"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Rescapé de l'enfer de Verdun, il n'est pas seulement défiguré, il est mort vivant. Une nuit, la septicémie l'avait enlacé dans une longue étreinte mortelle. La fièvre le faisait divaguer. Léon avait tendu l'oreille. C'était incompréhensible, même si le mot « maman » revenait souvent. Léon ne connaissait que trop ce dialecte des derniers instants. Ce sursaut de vie sortait de tous les corps agonisants en un torrent de paroles insensées avant le râle fatidique. Alors Léon s'était rendormi. Même la mort, il s'en foutait. Peut-on encore mesurer l'horreur de la guerre quand le temps recouvre peu à peu les souvenirs ? Les combattants de la Grande guerre sont revenus bousillés, cassés dans leur chair et dans leur crâne. Sébastien Gehan évoque avec délicatesse et talent les affres d'un « revenant » au visage défiguré. EXTRAIT Le soldat Luc Martin revient du front de Verdun pour une permission de quelques jours dans son village. Arrivé à la maison, il dépose son sac, s'assoit bien fatigué et s'abandonne à ses pensées. Ses yeux ciel d'orage s'embuent. Une vague de tristesse s'abat sur lui comme un torrent brise les digues sous la force de flots trop longtemps contenus. La source de ce chagrin lui est aussi inconnue que ces lieux. Il repense au train, à ces wagons jetés sur les rails, à cette étrange sensation de son corps ballotté au milieu de tous ces visages inconnus, à l'impression déplaisante de n'être qu'un bouchon de liège lâché sur un fleuve de métal et de fumées noires. Il se remémore les paysages entraperçus au cours de son périple, ces myriades de champs émeraude, ces échardes de forêts, ces bras de rivière indolents. Il se rappelle les odeurs de l'hôpital, l'éther, le chloroforme, la Javel jetée à grands baquets pour nettoyer les flaques de sang sombre comme le goudron. Il repense à ces visages familiers, sans noms, sans prénoms, bandés de partout, tantôt momies silencieuses, surtout momies hurlantes de douleur. A PROPOS DE L'AUTEUR C'était un 17 juin 1973. Peu de monde s'en souvient malgré mes cris, mais je suis né ce jour là. Mes études d'histoires-géo m'ont tellement passionné que j'ai fait cinq années d'un DEUG de Sciences-Humaines. J'ai écrit des tas de nouvelles. Plus de 70. Autant de romans inachevés traînent dans mes cartons. J'ai écrit deux pièces de théâtre, des contes pour enfants, et d'autres vraiment pas pour les enfants. J'ai gagné quelques prix dans des concours de nouvelles dont celui des Ancres Noires en 2007. Mais le plus beau prix restera toujours celui que Jean-Bernard Pouy m'a décerné en m'appelant "collègue". J'habite Le Havre. Gueule cassée est ma première publication « officielle ».
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