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La jeune fille qui rêvait de liberté
Dans un émouvant roman, Michel Buti raconte le déclin de la mécanique de précision dans le Jura vaudois et l'emprise de l'administration sur les « déviants » à travers le destin de Jana, fille d'immigrés assoiffée de liberté.
« Le train sort du premier tunnel et l'atmosphère change : les épicéas, les sycomores sur les crêtes allongées et parallèles se détachent soudain dans un ciel plus pâle, plus lumineux et plus profond. On a vraiment l'impression d'être aspiré vers le haut. Puis, quand le regard se porte sur l’épaisseur des forêts sombres, sur les roches dégarnies, on est aussitôt ramené sur terre. » Il m'est arrivé à plusieurs reprises de prendre ce train qui relie Yverdon-les-Bains à Sainte-Croix et de grimper ainsi le long des contreforts du Jura pour rejoindre l'ancienne capitale de la boîte à musique, qui abrite aujourd'hui encore quelques entreprises de mécanique de précision. Mais l'heure de gloire de la localité est bien loin. C'est au tournant du siècle précédent que les usines de boîtes à musique ont fait la réputation du village et entraîné son essor économique avec l'arrivée d'entreprises produisant phonographes et gramophones, les machines à écrire Hermes, les radios Thorens ou encore les caméras Paillard-Bolex. C'est dans ce fleuron industriel que travaille Rocca, venu d'Italie dans les années 1950 pour tenter sa chance dans le Haut Jura Vaudois.
L'ouvrier consciencieux est très vite apprécié, obtient son permis de séjour et peut faire venir sa femme en Suisse. Elle mourra après avoir mis au monde Ivo, un enfant que la communauté italienne prendra sous son aile jusqu'à l'arrivée de Máša, tchèque de Moravie.
Un jour de grand froid, elle est littéralement jetée de voiture et finit dans l'épaisse couche de neige. Le hasard veut que Rocca croise son chemin, qu'il vienne à son secours, lui paie un hôtel pour quelques jours.
Ils finiront ensemble et quelques mois plus tard Máša mettra au monde une petite Jana. Avec son demi-frère, la fillette va grandir dans cette nature généreuse mais aussi rude, l'hiver s'installant quasiment d'octobre à mars. Esprit indépendant et frondeur, elle ne va pas vouloir se fondre dans le moule assez rigide de la petite communauté. On raconte qu'elle court à moitié nue dans la forêt, qu'elle se vautre dans les fourmilières, qu'elle refuse la discipline scolaire. Une soif de liberté qui ne va pas plaire aux services sociaux qui vont décider de la placer dans un pensionnat à Grandson, au grand désarroi de ses parents et plus encore d'Ivo. Chaque semaine, il viendra rendre visite à Jana. L'aidera à prendre la fuite avant qu'elle ne soit rattrapée et envoyée "aux fins d'éducation" dans un établissement de Suisse alémanique qui a tout d'une prison.
Tout ça parce que, respectueux des autorités comme de ses patrons, Rocca a signé un papier. "Papa l’a fait parce qu'il a peur. Il a toujours peur en fait, je crois. Tu sais, le regard dirigé vers le sol, fuyant quand il croise quelqu'un d’important. En tous les cas, plus important que lui, des gens qui ont réussi, avec du pouvoir. Il a le regard de ceux qui savent à l’avance qu'ils seront toujours perdants."
Face à une administration tentaculaire et à ses petits chefs, le combat pour faire revenir Jana est inégal, car à l'époque il était possible d'arracher des enfants à leur famille "aux fins d'éducation". Des mesures arbitraires qui auront souvent un résultat inverse à celui proclamé.
Mais cette fois, l'auteur nous offre une autre issue dans un final que je vous laisse apprécier.
En replongeant dans cette histoire, Roland Buti poursuit son exploration de la Suisse de l'après Seconde Guerre mondiale. Après la fin de la paysannerie avec Le Milieu de l’horizon (2013) et déjà l'immigration avec Grand National (2019), il dénonce cette fois une pratique qui n'a pris fin qu'à la fin du siècle passé et a causé des dommages irréparables dans bien des familles. Et rend à nouveau hommage aux immigrés venus contribuer à la prospérité d'un pays qui s'en méfiait. Un autre habitant de Sainte-Croix, le chanteur Michel Bühler (décédé en 2022), leur consacrera son quatrième album. Sorti en 1976 et sobrement intitulé Immigré, il offre un complément sonore au roman :
"Leur faudra du cœur à l'ouvrage
Et puis apprendre à dire oui,
C'est pas par plaisir qu'ils voyagent.
Ce qu'ils sont, ce qu'ils pensent,
Ça n'a pas d'importance,
On ne veut que leurs bras.
Et tout ça est normal"
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici ! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre et en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.
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J’ai reçu des Editions Zoé, sises à Carouge dans le canton de Genève, un roman de Roland Buti "Le milieu de l’horizon". Après l’Ajar – collectif de jeunes romanciers – auteur d’un premier roman remarqué "Vivre près des tilleuls", Mélanie Richoz "J’ai tué papa", Lolvé Tillmans "Les Fils" et Tiffany Jacquet et son "Enfant du placard", j’ai le plaisir de retrouver cette littérature romande que j’affectionne particulièrement. Je remercie infiniment la maison d’éditions Zoé pour ce merveilleux moment de lecture.
Auguste – plutôt appelé Gus – jeune garçon de 13 ans nous narre l’été 1976 et sa terrible canicule. Il vit dans une ferme du canton de Vaud avec sa mère, son père et sa sœur aînée Léa, sans oublier Rudy, jeune homme "différent", recueilli par ses parents et qui aide aux travaux de la ferme. Il y a les vaches mais aussi une poussinière dans laquelle sont élevés des poussins qui seront vendus à l’âge adulte. Hélas, sous cette chaleur tout va partir en lambeaux.
Roland Buti nous raconte l’histoire de cette famille ordinaire et, comme toujours chez les auteurs romands, j’ai aimé cette faculté de transformer la grande simplicité de l’écriture en un roman parfaitement construit. J’ai aimé les descriptions fouillées et très imagées des lieux : "Les orages de l’été de 1976 ont battu une terre cuite et recuite. Ils ont haché menu des plantes épuisées par une longue lutte contre la sécheresse de l’air." J’ai aimé l’étude approfondie de chacun des personnages, les personnalités abordées pudiquement, les émois décrits subtilement, les amours effleurées délicatement. J’ai aimé la drôlerie de certaines scènes : "Shérif (c’est le chien) s’est relevé en s’ébrouant, avec calme, avec l’assurance d’un vieux routinier pour qui perdre connaissance et se réveiller sous la douche était désormais une habitude." Pourtant, il y a dans ce roman, une forme de tragédie latente, beaucoup de tristesse : celle de Gus au départ de sa mère : "Maman avait vingt et un ans lorsque je suis né. J’avais maintenant treize ans ; elle nous abandonnait… comme si toute la vie passée avec nous avait été une erreur, une parenthèse hors du temps.", celle de son père face aux dégâts liés à la chaleur, les poussins morts, les terres brûlées de soleil. Et ce n’est pas la pluie, un jour, trop tard, trop violente, qui pourra réparer. Et l’enfance de Gus s’en sera allée.
Ce récit, je l’ai lu le cœur serré mais les yeux émerveillés. Oui, c’est un très beau roman.
J’ajouterai une mention spéciale pour la version poche des Editions Zoé. La couverture de ce tout petit livre, dans les tons écrus, noirs et vert anis agrémentée d’une photo en noir et blanc, est du plus bel effet et reflète parfaitement le sujet abordé.
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