Blanche vient de perdre son mari, Pierre, son autre elle-même. Un jour, elle rencontre Jules, un vieil homme amoureux des fleurs...
Un superbe roman graphique construits en 4 saisons, dans lesquelles quelques pages de l’histoire et des légendes du Japon viennent s’intercaler. Rosalie, passionnée depuis toujours par les mangas et le Japon décide de partir pendant un an dans ce pays qui la fascine.
Automne, elle arrive à Oichi dans une maison d’hôtes qui accueille les jeunes femmes en échange de quelques travaux. Elle y fait des rencontres passionnantes. Mais une expérience déroutante et troublante avec un maître des lieux beaucoup trop entreprenant la force à quitter la place pour sa sécurité. Au Japon comme ailleurs, les hommes peuvent avoir une étrange façon de considérer les femmes.
Elle vivra ensuite plusieurs expériences dans différentes villes.
Hiver, elle est à Tokyo où elle travaille dans un bar la nuit, et partage une collocation avec Nao, une jeune japonaise. Là aussi, la relation avec les hommes s’avère directe et sans délicatesse. Et l’alccol coule souvent à flots, changeant ses habitudes.
Printemps, elle est à Kyoto. Une ville d’un autre temps, comme un décors de cinéma qui rappellerait l’ancien temps mais qui est constamment envahie de touristes. Là elle apprécié la beauté des lieux, la sérénité qui en émane, malgré quelques nuits à la belle étoile dans les jardins publics, mais comment ne pas aimer la magie d’un réveil sous une pluie de pétales des cerisiers en fleurs.
Été, 10 mois après le retour en France, Rosalie retourne au Japon. Ce sera Tokyo à nouveau. Hébergée par son ami Yusuké, suite à l’annulation en dernière minute de l’auberge qui devait l’héberger, là aussi en échange de quelques travaux. Elle y découvre la vie dans les Danchi, des immeubles aujourd’hui vétustes, construits en masse après guerre. Elle retrouve son amie Nao, mariée un peu plus par obligation que par choix. Car à son age, les jeunes femmes se doivent d’être mariées, sinon c’est compliqué. Mais au Japon, il est de bon ton de rester entre hommes après le travail et de boire de l’alcool, beaucoup d’alcool. Bien mieux que de s’occuper de son foyer et de son épouse. La vie de couple est très décevante pour cette jeune femme. Qu’il est difficile de comprendre ces habitudes et ces façons de faire, ce sexisme que l’on retrouve partout, dans ce pays où les hommes se donnent parfois tous les droits sur les femmes.
Enfin, son périple prend fin après cinq semaines de voyage en stop. Un habitude peu répandue dans le pays, mais qui pourtant se déroule de façon satisfaisante pour Rosalie. C’est une chance de découvrir d’autres régions, d’autres japonais, d’autres façons de voir.
Alors le Japon, amour ou déception, difficile de le dire, ce qui est sûr c’est que c’est un mélange entre les deux. Si le pays fascine, il peut parfois rebuter ceux qui l’appréhendent au début.
J’ai particulièrement aimé ce roman graphique tout en subtilité et très révélateur des contradictions que peut inspirer ce pays pour une jeune femme d’aujourd’hui. Les dessins, les chapitres en saisons, les récits qui s’intercalent entre chaque saison sont là pour raconter l’histoire et l’âme du Japon. L’autrice réussi à faire passer une ambiance, qu’elle soit chaleureuse ou pas, en quelques traits, et tout en noir et blanc, nous sommes plongés dans les scènes décrites. J’ai apprécié aussi la sobriété mise à décrire les scènes les moins faciles à retranscrire, comme par exemple avec ce visage qui n’est jamais défini pour parler de Yoji-San, le premier personnage rencontré, tout est fait avec pudeur et sincérité.
https://domiclire.wordpress.com/2023/11/18/shiki-4-saisons-au-japon-rosalie-stroesser/
Rosalie Stroesser, par cette première bande dessinée revient sur sur plus d'an de vie au Japon.
Très imprégnée par une image d'épinal de la culture nippone, le retour à la réalité va être pour elle très violent et traumatisant.
La confrontation de son image et ses attentes à la projection réelle des personnages ne fonctionne pas du tout comme un miroir réfléchissant, mais plutôt un miroir sans tain derrière lequel se cachent les reflets les plus sombres du Japon. La vision de la femme, vision très patriarcale, et les violences qui en découlent. A cet égard, l'idée de ne pas donner d'image à son agresseur a l'effet escompté. A la lecture d'une interview très instructive sur ce roman graphique (https://www.citebd.org/neuvieme-art/dans-latelier-de-rosalie-stroesser) l'auteur explique que cette démarche lui a été recommandée par une amie. L'effet est saisissant et cela crée dès les premières pages une montée en tension crescendo. Il faut ajouter les cases qui suivent l'épisode du viol où Rosalie disparaît d'un point de vue graphique ce qui signifie pour elle une "perte de substance" (cf article cité plus haut). Cela démontre que le dessin a parfois plus de puissance que les mots. Tout est dit. D'ailleurs, la reprise en substance "progressive" (qui ne signifie en rien la disparition du traumatisme) permet une transition vers d'autres aspects de son vécu au japon. Un exemple de résilience par le dessin. Divers événements jalonneront son parcours et seront une autre confirmation d'un problème structurel au sein de la société japonaise par rapport aux femmes.
