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Casimir Prat se saisit du mythe d'Antigone et tisse sa filiation (la sienne et celle du mythe) avec quelques femmes d'écriture qui toutes ont dit non et l'ont payé de leurs vies, celles à travers qui il a appris à voir, "les grandes transparentes" pour féminiser l'image lumineuse de Benjamin Péret.
(Extrait de la préface, signée Philippe-Marie Bernadou)
« Contrairement aux dieux, les mythes ne meurent pas…ils sont l’évidence, comme la poésie. » nous précise Philippe-Marie Bernadou dans la préface.
Au mythe d’Antigone et à sa voix viennent se tisser d’autres voix de femmes, poétesses, romancières, qui ont également connu un destin tragique. Ces femmes, Emily Dickinson, Alejandra Pizarnik, Silvia Plath, Ingeborg Bachman, toutes sont des rebelles, à l’image d’Antigone. Toutes ont résisté : à la pression sociale, familiale, à la folie, au nazisme et à l’injustice. Á ces femmes courageuses, Casimir Prat ajoute son Antigone à lui, sa mère Armande, qui a dû quitter l’Espagne, son pays, en 1939.
Casimir Prat est devenu si intime avec les œuvres de ces poétesses disparues qu’il parvient à créer ces dialogues avec une justesse de ton et une simplicité familière.
Lorsque l’une d’entre elles parle du plaisir de fumer, on pense à la fin tragique d’Ingeborg Bachman, morte brûlée vive après s’être endormie sans éteindre sa cigarette.
« Car le plaisir que je prends à fumer autant/ n’est-il pas après tout, pure imagination ? Le simple plaisir pur que j’éprouve en réussissant à m’oublier / dans la fumée/ n’est qu’une illusion fugace/ que me prêtent les brins de tabac en combustion enveloppés dans le fin papier blanc… »
Mais derrière les confidences de ces disparues auréolées de mystère, se dessine en filigrane les pensées de l’auteur. Ne partage-t-il pas lui aussi, les tourments de l’écriture et la fatalité de la mort ? Ne nous transmet-il pas cette attente inquiète ?
« Je sais -qu’il n’y a pas de poème
plus beau, plus exact et plus émouvant
qu’un poème manqué (à l’image de celui que tu es en train de lire, cher lecteur),
le poème / que personne n’a jamais fini d’écrire… »
Ces dialogues où l’on n’entend qu’une voix, se lisent, se savourent lentement, comme ce « leche merengada », douceur sucrée que l’auteur dégustait, petit, chez sa tante de Barcelone.
La poésie de Casimir Prat est à l’image de l’homme : sous des abords discrets, derrière ses silences, elle est vive, elle emporte et nous émeut. Sobre et fluide, l’écriture prend parfois des accents élégiaques.
Écoutant le murmure de ces femmes, je me suis laissée portée par la mélancolie du texte.
Le poème ne serait-il donc que ce silence qui tournoie avant de disparaitre ?
« Chaque poème ressemble à une scène où viendraient de tomber
les petites plumes blanches du silence, toutes les lettres blanches
du silence
vingt-six plumes qui ne peuvent rester en place et tournoient
sur elles-mêmes et se louangent et se mélangent et disparaissent-
et moi aussi je tourne sur moi-même et disparaît ! »
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