"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une parenthèse désenchantée dans une oasis
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Longtemps j'ai évité de lire des romans sur les femmes opprimées des pays du Moyen-Orient. La peur ou la colère que je ressentirais fatalement.
J'ai pourtant été attirée par le résumé de ce roman sur Netgalley, notamment par l'historique de l'auteure. En effet, Carine Fernandez a vécu plusieurs années en Arabie Saoudite . Elle a pénétré dans le gynécée de ces femmes recluses et voilées.
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Cette saga s'ouvre sur une oasis perdue en plein milieu du désert. Talal, le patriarche d'une grande famille saoudienne s'isole dans la palmeraie, dans un dénuement total. J'insiste sur cette vie ascétique, en parallèle d'une vie de nabab par ailleurs. Là-bas, les saoudiens sont majoritairement très aisés et se conduisent comme des milliardaires désabusés et prétentieux. (j'ai eu un petit aperçu lors de ma courte visite de Dubaï). C'est carrément une vie aux antipodes de la nôtre. Bref, Talal, donc, fuit la famille et ses turpitudes.
Il rencontre son jardinier égyptien, et en fait son conseiller financier.
Les autres personnages de la famille sont assez pittoresques. Il y a Dahlia, la petite-fille semi-anglaise, jeune fille rebelle. La première épouse, certes pas déchue, la mère de Talal, et les fils. Chacun apporte son lot de tourments au père. Et c'est ce qui fait le sel de la vie et de cette saga endiablée.
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Entre désillusions, petite révolte, secrets inavouables et cachés, d'amères vérités, ce récit passe du drama à la légèreté sans concessions. On mesure le fossé qui sépare la tradition et la modernité. On sent aussi toute la poésie qui s'en dégage. Aucune peine à imaginer les décors sous cette canicule orientale. Ce récit m'a réellement emporté là-bas, dans le souffle du khamsin. Très beau, très mélancolique mais aussi plein d'espoir.
Ils étaient deux, Miguel et Ramon, des jumeaux inséparables. Miguel, dit Medianoche, le taiseux, le raisonnable et Ramon, Mediodia, le joyeux, le turbulent. Mais la guerre est passée par là et des jumeaux, seul reste Medianoche. Il a survécu à la guerre, à la prison, aux camps de travail, au mariage et au veuvage. Depuis cinq ans que la Pura, son épouse revêche, a été enterré, Medianoche partage son temps entre les fleurs de son jardin et ses promenades sans fin en compagnie de Ramon, son chien, son ami, son frère. Il est enfin libre de vivre à sa guise et c'est bien de la terreur pure qu'il ressent quand sa sœur Nuria lui annonce par lettre que, désormais veuve elle aussi, elle vient s'installer chez lui pour s'occuper de son foyer. Alors Medianoche prend la fuite. Avec son chien, il grimpe dans un car et part vers son village natal, ce petit pays d'Estemadure qu'il a quitté à l'âge de 17 ans et n'a pas revu depuis soixante ans. Le village n'existe plus, noyé par un barrage, mais dans la tête et le cœur de Medianoche, les souvenirs sont intacts : son jumeau fusillé, son arrestation, ses dix années d'enfermement, son ami Andrès, son premier amour, sa rencontre avec Pura, son fils disparu, toute une vie marquée par l'infamie d'être un Rouge dans l'Espagne franquiste.
Retour sur la Guerre d'Espagne à travers les souvenirs d'un vieil homme qui n'a rien oublié de la violence des phalangistes, de la terreur, des humiliations, des exécutions sommaires et du silence de plomb qui a suivi la défaite. De sa jeunesse fauchée par la barbarie, il a gardé la conviction d'avoir été du bon côté. Et même s'il a fallu vivre dans la honte des vaincus, même s'il a fallu se taire et supporter l'arrogance du régime, la déformation des faits historiques et la misère, Medianoche est resté l'homme libre qu'il était déjà à 17 ans. Il a conservé précieusement le souvenir de son jumeau, mort d'avoir profané une église, celui aussi d'Andrès, son compagnon d'infortune dans les camps, celui de Rosario à qui il a renoncé parce qu'elle était institutrice et fille de notaire et lui presque analphabète. Si la République avait survécu, peut-être...Tous égaux, hommes comme femmes, tous instruits, fils de berger ou de médecin, alors, oui, peut-être...Mais l'esprit de liberté et d'égalité a été balayé par Franco et ses troupes sanguinaires. Au cri de ''Viva la muerte'', ils ont exterminé ceux qui résistaient, ceux qui voulaient redistribuer les terres, chasser les curés, vivre libres.