Indépendamment de ces aspects, l'auteur nous emmène sur de nombreux chemins de pensée : la confrontation des cultures, les dangers de l'idéalisation, le débat entre vision de la nature et nature dans la culture, lesquelles notions peuvent rentrer en opposition.
Ce roman graphique m'a vraiment captivé sur plusieurs points : la vision nuancée de l'auteur et cette capacité remarquable à fragmenter ses expériences positives, très positives, négatives ou traumatisantes. En fin de compte, on perçoit toute l'ambivalence de sa relation avec le Japon et de sa difficulté à exprimer simplement un vécu si complexe. De façon un peu simpliste, cela me fait penser à ce "je t'aime moi non plus".
J'apprécie l'effort de pédagogie qui a été fait : traductions japonais-français, "pages de parenthèse" explicatives sur certains récits fondateurs ou emblématiques du japon, ...
Le dessin est vraiment magnifique, Un immense majorité de noir et blanc et l'irruption très ponctuelle de planches en couleur. Pour une première BD, il y a une maîtrise technique et une sensibilité qui forcent le respect. Bravo !
"Lu dans le cadre du Prix Orange de la BD 2024. Je remercie Lecteurs.com ainsi que les Editions Virages graphiques pour cet envoi. "
Shiki est la première bande dessinée de Rosalie Stroesser qui raconte sa propre histoire, celle d’une jeune femme d’une vingtaine d’années qui a toujours été passionnée par le Japon. Après ses études en illustration et bande dessinée, elle décide de s’installer un an là-bas en pensant que ce pays est sa terre promise. Mais elle se retrouve rapidement confrontée à la réalité du Japon qui n’a rien à voir avec la vision idéalisée qu’elle en avait, notamment sur le plan du sexisme insidieux qu’elle a vécu.
Ce roman graphique parle de la relation un peu compliquée, tout en contradiction, entre nostalgie et fascination, qu’a rosalie avec ce Japon, où, blessée par les violences qu’elle subit en tant que femme dans cette société très patriarcale, elle ne peut malgré tout s’empêcher de revenir.
C’est avec lucidité et une grande sincérité que cette jeune femme nous livre son expérience avec parfois des passages terribles mais aussi de grands moments de contemplation et de bonheur.
L’illustration tout en noir et blanc, ponctuée de magnifiques planches de couleur, d’une infinie douceur, tout en délicatesse, pleine d’élégance et de sobriété, nous accompagne tout au long des 317 pages de cette ode au Japon.
Lu dans le cadre du Prix Orange de la BD 2024. Je remercie Lecteur.com ainsi que les Editions Virages graphiques pour cet envoi.
Dans ce roman graphique, nous suivons Rosalie durant toute une année passée au Japon. Fan de mangas, fascinée par ce pays, elle vient passer un an pour visiter et travailler, de façon parfois précaire (cuisine dans une chambre d'hôtes, barmaid à Tokyo). Au fil du temps et des rencontres, l'image idéalisée du pays commence à s'écailler et elle nous en fait découvrir des aspects moins reluisants et nettement plus glauques que le côté "kawai" ("mignon") des personnages de manga : beaucoup d'alcool, le comportement des hommes à son égard (certaines planches mettent très mal à l'aise et on anticipe avec inquiétude ce qui va lui arriver). Et pourtant, la fascination est telle que non seulement elle décide de rester et même d'y revenir quelques mois plus tard.
Je ne me suis pas vraiment attachée au personnage de Rosalie, peut-être ses réactions, son côté très "bohème" voire imprudent qui m'agaçaient parfois. En revanche, j'ai apprécié les beaux intermèdes entre chaque saison, qui racontent des légendes japonaises et sont illustrés à la façon d'estampes.
Les planches en noir et blanc, parfois en grand format, nous immergent complètement dans les paysages japonais, que ce soit en ville ou dans la campagne.
Cette ambivalence, attraction-répulsion par rapport à ce pays, on le trouvait déjà à certains égards dans le "Stupeur et tremblements" d'Amélie Nothomb.
(BD lue dans le cadre du prix Orange de la Bande dessinée, merci aux éditions Rivages graphiques pour leur envoi !)
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