"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Léo, la trentaine, cultive consciencieusement son spleen de lettré velléitaire. Tel un Rastignac nonchalant, il est monté à Paris pour échapper à sa famille. Lorsque son meilleur ami, Paul, tombe amoureux de Julia, une jeune peintre prometteuse, Léo est jaloux.
Peu à peu, il entre dans l'intimité de la jeune femme et se persuade qu'il est le seul à comprendre sa peinture, que Paul n'aura jamais la sensibilité suffisante pour la combler. Léo va s'employer à attirer l'attention de Julia afin de devenir son premier modèle.
Dans ce marivaudage contemporain, Fabrice Chillet épingle le narcissisme actuel, qui se nourrit d'envie et de jalousie.
Court roman qui, de Paris à Tokyo en passant par la Bretagne, met en scène trois personnages : Julia, l’artiste peintre, Paul, son compagnon, ami d’enfance du narrateur, Léo, mandaté pour écrire un papier sur la jeune femme.
Séduit par la personnalité un peu abrupte de Julia, Léo tisse avec elle une relation particulière et ambiguë, faite d’un curieux sentiment de légitimité , qui exclurait Paul d’une relation amoureuse qu’il ne mérite pas . C’est à travers les œuvres de l’artiste qu’il construit un personnage, digne d’être aimé. Malgré tout, son amie japonaise n’est pas exclue de sa vie, même lorsqu’elle rejoint sa terre natale. Un séjour sur la côte bretonne achève de rapprocher Léo et Julia, jusque’à l’irruption de Paul.
De l’artiste et de son oeuvre, le lecteur n’aura qu’un aperçu suggéré, par l’intermédiaire des émotions ressenties par le narrateur. D’autant que le but ultime de Léo, en Narcisse revendiqué, voudrait obtenir de Julia qu’elle se serve de lui comme modèle pour le premier portrait humain de son oeuvre.
Le roman navigue sur les eaux troubles des amours et amitiés fluctuantes, jamais éternelles, et aisément sacrifiées sur l’autel de sentiments peu honorables.
L’écriture ne manque pas d’intérêt et réussit en peu de pages à dire l’essentiel.
Cette courte histoire commence par un service rendu à un ami.
Paul demande à Léo, son meilleur ami, d'écrire un texte pour le catalogue de l'exposition à venir de sa petite amie Julia, artiste peintre.
Pour cela, ils vont se rencontrer, passer du temps ensemble, afin que Léo s'imprègne du travail de Julia, de sa peinture.
Mais très vite, cela ne suffit plus à Léo, qui a pourtant une maitresse tout à fait dévouée. Il veut posséder ce qu'il n'a pas, pense le mériter plus que son ami. Il s'arrange pour instaurer une relation parallèle avec Julia.
Dès le départ, j'ai trouvé le personnage de Léo pédant et condescendant, terriblement égocentré. Même ses propres parents sont mal à l'aise en sa présence et ne savent pas comment se comporter vis-à-vis de lui.
Cette antipathie pour le personnage principal, également narrateur, m'a empêchée de savourer ce court roman.
J'ai trouvé le récit vain avant d'arriver aux vingt dernières pages, mais il était trop tard, mon opinion était faite.
Casser les codes du roman d’amour, pourquoi pas ? J’ai récemment embarqué dans Narcisse était jaloux, le dernier roman du journaliste Fabrice Chillet. Une intrigue qui ne manque pas de rappeler parfois un certain Bel-Ami.
Léo est un jeune trentenaire discret, quelques fois torturé, et bien souvent orgueilleux. Un jour, son meilleur ami Paul lui présente sa nouvelle petite amie et artiste incomprise, Julia. Lorsqu’il a le dos tourné, Léo et Julia se voient, il est le seul à comprendre sa peinture. Dans l’intimité de son atelier, Léo espère secrètement qu’elle tombera amoureuse de lui pour devenir sa muse masculine, le modèle de son premier portrait.
Ce court roman casse les codes des histoires d’amour contemporaines où le désir profond et sincère est omniprésent dans la psychologie de l’un des personnages principaux. Ici, nous n’assistons pas à un plaidoyer ou une ode à l’amour véritable. Nous sommes à la fois dans la séduction et l’égocentrisme à l’état pur au point d’en faire ici un pilier des relations entre les personnages. Comme nous sommes régulièrement amenés à travers le cinéma et la littérature à voir de belles histoires légères, tragiques et intenses se créer, ce roman peut surprendre.
Tout au long, nous souhaitons secrètement voir naître une idylle sincère entre les deux personnages principaux, une consommation des sentiments qui pourrait nous ravir et nous satisfaire. Cependant, les personnages de Julia, Paul et Léo sont si différents, dans un monde bien à eux jonché d’individualisme, de solitude et d’égocentrisme que rien n’inspire à nous mettre sur la bonne voie. On ne fait que douter de l’issue, et j’avoue y avoir trouvé un certain plaisir.
Cependant, j’ai ressenti très peu d’affection pour les personnages bien que l’intrigue soit prenante. L’émotion n’était pas au rendez-vous, et si la psychologie des personnages est très bien travaillée, elle manque cruellement de naturel et démoralise plus qu’elle ne fait réfléchir.
