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La dernière absurdité du siècle devait être la mode de l'existentialisme : la livraison au bavardage quotidien d'une philosophie dont tout le sens est de nous arracher au bavardage. Naguère, les étourdis avaient assez d'instinct pour ne boire que de la mousse de pensée, quand ils tenaient à griser leur étourderie de belles raisons. Les étourdis sont aujourd'hui si étourdis qu'en veine d'excitants, ils ont piqué juste sur l'essaim de doctrines qui introduit toute réflexion par une condamnation à mort de l'étourderie. Ils ne le savent même pas. La détresse du monde enfermée entre les limites d'un café où l'on cause, et voilà leurs chers coeurs apaisés. Tel est le premier malheur de l'existentialisme. Mais ce malheur grotesque éveille déjà l'intérêt : la dérision, en général, fréquente les parvis des dieux.Un malheur ne vient jamais seul. S'il est un mot qui semblait s'annoncer par lui-même sans erreur possible, c'est bien celui d'existentialisme. Mais quand il quitte la société des philosophes pour se lancer dans le monde, il va justement désigner une vogue qui fait du néant l'étoffe de l'existence. Personne ne se doute, hors quelques cercles plus avertis, que l'« existentialisme » représentait déjà le courant le plus riche et le plus abondant de la philosophie contemporaine en un temps où le grand talent de Jean-Paul Sartre s'intéressait à la confiture sous des aspects plus immédiats que ceux de la psychanalyse existentielle. Il n'est pas question d'user de représailles et d'exclure Jean-Paul Sartre de l'existentialisme, parce que l'aile mondaine de son influence se livre à une escroquerie d'étiquette. Mais il n'en est pas moins temps de rendre à chacun son dû et, écartant le tumulte de la mode, de ramener ce mélange d'existentialisme et d'inexistentialisme, qui constitue le sartrisme, à sa situation propre : le dernier surgeon d'une des traditions existentialistes, tradition qui, issue de Heidegger, s'est elle-même constituée en opposition radicale avec les fondateurs de la philosophie moderne de l'existence. Notre dessein est de rétablir ici cette tradition dans son ampleur oubliée. Aucune n'a plus à dire, en effet, au désespoir de l'homme contemporain. Mais son message n'est pas un message de désespoir. Aucune ne l'arme mieux contre ses folies. Mais elle propose mieux, contre les folies aveugles, qu'une folie lucide.À la rigueur, il n'est pas de philosophie qui ne soit existentialiste. La science arrange les apparences. L'industrie s'occupe des utilités. On se demande ce que ferait une philosophie si elle n'explorait l'existence et les existants...
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