"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« La musique a des accords que les mots ne peuvent dire, ni même comprendre », mais Xavier-Marie Bonnot parvient, avec ses mots, à décrire l'une des plus sombres périodes de l'Histoire sur fond de musique et d'art, contraints et fanés par le nazisme.
Juin 1954, l'opéra royal du Danemark cherche un nouveau chef d'orchestre pour remplacer le grand Wilhelm Furtwängler, parvenu au terme de sa vie. Un jeune musicien est choisi : Rodolphe Meister, le fils d'une célèbre cantatrice. Tous trois sont nés à Berlin, se sont connus et fréquentés. Mais, en 1933, tandis que les nazis font de Furtwängler un trésor national, le destin de Rodolphe et de sa mère va basculer. L'enfant n'a que huit ans, et comme beaucoup le nazisme le fascine... Jusqu'au jour où la Gestapo découvre à sa mère une ascendance juive.
En 1954, lorsque Rodolphe retrouve Furtwängler, mourant, leurs histoires s'entrechoquent. Des questions surgissent entre un exilé, fils d'une mère déportée à Birkenau, et le chef qui a eu les honneurs de Hitler en personne... Comment Furtwängler a-t-il pu accepter la reconnaissance d'un régime barbare ? Dans un tel contexte, est-il encore possible de placer l'art au-dessus de la morale ?
À travers ce passé douloureux, les deux hommes vont découvrir que la musique n'est peut-être pas la seule chose qui les unit..
Wilhelm Furtwängler fut un grand chef d’orchestre, peut-être même le plus grand qui dirigea l’Orchestre philharmonique de Berlin ! Cette biographie romancée le raconte pendant la montée en puissance du nazisme jusqu’à la fin de la guerre.
Il n’a jamais voulu s’exiler, n’a jamais voulu quitter son pays, son Orchestre, ses musiciens, juifs pour les plus talentueux ! Il n’avait pas pris la mesure de la détermination des nazis et a fait preuve de pas mal de naïveté à ce niveau, ce qui ne l’empêcha pas de défendre ses musiciens et la Philarmonique. Le régime l’a utilisé à des fins de propagande alors qu’il refusat toujours de faire le salut nazi et que sa populatiré était quelque part le garant de sa survie !
La peinture faite par l’auteur de Furtwängler est très réaliste jusque dans sa relation à la musique où l’on a pu sentir ses douleurs, ses joies, les messages qu’il voulait faire passer ! Un être hyper-sensible, timide, mal à l’aise en société, tourmenté !
A t’il eu raison, a t’il eu tort ? Est-ce possible de savoir ce que d’autres auraient fait à sa place ? Comment imaginer se mettre dans la peau des personnes qui ont vécu à cette période ? Je ne m’autoriserais pas une jugement à ce sujet !
Ce que j’ai beaucoup moins aimé, c’est le langage franchement trop familier qui est utilisé régulièrement et qui enlève de la véracité au récit ! Quant aux personnages créés pour l’occasion, s’il n’y avait pas eu la fin romantico-rocambolesque, je les aurais bien mieux appréciés même si je n'ai pas vraiment compris l'intérêt qu'ils représentaient dans cette histoire !
#BerlinRequiem #NetGalleyFrance #rentreelitteraire2021
Que peut un artiste, un intellectuel, une sommité face à la barbarie d’un régime totalitaire ? Xavier-Marie Bonnot tente de répondre à cette question en mêlant dans ce roman des éléments historiques, tels que les relations du chef d’orchestre du Philarmoniker de Berlin Wilhelm Furtwängler avec le régime nazi et ses dignitaires ; et par l’introduction de personnages totalement fictifs, Rodolphe Meister, fils d’une célèbre cantatrice Christa Meister. Tous trois sont nés à Berlin, se connaissent et se fréquentent, à tel point que le jeune Rodolphe, musicien lui-même, envisage secrètement d’égaler Furtwängler et de le remplacer, si le destin lui sourit. Mais dans ce récit, ce qui est abordé , c’est la question du rapport de l’art et du pouvoir politique .Ainsi , une conversation entre le Führer et le célèbre chef d’orchestre est-elle évoquée au début du roman : les divergences sur le pouvoir de la musique apparaissent :pour Hitler, c’est faire de la musique le « guide de tout un peuple » ,pour Furtwängler, la musique agit autant sur la raison que sur les sentiments .A la fin de cette conversation, le maestro trouve Hitler commun et médiocre : « Cet homme a une multitude d’idées marginales et fort conventionnelles sur l’art .Sa médiocrité m’aurait effrayé si je n’avais pas été persuadé que jamais il ne parviendrait au pouvoir », note-il dans son carnet.
En fait, Xavier-Marie Bonnot ne se contente à aucun moment de décrire Wilhelm Furtwängler comme un homme hors de son temps, un individu isolé complètement inconscient de ce qui se passe autour de lui. Au contraire : il n’ignore pas les persécutions antisémites mises en route par le régime nazi dès sa « prise de pouvoir : Fritz Busch est arrêté en pleine répétition, Bruno Walter, d’origine juive, ne peut plus diriger le Gewandhaus de Leipzig. Le jour de l’incendie du Reichstag, Furtwängler se rend compte du subterfuge faisant accuser un communiste hollandais et prétexte à une future répression.
L’auteur éclaire en fait les capacités de la culture à résister à la barbarie .Ainsi, le jour du 3 mai 1935 , un concert est donné devant les plus hauts dignitaires nazis parmi lesquels Hitler, Goebbels, et Goering .Le maestro se concentre sur la future exécution de la Neuvième Symphonie de Beethoven , dont le message , un hymne à la fraternité humaine et à la joie , est en complète contradiction avec l’idéologie nazie .Un collaborateur du maestro lui suggère une parade pour ne pas faire le salut nazi : « Tenez votre baguette dans votre main droite, quand vous saluerez. De cette façon, vous n’aurez pas à faire le salut nazi. »
On trouve dans le roman d’autres réflexions sur la musique, sur le pouvoir de la culture, réel ou supposé. La partie fictionnelle du roman est une bonne illustration du pouvoir de l’exemplarité d’un modèle : Rodolphe Meister accède à la maturité, à la maîtrise de son art par la fréquentation du maestro, par des dialogues sur l’interprétation, sur les performances d’autres chefs d’orchestre comme Toscanini. En refermant ce beau roman, les lecteurs attentifs à la problématique des relations entre art et politique éprouveront la sensation marquée qu’une œuvre vient d’être ajoutée à cette thématique et qu’elle sera citée…
Il est de ces titres qui semblent être plein de promesses à offrir, celui-là en fait partie. En septembre, les éditions Plon proposent ce tonitruant roman, un savant mélange d'histoire et musique, de fiction et de réalité, personnages authentiques et d'autres inventés, l'horreur comme la beauté absolues, le pire comme le meilleur. Si dans Le saut d'Aaron, Magdalena Platzova emmenait l'Art au sein des camps, c'est la musique ici qui fait son chemin jusque dans les chambres de l'enfer de Birkenau.
Si le compositeur et chef d'orchestre allemand Wilhelm Wagner est très malheureusement connu pour avoir été la figure de proue du IIIe Reich, l'antisémitisme dont il a pu faire preuve, ayant probablement facilité la récupération du régime, il ne faut oublier Bruckner et Beethoven, ou bien encore Wilhelm Furtwängler, qui dirigea l'orchestre philharmonique de Berlin, l'un des plus prestigieux orchestres du monde. Wilhelm Furtwängler a quant à lui été jugé après-guerre lors d'un procès de dénazification, a été innocenté mais sa collaboration passive lui est toujours resté collé à la peau - justement ou injustement, d'autres furent dans une meilleure position que moi pour le juger. Pourtant Wilhelm Furtwängler, l'homme qui dirige ce roman-orchestre, tient lui-même la place clef des Opéras dans lesquels il officia, lui le chef d'orchestre, consacré, admiré, adulé par les siens, par Hitler, puis relégué avec la lie de l'humanité. Xavier-Marie Bonnot explore la figure de cette figure incontournable en matière de musique classique occidentale par le biais d'une fiction dont on ne saurait se détacher avant d'en connaître la toute fin.
Du côté de la fiction, Rodolphe Meister, le chef d'orchestre en devenir, et sa mère la cantatrice, contribuent à entretenir le mythe Furtwängler, et comprendre la dimension inégalée de cet homme, musicien qui créé, joue et fait retentir la musique à un point jamais atteint avant lui, ce rapport presque transcendantal qu'il entretient avec sa muse. La figure de la mère qui chantât sous sa direction et du fils qui s'engage dans la même voix que ce lointain mentor s'inscrivent en contradiction avec le chef d'orchestre, dans la mesure où ils fuirent l'Allemagne nazie. Cette décision permet de comprendre la gravité du choix qui fut le sien, celui de conserver sa place au Philharmonique de Berlin, quitte à en payer chèrement le prix, après coup. Là ou la réalité s'arrête, la fiction continue, Rodolphe se pose dans la directe lignée musicale de Furtwängler, mais à sa différence, il connaît aussi la difficulté d'être juif, de passer par les camps, d'en ressortir, miraculeusement surement, mais entièrement broyée. Comment la musique aussi belle et puissante soit-elle pourrait-elle être à la hauteur d'une annihilation aussi minutieuse et glaciale de l'être humain. Rodolphe ne sait pas - encore - la musique comme Wilhelm Furtwängler, mais Rodolphe sait les camps et le silence qui en ressort.
Une question importante, centrale, se pose découlant des décisions et des agissements du chef d'orchestre. Placer la musique au-dessus de tout, et de l'homme, est-elle une attitude acceptable éthiquement ? Si c'est la posture qu'il adopte, qui lui vaudra les critiques justifiées de ses contemporains, Thomas Mann pour ne citer que le plus grand, un procès après-guerre, il n'en reste pas moins qu'il y croit à son absolutisme en cherchant une posture impossible à tenir, celle de se détacher des positions du régime tout en étant l'un de ses maillons les plus essentiels, cette façade de culture germanique supérieure que ces petits hommes cherchaient à entretenir. La musique, accordée du son de chacun des instruments qui composent l'orchestre, donne clairement le la à ce requiem, ce choix funeste, cette tragique incapacité à renoncer à ce qui fait son identité, sa musique, plutôt qu'au refus de cette politique de l'horreur et de la destruction infâme, le refus de la paix de son âme.
La musique me semble être ici un moyen pour essayer de mettre le plus de recul possible entre la guerre et le présent pour Rodolphe, une bulle pour se protéger pour Wilhelm Furtwängler. Parler du destin de ces trois personnages, c'est aussi utiliser le langage musical, le mieux à même de donner un sens au choix intenable du chef d'orchestre, à la direction qu'a pris Rodolf ainsi que celui de sa mère, qui a donné son chant du cygne à Birkenau. On ne pourrait pas mieux dire que Weimar a tué la Musique, en donnant à Wagner comme à Wilhelm Furtwängler une part de culpabilité inaliénable, en exterminant les musiciens juifs, en étouffant les voix pourtant puissantes des chanteurs d'opéra. L'artiste raté à la moustache atrophiée a jeté le voile de sa médiocrité sur tout ce qui constituait les grandes pointures de la musique allemande, tout comme il l'a fait avec la littérature. Mais l'Artiste, en général, a de la ressource, l'essence de son être est de créer, contrairement au petit Adolf qui a passé sa vie à détruire, et c'est peut-être Rodolphe, en charge d'entretenir, de cultiver, et transmettre le génie de son mentor, qui est l'instrument de ce renouveau.
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