"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Le passé ne meurt jamais. Il n’est pas même passé. » William Faulkner, Le bruit et la fureur.
Une belle et spéculative leçon de littérature.
Original, émouvant, précieux, « Taxi-Thérapie » est un roman bercé d’empathie et d’intimité.
« Une sorte de secret s’installe avec ce chauffeur qu’on ne reverra jamais. »
César est un chauffeur de taxi. Il est son propre maître. Son taxi rouge vif est atypique. Un antre exutoire où les clients libèrent leurs paroles, confidences vitres baissées. Les délivrances manichéennes, d’ombre et de lumière. On aime d’emblée cette Mercedes magnétique, habitacle qui coopère avec César, les mots paravent. Les kilomètres de déambulation, qui de la Gare Saint-Lazare, Gare du Nord, Place des Invalides, etc , arriment les parcours de vies, les turbulences, les frustrations. Le poids lourd des existences, sur la banquette arrière. César tel un miroir cherche lui aussi ses propres réponses. Il prend son rôle au sérieux.
« César tenait à avoir des cartes à son nom qui mentionnent sa spécialité et l’heure du premier rendez-vous, en anglais pour faire international. »
César a des principes. Il imite avec brio les grands psychanalystes, qui de Freud, de Lacan, de Dolto, de Socrate… Il note sur un carnet des références de ses pairs. Ces dernières resurgissent au gré des séances voyageuses, selon les circonstances ou par opportunisme.
L’Argentine en toile de fond. César est un enfant né à Buenos-Aires en 1973. Enfant volé sous la dictature Videla. Il a retrouvé sa grand-mère Maria Carmen à 19 ans. On entend les voix de ces grands-mères chaque jeudi sur la Place de Mai (Plaza de Mayo) encore maintenant. César est d’ubiquité, un être égaré face à la perte de lui-même. Il porte un nœud papillon à l’instar de son mentor et alter-ego, Osman Khalan. Les ombres passées tourmentent encore son esprit. On aime de toutes nos forces sa ténacité. Ceux qui franchissent « son taxi-mobile » sèment des paroles qui s’envolent et se collent sur le pare-brise.
« Heureusement, se disait-il que j’ai ma Mercedes. Elle était un compagnon honnête et loyal de tous les instants...sauf ennui mécanique la relation n’était jamais remise en question. »
César est seul et veuf. Sa jeune femme argentine décédée brutalement d’une méningite dès son arrivée en France. Le carnet dont il s’inspire est alliage de ces êtres qui ouvrent la porte de sa Mercedes comme celle d’un cabinet de psychanalyse.
Ce roman puissamment alerte, vivant et de constants mouvements, est un tour de force. Dans un même tempo les miscellanées, une noria existentielle.
Une semaine durant, avec César, Aymé, l’Américain, Jeanne, Estelle, etc, cercle infini des mansuétudes et des reconsidérations.
« Tout le monde n’a pas la chance de naître orphelin. » Osman Khalan.
« Un enfant n’a jamais les parents dont il a rêvé. Seuls les enfants sans parents sont des parents de rêve. » Boris Cyrulnik.
Lisez ce roman-périple. L’écoute angulaire de César le magnifique et fragile. Les séances deviennent nos regards et nos interrogations, nos doutes et nos espérances. Les névroses, les craintes et les dénis. Les jugements et les erreurs d’aiguillage. Sans pathos avec de la lumière plein les yeux et des bouquets de tendresse . Car oui, César est magnanime. La douceur d’une écriture surdouée de Philippe Brenot remarquablement intuitive est initiatique. Ce roman sensible, magnifiquement dévoilé est le fronton des quêtes en advenir. Salvateur et bienfaisant, fascinant, il voit dans la nuit noire. Il révèle le monde des intériorités blessées dans leur chair.
Je ne prendrai plus jamais le taxi de la même façon. Un récit qui prend soin de vous.
C’est un livre cinématographique, un Taxi-Thérapie prodigieux. Publié par les majeures éditions Serge Safran éditeur.
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