j'ignore si je suis ou non faussaire, si j'agis pour tromper la mort ou tromper la vie."
Suivre Sigolène Vinson est une entreprise périlleuse dans laquelle on s'engage sans filet et sans aucune garantie de trouver son chemin. Une aventure de tous les sens. Même si cette fois le lieu ne nous est pas inconnu, il fut le théâtre de Maritima en 2019 (sans doute mon préféré), cet étang de Berre auprès duquel l'autrice a élu domicile et dont elle semble connaître les moindres recoins. La narratrice de ce nouveau roman y a trouvé refuge à l'écart d'une société qu'elle préfère fuir au profit de ce microcosme particulier. Le petit monde qui vit autour de l'étang a ses rites, son langage. Ses inquiétudes aussi, liées à l'usine électrique qui déverse ses eaux, aux butins de pêche de moins en moins miraculeux. Il règne ces jours-ci une chaleur écrasante, sensation de brûlure que rien n'apaise et qui semble entraîner la narratrice dans des rêves oscillant entre mirages et hallucinations. Perdue entre la peur d'un avenir menaçant, la recherche de l'apaisement dans les liens ténus avec la moindre parcelle de vivant, le rejet d'un passé qui continue à obérer le présent, les étincelles d'espoir qui jaillissent malgré tout. Se fondre dans la communauté de l'étang ne soigne pas toutes les plaies. Le temps reste un élément insaisissable, incontrôlable pour la jeune femme qui se demande sans cesse "comment étirer cette minute qui précède le début de la fin"...
Alors, raconter des histoires. Celles des centaines d'êtres vivants qui habitent l'étang - palourdes, hippocampes, anguilles - le survolent ou grouillent sur ses rives, celles des pêcheurs réunis autour d'un pastis, de Marie dont l'esprit s'échappe ou même de l'ingénieur, cet enfant du pays qui lui vante les mérites de sa centrale hydroélectrique mais qu'elle préfèrerait embrasser même si elle a depuis longtemps renoncé à l'amour. Chercher comment croire à nouveau, un nouvel évangile auquel se référer. Parcourir la roselière en s'interrogeant sur la dette des humains envers la terre et le moment où celle-ci réclamera des intérêts. Entrevoir une échappatoire par la fiction où malgré tout rien n'est totalement factice. Oui, suivre Sigolène Vinson est une entreprise périlleuse (mais si riche) et un voyage où l'on oscille entre sourire et larmes, où l'on perçoit dans sa chair cette sensation de flottement, de tragique à fleur de peau. En immersion totale. Que celui qui n'a jamais tenté de changer le cours de son histoire ou de feinter le destin lui jette la première palourde.
"En secret, j'espère un dénouement où je serai en règle avec les êtres qui peuplent mes calepins, où je serai libérée de mes obligations envers les hommes et les mouettes. Oui, je rêve d'une fin heureuse. Pour les histoires vraies et celles que je feins."
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !