Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
Je remercie Babelio, Masse Critique et les Editions L’arbre qui marche pour la découverte de ce roman. Un roman qui est plutôt un témoignage.
Lara Love est mère de quatre fils, vit dans une banlieue chic. Sa vie ressemble à celle que l’on peut voir dans les séries télévisées américaines. Sauf que Lara Love cache un lourd secret : elle souffre d’une addiction à l’héroïne. Une addiction qui devient de plus en plus onéreuse.
D’autant plus que son second mari et père de son dernier enfant âgé de 4 ans, DJ, est accro lui aussi aux stupéfiants. Leur entreprise de cimetière pour chiens est en faillite. Lara, qui perd toute notion de ce qui est légal ou pas quant il s’agit de se procurer sa drogue, se met à voler les cartes de crédit de ses voisins. Jusqu’au jour où la police débarque dans leur belle villa, arrête le couple et remet le jeune Kaden aux services sociaux.
La chute est brutale pour Lara : elle risque 27 ans d’emprisonnement et de ne plus jamais revoir ses enfants.
« La vie comme un grand huit » est le récit sans complaisance de ce qu’elle a vécu en prison, de sa honte d’avoir commis toutes ces escroqueries, de son parcours de désintoxication.
Lara Love était diplômée en littérature. Grâce à la lecture, elle va reprendre pied pendant son incarcération. Son talent d’écriture lui permettra plus tard, après bien des années de galère, de travailler dans le domaine de l’édition et avoir un destin qu’elle n’aurait pu imaginer même dans ses rêves les plus fous.
J’ai trouvé très intéressant de découvrir le parcours de cette femme ; comment on peut basculer alors que l’on a tout pour mener une vie confortable. Sa combattivité pour s’en sortir alors que le système judiciaire met des bâtons dans les roues :
» La réinsertion est un casse-tête quasi insoluble. Pour rester en liberté conditionnelle, il faut trouver un travail. Pour trouver un travail, il faut remplir un dossier et cocher la case « Casier Judiciaire », qui empêche de trouver un travail. Et si vous y arrivez quand même, il vous faudra un toit pour être à l’heure chaque matin. Mais pour avoir un toit, il faut d’abord trouver un travail. Le système tout entier est une absurdité, et pour quel résultat , les anciens prisonniers ont dix fois plus de chances que les autres de se retrouver SDF, et les SDF ont onze fois plus de chances d’être envoyés en prison. «
Lara Love se battra comme une lionne pour se réinsérer et surtout retrouver ses enfants. Sa force et sa résilience forcent l’admiration.
Bienvenue dans le Sud des Etats Unis, une nation se targuant d’être démocratique. Un pays ou malgré son abolition officielle, la ségrégation est manifestement encore en vie. Un état ou la peine de mort agit et tue encore chaque année. L’Alabama, ou depuis le rétablissement de la peine de mort en 1976, 66 exécutions ont eu lieu.
Cette histoire est celle d’un innocent condamné à mort par un système profondément raciste, puisant ces racines pendant la période esclavagiste. Un système judiciaire s’estimant être juste mais profondément inégal, que ce soit au moment de l’enquête ou au moment de la condamnation. Une institution qui même contre l’avis d’un jury, autorise un juge à prononcer la peine de mort.
Ce témoignage d’un homme qui est resté digne sans céder au désespoir est édifiant. Il faut avoir eu sacrément de réassurance et d’amour dans la vie pour ne pas s’étioler et sombrer face au traitement infâme de l’absurde.
Anthony Ray Hinton a vécu trente ans dans le couloir de la mort, il a fait face à l’incompréhensible, vécu plus d’une trentaine d’exécutions, senti la chair brûlée de ces codétenus. Parfois perdu espoir, mais a finalement toujours trouvé les ressources de choisir la vie en dépit de la mort prochaine annoncée. Cette angoisse permanente de la fin qui n’arrive finalement pas pour soi, mais pour d’autres. Le pouvoir merveilleux de l’imaginaire et de l’humour lui a accordé la résistance, et il en fallait pour vivre cet enfer et réussir à rester un homme bon et altruiste.
L’accusation, le procès et toutes les démarches y sont décortiqués. Au fur et à mesure du récit, le lecteur est noyé avec lui sous la certitude que, le système évolue peu, que la résistance au changement est encore pleine et entière. Malgré l’amoncellement de preuves attestant l’innocence, l’acharnement avec lequel aucuns des protagonistes n’a voulu reconnaître ses torts est ubuesque et profondément déprimante.
Ce récit est un véritable plaidoyer contre la peine de mort. Une demande au peuple d’affronter le pardon. La condamnation d’un système qui en plus d’être faillible, ordonne en réponse à la mort, une nouvelle mort. La dignité humaine doit être reconsidérée, le pire de nos actes ne peut pas être le destinataire d’un nouveau meurtre, même étatique. Le couloir de la mort est un lieu cruel et absolument inhumain.
Plus généralement, c’est une réflexion sur le système carcérale et ses limites qui est engagée. La prison noircie les pensées, coupable ou innocent ce n’est pas un lieu de rédemption, c’est un lieu de châtiment ou se côtoie la honte et la violence, ou en sortir indemne n’est pas une option. Un lieu où, pour survivre, il faut beaucoup lutter y compris contre soi-même. Le passage sur la lecture comme action contre l’obscurantisme et l’accession à la liberté est très beau et source d’inspiration.
Le récit n’est pas particulièrement bien écrit, la rédemption et le propos y sont également très religieux, ce qui n’est pas forcément en phase avec mes propres valeurs, mais il est fort et bouleversant, il est à crier au monde. Nous ne pouvons pas vivre sans compassion, cela ne peut qu’entrainer la destruction et la haine. La vengeance n’apaisera la douleur que ponctuellement, elle masquera simplement notre impossibilité à transformer la société et n’agira pas pour cofonder un monde plus juste.
Je suis admirative face à cet homme qui après avoir surmonté autant d’épreuves, réussi encore le tour de force, d’insuffler un souffle de vie et d’espoir.
https://unmotpourtouspourunmot.blogspot.com/2019/11/dehors-le-soleil-brille-danthony-ray.html
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Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
Chacune des deux demeures dont il sera question est représentée dans le sablier et le lecteur sait d'entrée de jeu qu'il faudra retourner le livre pour découvrir la vérité. Pour comprendre l'enquête menée en 1939, on a besoin de se référer aux indices présents dans la première histoire... un véritable puzzle, d'un incroyable tour de force
Sanche, chanteur du groupe Planète Bolingo, a pris la plume pour raconter son expérience en tant qu’humanitaire...
Des incontournables et des révélations viendront s'ajouter à cette liste au fil des semaines !