"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Jeanette Garland : disparue à Castleford en juillet 1969.
Susan Ridyard disparue à Rochdale en mars 1972. Clare Kemplay vient de disparaître à Morley. Elle revenait de l'école, elle n'est jamais rentrée chez elle. Son cadavre sera bientôt retrouvé dans une tranchée sur un chantier de construction. Nous sommes en 1974, dans la région de Leeds. Noël approche. Edward Dunford reporter criminel à l'Evening Post est encore un néophyte qui fait ses premières armes dans l'ombre du journaliste vedette de la rédaction, Jack Whitehead.
Au volant de la vieille Viva de son père, qui vient de mourir, Edward Dunford sillonne les routes de l'ouest du Yorkshire à la recherche d'indices susceptibles d'éclairer ces trois disparitions d'enfants. Sont-elles liées ? Eddie en est persuadé. Au départ, il croit seulement chasser le scoop qui lui permettra de coiffer au poteau Jack Whitehead ; mais plus il enquête, plus il découvre que les ramifications de l'affaire sont multiples.
Bien des choses sont pourries au royaume du Yorkshire : policiers corrompus, entrepreneurs véreux, élus complices... Partout, les hommes de pouvoir protégent leurs turpitudes et ce, à n'importe quel prix. Y compris celui de la vie humaine. Ce premier roman a fait grand bruit en Angleterre lors de sa parution en 1999. La presse, britannique et américaine, a salué un romancier et un écrivain d'exception, s'inscrivant dans la tradition de Robin Cook, mais aussi de James Ellroy.
L'auteur, qui est lui-même originaire du nord de l'Angleterre et vit aujourd'hui au Japon a l'ambition d'être le chroniqueur du Yorkshire des années 70-80, comme James Ellroy a été celui du Los Angeles des années 50. Ce roman est le premier du " Red Riding Quartet ". Il sera suivi de 1977, 1980 et 1983.
La vérité sous forme de mensonge, le mensonge sous la forme de la vérité, voilà ce que j’ai écrit.
Ça faisait longtemps que j’entendais parler de la quadrilogie Le quatuor du Yorkshire de David Peace. Un ami m’a dit « c’est très dur et ça te fais te poser des questions ». Après quelques années de lectures de polars, il était évident que je devais découvrir cet auteur. J’ai tenu entre mes mains un polar époustouflant, ultra violent, dur, impitoyable, avec un personnage central unique, narrateur de cette histoire, et qui nous fait plonger parmi les autres protagonistes.
Pourquoi ce polar est différent ? parce que tous ses aspects sont tous aussi travaillés et efficaces les uns que les autres et surtout parce que cette histoire est intemporelle.
Parlons du décor. Nous sommes en décembre 1974. Le climat politique britannique est très sombre. L’IRA terrorise l’Angleterre, les prix flambent, la misère s’installe définitivement parmi la population des mineurs. Il fait froid, humide, sombre. Le roman se termine le 24 décembre 1974, je l’ai terminé exactement 44 ans plus tard alors que les prix flambent, que le peuple tente de se soulever contre une misère grandissante parmi les moins riches.
Parlons de la trame de l’histoire. Une petite fille de 10 ans est enlevée, torturée, violée et assassinée. Un journaliste, Edward Dunford, remonte la piste de deux autres fillettes assassinées dans la même région. Petit à petit, les médias effacent ces petites victimes au profit du sport et des articles économiques. Edward, lui, ne renoncera à aucun prix.
Dans quel monde nous vivons.
On massacrait des enfants et tout le monde s’en foutait.
Mais, par-dessus tout ça, Peace dénonce aussi la vénalité, la corruption, la cupidité et, dans une scène fantastique, l’extorsion d’aveux lors d’un interrogatoire totalement illégal par des policiers. Alors, oui, tout cela reste de la fiction officiellement, mais cela nous amène à nous interroger sur les présumés coupables qu’on nous sert à longueur d’année dans les médias, quand on voit les agissements de certains représentants des forces de l’ordre et, parfois, leurs mises en examen.
Pour la première fois, mes prières ne furent pas pour moi, mais pour tous les autres, et je priais pour que toutes les choses qui étaient dans tous mes carnets, sur toutes ces bandes, dans toutes les enveloppes et les sacs qui se trouvaient dans ma chambre, pour que rien de tout ça ne soit vrai, pour que les morts soient vivants et les disparus retrouvés, et pour que toutes ces vies puissent être revécues.
En lisant Peace, nous perdons peut-être nos dernières illusions.
Ce qui est certain c’est qu’après l’avoir lu, on se dira qu’on n’avait jamais vraiment lu de polar et que tous les autres perdent de leur saveur.
Je ne lirai pas les trois autres en suivant, voulant savourer cette plume précise, brutale aussi, sans fards, je l’étalerai sur l’an prochain, me refaisant un petit shoot de Peace de temps en temps, histoire de me rappeler pourquoi le Noir est ma couleur littéraire de prédilection.
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