Un beau roman sur l'amour, l'amitié et bien sûr sur la guerre civile qui déchira le peuple espagnol de 1936 à 1939 et les années de plomb qui suivirent. Franco resta au pouvoir jusqu'en 1975, année de la réconciliation nationale qui plongea encore une fois les vaincus dans l'oubli et le déni de leurs souffrances.
Le roman souffre peut-être d'un côté un peu trop didactique pour être un coup de cœur. Carine Fernandez s'est bien renseignée sur la guerre d'Espagne et elle étale un peu ses connaissances, mais l'ensemble reste émouvant.
Près de Tolède, Miguel un vieil homme taiseux finit ses jours, solitaire, avec pour seul compagnon son chien Ramon. Effrayé que l'arrivée de sa sœur Nuria ne vienne déranger son quotidien, il entreprend un voyage dans le village de son enfance où il n'est pas revenu depuis la guerre civile. Ce voyage est l'occasion d'un retour sur son passe, ou à peine âgé de 17 ans il perd son frère jumeau exécuté par les franquistes avant d'être incarcéré lui meme, de camps en camps, pendant plus de 10 ans.
Dans une langue magnifique, et sans chronologie apparente, Carine Fernandez décrit ces années de guerre mais aussi, tout aussi terribles, les années d'après guerre où il ne faisait pas bon être un rouge dans cette Espagne franquiste. Miguel , surnommé Médianoche connaîtra l'enfermement, la torture, la faim, mais aussi la honte d'en avoir réchappé, d'avoir survécu à son frère et de ne s'être pas révolté comme ses camarades d'infortune.
J'ai beaucoup aimé ce livre, et j'ai ressenti beaucoup d'empathie pour ce personnage, fruste, un peu sauvage, mais si touchant dans son desarroi, marqué à tout jamais par la mort de son frère et les années de prison. Un bien beau témoignage de ces années noires qu'a connu l'Espagne au travers de ce récit de vie simple et douloureux.
Je dois dire que j’ai été bluffé par le style de Carine Fernandez qui manie les mots avec beaucoup de sensibilité. Elle n’épargne pas le lecteur en décrivant certaines horreurs de la guerre espagnole et la barbarie du système nationaliste de Franco. C’est parfois très dérangeant. Néanmoins, elle réussit avec beaucoup de poésie à rétablir la balance des émotions en appuyant son récit avant tout sur l’état d’esprit et le pèlerinage de Miguel, dit « Médianoche », qui tente de se libérer de son passé, de la honte d’avoir survécu à son frère, de n’avoir jamais tenté de s’échapper et d’avoir fait preuve d’héroïsme (contrairement à tant d’autres). On suit son évolution avec beaucoup d’émotion.
C’est par touches, sans véritable chronologie, que son histoire (et celle de son pays) est dévoilé. On découvre alors doucement ce qu’il cache au fond de lui depuis plus de 60 ans, ses blessures et ses moments forts d’amitié et de renonciations .
Mille ans après la guerre est un roman fort, entre lumière (art, amour, amitié, humanité…) et ombres (tortures, camps, suspicion permanente, exécutions…), dont j’ai savouré le lyrisme et la franchise, le mélange d’Historique et de romanesque qui tissent un ensemble cohérent, puissant et touchant...............................................
http://libre-r-et-associes-stephanieplaisirdelire.blog4ever.com/carine-fernandez-mille-ans-apres-la-guerre
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