"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En 1945, Takuya est affecté au bureau d'information des forces armées japonaises. Le 15 août, jour de la reddition du Japon, l'ordre est donné de tuer les prisonniers américains, Takuya se porte volontaire. Quelques semaines plus tard, il apprend sa condamnation à mort pour crimes de guerre. Commence pour lui une longue errance, et un voyage inutile durant lequel il tente d'échapper à sa mémoire.
Amis lecteurs amateurs de romans primesautiers, de bluettes sentimentales ou de comédies légères,… passez votre chemin ! La guerre des jours lointains est un roman sombre qui parle de guerre, comme son nom l'indique, mais aussi de culpabilité et d'honneur, un roman grave.
Au lendemain de la capitulation de l'empereur, les héros d'hier, les valeureux officiers nippons imprégnés de l'honneur de servir leur pays, se retrouvent tout à coup catalogués « criminels de guerre ». Sous prétexte qu'ils n'ont pas hésité à décapiter les aviateurs américains prisonniers, les mêmes que ceux qui avaient largué leurs bombes sur Hiroshima et Nagasaki, les voici traqués par l'armée d'occupation américaine et condamnés à la pendaison.
C'est en substance ce qui arrive à Takura Kiyohara, obligé de fuir et de se cacher après qu'il a sur ordre exécuté un aviateur américain prisonnier de son régiment.
Dans un Japon exsangue dont les ressources ont été épuisées par la guerre, la famine fait rage, les habitants souffrent, les anciens officiers se cachent, désavoués par leur hiérarchie, et Takuya espère échapper à ses poursuivants.
C'est tout le thème de la culpabilité en temps de guerre qui est ici soulevé : est-il plus grave d'exécuter des officiers coupables de crimes ou de massacrer des populations civiles, des femmes et des enfants… ?
Il n'est pas question dans ce livre d'une préséance dans l'atrocité : l'auteur décrit et analyse de façon clinique les faits et gestes des belligérants, et livre une réflexion froide et détachée sur le crime en temps de guerre ainsi qu' une description saisissante d'un pays exsangue qui n'en peut plus.
La guerre est en général racontée par les vainqueurs et prend un autre sens lorsqu'elle est racontée par les vaincus.
Il a suivi la progression des B29 sur la carte, les bombardements de civils innocents, il a vu la ville à feu et à sang, il a comptabilisé les morts, il a assisté aux interrogatoires de jeunes pilotes américains désinvoltes, il a su pour Hiroshima et Nagasaki, il a écouté en direct le discours de capitulation de l'Empereur...alors quand son chef lui demande de trouver trois hommes pour exécuter trois prisonniers américains, Takuya Kiyohara ne réfléchit pas et se porte volontaire pour décapiter au sabre l'un d'entre eux. Cet acte que l'on peut qualifier de barbare lui a semblé naturel et juste, il ne le regrette pas. Pourtant son geste va le rattraper...Les américains n'entendent pas laisser impunis ces crimes de guerre, ses officiers supérieurs se défaussent, Takuya est seul et, s'il se fait prendre, il sait qu'il sera pendu. Alors il fuit. Dans un Japon ravagé par les bombardements, affamé par la disette, humilié par les forces d'occupation, il fuit, il se cache, il ne peut compter sur aucune aide, il ne peut faire confiance à personne. Lui qui a servi loyalement son pays, lui qui a toujours obéi aux ordres, lui qui aurait pu, qui aurait du être un héros, n'est plus qu'un vulgaire criminel, trahi, vilipendé, traqué, sans espoir d'absolution.
C'est avec distance et froideur qu'Akira YOSHIMURA nous raconte la défaite d'un pays et d'un homme et sa fuite éperdue pour échapper à des sanctions qu'il juge iniques. La guerre est ainsi faite qu'il faut un vainqueur et un vaincu et ce dernier n'a plus voix au chapitre. Il est jugé coupable de facto. Les vainqueurs sont des héros, ils ont tué des milliers de civils, ils ont bombardé le Japon sans relâche, ils ont employé l'arme nucléaire, rayé deux villes de la carte mais ils ont ont gagné et celui qui n'a tué qu'un homme est pourchassé pour crime de guerre... Est-il plus coupable que le pilote américain qui a largué des bombes sans état d'âme ? Une vie américaine vaut-elle plus que des milliers de vies japonaises ? Condamné à la solitude, Takuya se pose des questions. Après le temps de la haine vient celui de la réflexion. Les soldats, japonais comme américains, obéissent aux ordres, voilà le seul fait avéré. La culpabilité se déplace et serait alors dans le camps de gradés qui envoient de très jeunes pilotes faire le sale boulot ou qui ordonnent des décapitations hors-la-loi.
La guerre des jours lointains est l'histoire d'un homme dépassé par des évènements qu'il a subi sans avoir prise sur eux, l'histoire d'une humiliante défaite, d'un pays épuisé par les horreurs de la guerre. Sombre et très dur, le roman invite à la réflexion sur la culpabilité, la barbarie mais aussi la reconstruction et le pardon. A lire.
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