"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Roman d’espionnage et d’histoire contemporaine absolument réjouissant. Extrêmement documenté même si je ne saurais pas dire ce qui est de la vérité ou de la fiction, il se lit sans s’arrêter, avec avidité. Michel Dresch pose des questions qui mettent le doute en nous : certes, Mitterrand a fait entrer des communistes au gouvernement au grand dam des Etats-Unis de Reagan et de l’Angleterre de Thatcher, mais il est troublant de se remettre en mémoire qu’il n’a jamais contesté une décision étasunienne, engageant même la France dans la guerre du Golfe. La thèse défendue par Aurélie est osée mais elle se tient. Elle nous replonge dans la France des années 80/90, de l’histoire contemporaine donc, ce qui, pour les lecteurs de ma génération est un vrai plaisir, né au mitan des années 60, sous de Gaulle, mon premier vote à une élection présidentielle fut pour Mitterrand, ça marque. Mais évidemment, ce roman n’est pas fait uniquement pour nous les - très récents- quinquagénaires, les plus jeunes et les plus anciens peuvent aussi s’y sentir très bien.
Michel Dresch est habile, il nous balade dans Paris et alentours et dans les services de police et d’espionnage, une dose d’espionnage ici, une de meurtre là et le tour est joué, le lecteur est ferré définitivement. Son récit est vif, construit en chapitres assez courts qui alternent les points de vue, accessible, la langue est fluide non exempte d’un certain humour :
"Emma, qui estimait que son mari était un des meilleurs experts de la place en matière de politique étrangère, l’avait interrogé sur les révolutions arabes. Trighton lui avait confié un scepticisme de bon aloi puis il était allé grignoter et siroter un verre de lait dans la cuisine. Manger du pop-corn et boire du lait avant de se mettre au lit, c’était une habitude américaine, une habitude de l’Amérique profonde." (p.29)
Le romancier sait aussi accélérer son histoire pour lui redonner de l’énergie, ménager ses effets et ne pas hésiter sur les rebondissements ; tout pour plaire et passer un excellent moment.
Cohen& Cohen ne fait pas que la série Art Noir –dans laquelle l’auteur à publié Le plasticien- Rien que des soupçons, cet excellent roman à ne pas rater fait partie de la collection Bande à part.
Comme vous l'avez sûrement compris et déjà lu sur le blog, la collection Art Noir de chez Cohen&Cohen mêle adroitement polar et art. Cette fois-ci, Michel Dresch situe son histoire en plein milieu du monde de l'art contemporain. On y parle installations, rentabilité, vente, cote, ... et si l'artiste aspire à d'autres moyens d'expressions on lui fait savoir que ce qui se vend c'est ce qu'il fait actuellement, le plus facile, le plus accessible qui est également le travail dans lequel il met le moins de lui-même. Ce n'est pas très reluisant, l'auteur explique comment faire monter une cote artificiellement -et non pas la côte que l'on monte réellement, pouf pouf- , comment des galeristes se sont retrouvés ruinés lorsque leur stratagème n'a pas fonctionné et comment parfois, une bonne idée déclinée jusqu'à la caricature peut rapporter à l'artiste et au galeriste. Cela, je le savais un peu pour avoir visité une exposition d'un artiste local et assez reconnu qui peint toujours les mêmes thèmes, jolis certes, mais répétitifs, et chaque visiteur de s'exclamer sur la beauté, les couleurs, ... alors qu'au bout de cinq, six, sept,... petits formats j'avais la sensation d'avoir fait le tour de son œuvre ; mais bon, il vend !
Tout n'est pas glauque dans le monde de l'art, Michel Dresch parle aussi de la création, de la volonté de créer, de changer, notamment lorsque Kovacs revient à la peinture, et même si le sujet est plus abordé que traité, j'avoue qu'il ne me déplairait pas d'accrocher chez moi l'une des toiles décrites.
Et l'intrigue dans tout cela, eh bien, elle suit son cours tranquillement, un peu comme les méthodes du commissaire Joubert. On peut deviner assez vite le nom du (ou de la ou des) coupable voire même ses motifs d'action -ce que j'ai fait- et lire cette histoire jusqu'au bout avec grand plaisir, notamment grâce au contexte décrit plus haut, mais aussi grâce aux personnages créés par l'auteur : Kovacs, Johana la maîtresse, Axel l'ex-mari, Marie-Paule la nouvelle maîtresse, Lassus le galeriste, les autres peintres, les flics, mais surtout les cinq premiers nommés et les relations entre eux. Rien n'est clair au départ entre eux tous, le mystère s'épaissira même en cours de route, l'argent, l'amour, la création la jalousie, tous ces paramètres exaltent les sentiments et les ressentiments voire les rancœurs. Un travail de Michel Dresch bien mené, dans une écriture agréable, fluide. Bref, un très bon moment de lecture. En plus, comme d'habitude le livre, une fois fermé est d'un noir absolu puisque les tranches des pages sont de cette couleur ce qui lui confère un attrait certain.
Si ce n'est pas encore fait, je vous invite à découvrir cette collection Art Noir chez Cohen&Cohen, de belles surprises vous y attendent (et même citée plusieurs fois avec lien vers son site, je n'ai aucune action dans cette maison... malheureusement).
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