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«Je suis né le 21 novembre 1957, pas loin du jour des morts. Je donne cette date une fois pour toutes. Elle servira de repère dans le désordre chronologique du récit qui va suivre, écrit à la billebaude, par petites touches, en forme de palimpseste heureux, et qui s'achève à peu près à la fin des années 1960. J'avais un peu plus de dix ans. À la lumière du présent, les terres de mon enfance m'apparaissent aussi exotiques et abandonnées que celles de Vanikoro, en mer de Corail, quand La Pérouse s'y était échoué sans qu'on le retrouve. ».
Biographe connu et reconnu, essayiste de talent, chroniqueur du temps présent, Emmanuel de Waresquiel se penche ici sur son enfance et se fait l'historien de lui-même. Il évoque des lieux, des visages, des maisons, des paysages et excelle à restituer des univers engloutis. Élégant, poétique, tendre, secret, souvent drôle, ce livre est un conte sur l'enfance, le temps, l'exil, la mémoire et l'oubli.
Historien et biographe, Emmanuel de Waresquiel laisse de côté les figures historiques pour se retourner sur son enfance dans le Maine durant les années 60. Il nous confie en préambule « On ne s’intéresse pas impunément à la vie des autres sans se pencher sur la sienne »
C’est un récit empli de tendresse et de pudeur où l’écrivain convoque les auteurs qui ont jalonné sa jeunesse : Proust, Victor Hugo, Saint Exupéry ou encore ces poètes anglais qu’affectionnait sa mère qui a gardé de l’Angleterre « le souvenir et les usages de ses nannies » sa mère qui lui donnera le goût de l’histoire en lui contant les épopées de ses aïeuls et leurs mystères « ces histoires-là, qu’on aurait crues écrites par Edgar Poe ». Cette mère, aimante, pudique et romanesque lorsqu’elle racontait l’histoire de la famille, l’auteur en parle avec tendresse dans les premiers chapitres. Le père, ancien militaire, dirigeait sa ferme et ses vergers avec « le sens du commandement » « Il en imposait naturellement ».
Dans cette vaste demeure de Poligny « entre pâtures et forêts », château digne du chat botté, la vie est provinciale. Loin de l’agitation, on y respire un air suranné, on sonne la cloche pour signaler le déjeuner et on va à la messe le dimanche en famille.
Derrière les souvenirs d’enfance se profile le biographe qui va tour à tour évoquer tous les membres de cette famille aux aïeuls aristocrates et, parfois, illustres. Aux côtés des héros de guerre, on croise quelques originaux comme cet « oncle qui portait un nom de roman russe » et qui sculptait des oiseaux.
Emmanuel de Waresquiel excelle dans l’art subtil de ces portraits peints à petites touches expressionnistes. Il sait aussi faire revivre des sensations, des paysages de cette enfance qui échappe au temps.
Et de nous confier, dans les dernières pages :
« Je me demande au fond quelle nécessité j’ai pu éprouver à cette danse des souvenirs, quel plaisir j’ai pris à cette immersion lente dans le passé, comme en apnée…
…De l’étrangeté sans doute, comme si l’étais devenu mon propre double, comme si mon autre avait vécu dans un monde mystérieusement aboli par une conjuration du temps. »
Belle lecture d’un récit où l’évocation des souvenirs d’enfance est rafraichissante et joyeuse, où la tendresse sourd à chaque page sous l’écriture élégante et poétique d’Emmanuel de Waresquiel.
Je remercie les éditions Tallandier et Babelio pour cette belle découverte.
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