Paul est amoureux de Julia, jeune peintre en devenir. Son meilleur ami, qui la rencontre pour écrire un article sur sa peinture, est un peu jaloux de la relation entre son ami et cette jeune femme qui ne lui plait au départ pas du tout. Il s'instaure entre eux un jeu de séduction un peu ambigü et entre les deux amis une lutte d'ego narcissique très bien décrite.
Un livre bien écrit qui se lit d'une traite et qui m'a rappelé L'insoutenable légèreté de l'être de Milan Kundera que j'ai lu il y 30 anspour les personnages narcissiques et leur amour de l'art. Un très bon moment de lecture.
Léo n'est pas un être de passion : originaire de la région d'Angers, il a suivi son ami Paul à Paris pour étudier… Pourquoi Paris ? Pourquoi pas, vous répondrait-il... Sans ambition ni volonté, il a laissé la vie se dérouler gentiment, a trouvé un emploi d'enseignant dans un institut privé où de riches familles asiatiques inscrivent leurs grands enfants, a rencontré une jeune Japonaise à la peau douce et blanche. Ce n'est pas l'amour fou mais les plaisir charnels l'aident à surmonter le vague ennui de cette relation… Comme vous l'aurez compris, notre narrateur déambule dans la vie comme on se promène le long de la Seine en regardant les péniches passer et l'eau du fleuve s'écouler lentement. Un jour, son ami Paul lui demande de l'aide : il a rencontré une certaine Julia, artiste peintre, dont il est fou amoureux. Il souhaiterait la présenter à Léo afin que ce dernier rédige un petit texte au sujet de la prochaine exposition. Oui, pourquoi pas, mais Léo n'est pas un spécialiste de ce troisième art. Il manque de références et ne voit pas trop comment il va être capable de se lancer dans une quelconque analyse du travail de Julia. Qu'à cela ne tienne, cela aura au moins le mérite de mettre un peu de piment dans sa vie un peu terne… Aussi accepte-t-il 1° de rencontrer Julia, 2° de rédiger un petit quelque chose…
Ce qui fascine dans ce roman, c'est tout d'abord la complexité des personnages : qui sont-ils vraiment ? Que veulent-ils ? J'aime m'interroger sur les motivations de Léo, ses arrière-pensées, ses desseins… Pourquoi tourne-t-il ainsi autour du personnage de Julia : par jalousie (comme le suggère le titre) ? par amour ? par désir ? par volonté de séduire ? de dominer (façon de rassurer son ego) ? par curiosité ? par ennui ? par jeu ? par perversité ? ou bien parce que sa peinture finit par le fasciner réellement ?
En effet, tout se passe comme si les natures mortes de Julia permettaient à Léo d'accéder au monde, de le voir autrement que comme un vase en morceaux. De fait, il semblait avant cette rencontre vivre dans un monde d'illusions où tout n'était que déformation du réel. Léo aime les selfies (lieu même de la falsification des corps), son reflet dans les vitrines ou dans les miroirs des cafés… Il prend plaisir à jouer avec les photos que sa fiancée asiatique au « corps en puzzle » lui envoie : il les agrandit exagérément, s'amuse des gros plans : « le lobe de son oreille droite, un minuscule grain de beauté, le pli au coin de ses lèvres charnues. » Voit-il vraiment la jeune femme ? Pas sûr !
Son « découpage » du monde semble révéler son incapacité à en appréhender l'unité : « Avec mon miroir, ma loupe, ma longue vue, je faisais le tri des sujets. Ce qui valait la peine ou pas d'être retenu, d'être sauvé. J'observais, j'évaluais et je statuais. Tout ce qui n'était pas dans le cadre demeurerait invisible à jamais. »
De même qu'il ne voit pas, Léo ne se connaît pas. Son propre moi lui échappe. Il joue un rôle, se met en scène. Paris est pour lui le lieu idéal : « Pour moi, Paris était la ville de tous les décors, de toutes les ambiances pour changer de costumes, de partenaires. »
C'est par l'entremise de la peinture de Julia qu'il parviendra à une réelle connaissance de lui-même, à une construction de son identité, de son intériorité et à une vraie capacité à observer le monde qui l'entoure et peut-être aussi à aimer...
« Narcisse était jaloux » s'apparente en cela à un roman de formation : ce Léo, égocentrique (mais l'est-il plus que n'importe qui, à notre époque ?) et pervers, cet homme seul, mélancolique, désenchanté, va apprendre à contempler le monde. Julia le lui dira : « vous ne savez pas regarder… Il ne s'agit pas de penser. Regarder d'abord, pour comprendre. » C'est précisément la voie qu'il suivra.
Enfin, disons-le, fluide et élégante, l'écriture de Fabrice Chillet est un délice, on se laisse porter par ses phrases qui coulent agréablement… L'auteur est très doué pour créer une atmosphère particulière et l'évocation des errances parisiennes de notre personnage un brin balzacien dans son désir de ne pas s'enterrer en province est particulièrement bien rendue. Paris va bien à Léo. La ville est à son image, à moins que ce ne soit elle qui ait déteint sur lui... En tout cas, la façon dont il traîne son vague à l'âme dans le VIe arrondissement m'a ravie...
Après Un feu éteint (Finitude, 2018), Fabrice Chillet nous offre encore une fois un roman original et subtil dont l'atmosphère envoûtante et la profondeur psychologique des personnages achèvent de nous ravir : encore une fois, une très belle réussite !
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