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Voltaire est-il la solution ? Le Traité sur la tolérance du philosophe des Lumières (1), qui trône en piles chez les libraires depuis les attentats islamo-terroristes de janvier, nous aide-t-il à prendre la mesure de l´époque ? Voltaire va-t-il nous remettre l´esprit français en place et les idées républicaines au clair ? Pour Régis Debray, « Voltaire est notre bonne conscience et notre fausse conscience. Il donne à notre siècle son auto-satisfecit mais ne pose pas les questions de fond. Autrement dit : comment devient-on fanatique ? » Pourtant, écrit Charles Dantzig, « un raz de marée de magie surplombe à nouveau l´Europe, composé de catégories de population qui refusent l´éducation historique [...] Voltaire leur réapprendrait la différence entre les faits et la foi ». Même chose pour le débat actuel sur les limites de la satire. Peut-on rire de tout ? Cette question était déjà l´objet de querelles au XIXe siècle entre les pro- et les anti- Voltaire, nous rappelle Michel Delon dans son article « Comment Voltaire est devenu voltairien ». Joseph de Maistre s´indignait de son absence de respect pendant que Victor Hugo répondait : « Il a vaincu la violence par le sourire, le despotisme par le sarcasme, l´infaillibilité par l´ironie... » La spécificité de l´esprit français de Voltaire est à redécouvrir dans ce numéro. Lui qui dénonçait l´infâme et les barbares, que n´aurait-il dit sur l´extermination des Arméniens, premier génocide du XXe siècle, dont on commémore cette année le centième anniversaire ! Perpétré par le gouvernement jeunes-turcs, il est d´autant plus infâme qu´il n´a été reconnu par aucun gouvernement turc depuis l´avènement de la République de Mustapha Kémal en 1923. Un déni coûteux, souligne Fatma Müge Göçek, qui décortique la structure très particulière des violences collectives dans l´histoire de la Turquie. Un tabou que la société civile turque tente courageusement de faire voler en éclats depuis plusieurs années, rappelle Ahmet Insel, « et qui fait partie intégrante de la lutte pour la démocratisation de ce pays ». Tout comme l´épineuse question kurde. Alors que Recep Tayyip Erdogan avait opéré une véritable ouverture envers les Kurdes, la crise syrienne « a totalement déréglé la politique turque, qui ne peut tolérer le voisinage expansionniste d´un avatar du PKK à ses frontières », explique Dorothée Schmid. La politique régionale de la Turquie, très ambivalente face à Daech, questionne ses alliés occidentaux. « Quel jeu souhaite et peut jouer Erdogan dans la crise régionale ? », s´interroge Jean Marcou. La Turquie qui frappe à la porte de l´Europe pourra-t-elle éternellement refuser d´affronter ses tabous ? Valérie Toranian
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