"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Je n'ai accepté de venir que parce que Naïs est malade, insista-t-il une fois encore comme pour lui signifier que son affection n'allait pas de soi maintenant qu'elle n'était plus à la rue. Vous savez n'est-ce pas que j'ai dû partir parce que j'ai eu de gros ennuis ? » Michel a presque tout perdu en voulant désespérément aider Gloria. Il a été renvoyé du centre d'accueil où la jeune femme avait été placée, et ne l'a plus revue. Trois ans plus tard, elle le rappelle. Et il consent à la revoir. Très vite, le comportement de Gloria envers sa petite fille, Naïs, l'inquiète et le pousse à s'immiscer dans leur vie. Mais qui cherche-t-il vraiment à sauver ? Chez Pascale Kramer, les enfants sont au centre des histoires, agissant comme des révélateurs. Dans ce dernier roman, l'auteur a su admirablement mettre en scène l'ambivalence au coeur des relations humaines et la solitude de chacun face au jugement des autres. À quoi finalement se mesure la normalité des vies ?
Des êtres fragiles, une tension palpable et constante dès les premières lignes, l’accomplissement d’une erreur fatale du héros de l’ouvrage sont les ingrédients majeurs d’une histoire noire mais prenante.
Pascale Kramer a un talent fou pour peindre des personnages complexes et abimés. Michel et Gloria sont les acteurs de cette tragédie avec l’inconscience pour dénominateur commun.
Michel ne sait pas être heureux : il est doué pour l’autodestruction de sa vie et de son couple. Il voudrait donner du bonheur mais offre son affection à contretemps. Il est grisé par le pouvoir d’agir sur l’existence des autres tout en étant inconscient du caractère intrusif de ses actes. Accusé à tort ou à raison d’attouchements coupables sur mineures, Michel va replonger dans des liens ambigus avec sa protégée, Gloria. Gloria est immature et inapte à être mère. Mais son innocence se double d’un caractère manipulateur des bonnes âmes
Ce livre choral est celui d’une population confrontée à des situations potentiellement dangereuses où consolation et insensibilité animent chaque personne.
Gloria est un livre dérangeant sur la tolérance et l’acceptation mais aussi sur les limites de l’abnégation de ceux dont la mission est de sauver des vies. La frontière entre destruction de sa vie et sauvetage de celle des autres est ténue. Le malaise des acteurs imprègne celui du lecteur.
Cet ouvrage fort au style concis et efficace pose des questions auxquelles il est particulièrement difficile de répondre ; en chacun de nous cohabitent des paradoxes, des failles et des rapports de domination et de faiblesse. A la question fondamentale posée par Pascale Kremer sur le droit de juger celles et ceux qui mènent une vie moins normale que d’autres, ma conclusion reste incertaine.
Michel était travailleur social, il s'occupait de réinsérer des femmes en difficulté. Parmi elles, il y avait Gloria, jeune, paumée, en rupture avec sa famille adoptive et enceinte. Michel s'était opposé à ses parents qui voulaient la mettre sous tutelle et lui imposer un avortement. Il avait confiance en sa capacité à être mère, il s'était beaucoup impliqué dans cette affaire. Et puis, les choses avaient mal tourné pour lui. Accusé de gestes équivoques envers les femmes et les fillettes sous sa responsabilité, il avait été licencié.
Trois ans plus tard, il a repris son métier d'orthophoniste, il a divorcé, il s'est éloigné de sa famille, de ses amis. Quand Gloria reprend contact avec lui, il hésite à la voir mais finit par céder à la curiosité. Les faits semblent lui avoir donné raison. Gloria a changé, elle est plus sûre d'elle. Elle a un appartement et elle s'est mariée avec le père de sa petite Naïs. Mais Michel s'inquiète des rapports entre la mère et l'enfant. Naïs lui semble étrangement calme, Gloria trop autoritaire. Sur le net, il trouve des photos de la mère et l'enfant qui semblent banales a priori mais qui lui laissent une étrange impression. Le doute s'installe, les soupçons se fraient un chemin dans la conscience de Michel qui ne peut s'empêcher de revoir encore et encore cette famille et surtout cette enfant qu'il croit en danger.
Il ne se passe rien, ou pas grand chose, dans ce livre et pourtant il met terriblement mal à l'aise. Personnalités indéfinissables des personnages : Gloria est-elle une femme-enfant ingénue ou une manipulatrice? Michel, rongé de culpabilité malgré son innocence, sauveur déchu, ambigu dans ses motivations, pense-t-il sincèrement que Naïs est en danger ou a-t-il simplement du mal à accepter que sa protégée se débrouille sans lui? Ambiance pesante, drame latent mais qui jamais n'éclate. Bref, un roman que j'ai lu sans déplaisir mais qui m'a laissée sur le bord de la route. Pas réellement malsain mais, en tout cas, dérangeant.
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