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L'Oberman de Senancour, publié en 1804 sans aucun succès, est un de ces livres du seuil de la modernité, où se révèle, à l'état brut et à l'extérieur de toute catégorie générique, une conscience. En ce sens, Oberman, l'« homme des hauteurs », est le personnage moderne d'un roman unique, celui d'Etienne Pivert de Sénancour ( 1770 – 1846 ) où le lecteur appréhende une obscure mélancolie à la source d'une interminable quête d'identité. Il est alors tentant d'identifier l'auteur à son personnage : Sainte-Beuve, l'un des premiers, suivit cette piste voyant dans Oberman moins une réécriture de la biographie de Sénancour qu'une projection de sa vie. Étienne Pivert de Senancour a été profondément marqué par son enfance triste et terne. Issu d'une famille bourgeoise parisienne, seul enfant d'un étrange couple venu au mariage par un goût commun du couvent, il doit à une éducation janséniste une certaine méfiance pour les élans de l'imagination et de la passion, une maladie du scrupule aussi, qui eut sur son œuvre les effets les plus funestes. Il y gagna, il est vrai, une habitude de l'analyse et de l'introspection, de la méditation religieuse, dont le romancier et le moraliste sauront tirer profit. En fait, c'est de cette manière que l'éxégète se rend compte qu'Oberman n'est pas une autobiographie. Est-ce d'ailleurs un roman ? C'est, dans son genre, un roman épistolaire, mais à la manière du Werther de Goethe : les quatre-vingt-neuf lettres de la première édition – auxquelles s'ajoute le supplément de la seconde ( 1833 ) – sont celles du seul Oberman, qui ne se nomme jamais.
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