"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Pour qui n’a pas le pied marin Venise enseigne par la pratique du vaporetto l’art d’embarquer imperceptiblement ».
L’incipit est un billet en partance pour Venise. Dans l’orée d’un été en advenir « Venise à l’heure du spritz » est crucial pour celui, celle, qui désire visiter Venise. Il devrait être conseillé dans tous les guides de voyage, tant il est précieux et éclairant.
Jean-Pierre Poccioni aime Venise et l’on ressent d’emblée un fin connaisseur de cette ville, de chaque ruelle, jusqu’au plus secret enfoui ou à peine voilé. Ombres furtives, mouvements et palpitements, la culture en diapason. Venise est ici dans une mise en lumière remarquable, romancée et qui prend vie subrepticement.
Paul Manonni est à Venise avec sa femme Sylvie. Ce dernier est en voyage d’affaire. Il a un but. Une déambulation dans Venise afin de rassembler l’épars, trouver des pistes pour son scénario. Narrateur de ce récit, il fige les lieux et les vestiges. L’écriture est une image qui prend vie. On est en transmutation. « Sais-tu que tu perçois toujours autre chose dans ce que tu regardes. En es-tu conscient ?
Entrelacs dépaysants, l’ambiance du livre est posée. Entre l’impression exotique d’une lecture documentée et le mélodrame qui va advenir, ce livre est une ode aux réflexions, aux cheminements intérieurs et à leurs conséquences qui surviennent immanquablement.
Paul Maronni va se disputer avec sa femme. On a l’impression d’une femme empreinte de bovarysme, qui s’ennuie beaucoup. Son mari est trop occupé dans sa quête d’un scénario prometteur. Les futilités sont des débordements. Paul quitte Sylvie sans signe avant coureur. Sans aucun retour en arrière, en plein voyage, le désarroi sera peut-être insurmontable.
Il prend le premier vaporetto et se rend au cimetière San Michèle. Il va rencontrer fortuitement une jeune femme Fiorella, photographe qui le fige dans son appareil photo devant la tombe de Stravinsky. Serait-ce pour garder au fond d’elle cet instant où Paul se recueille ou pour une autre raison. L’aura sublimée d’un homme en pleine méditation.
Ils vont faire plus ample connaissance et déambuler ensemble. La connivence et l’amour d’un même lieu. Une impression de complicité. Une ville qui accroche les passants. Les îles aux alentours comme des appels d’air. La transmutation spéculative. Le réenchantement par la force du méconnu entre deux êtres qui viennent de se regarder pour la première fois.
Mais Paul se demande au fond de lui-même où est Sylvie. Si elle est partie en France ou s’il retrouvera sa femme au café où ils font toujours en rythme pavlovien à l’heure du spritz. Il doute et c’est tant mieux. Sylvie est partie avec Ludivico Manin qu’elle a croisé lors d’une exposition au Florian. Que se passe-t-il donc entre tous ces êtres ? Serait-ce le magnétisme d’une ville qui n’a pas dit son dernier mot et qui attise les braises ?
Le roman est une gondole à Venise. Entre les sentiments et les défaites, les désillusions et les espoirs, les êtres, ici, ont le syndrome de Stendhal. Venise est magnétique, insistante et maîtresse-femme. Il y a le rythme fou des possibilités. Les hôtes des pages quêtent dans cette beauté aux mille couleurs ce qui manque pour l’accomplissement de leur idéal, jusqu’au vertige.
C’est un roman initiatique, dramatique, profondément humain. Ce serait comme un choc. Venise et ses pouvoirs, une ville où la poésie semble l’éveil des âmes. L’appel à l’amour et aux résiliences.
« Un spritz ? Lui dis-je ».
Un roman sentimental de haute voltige. Publié par les majeures Éditions Serge Safran éditeur.
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