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Dans l'histoire mondiale des luttes révolutionnaires, il y a les victoires et les défaites ; il y a le point de vue des hommes, et celui des femmes ; il y a les récits de combat, les récits de prison, et les récits de sortie de prison. Voici l'autobiographie précoce et désenchantée d'une fameuse militante brésilienne, Patrícia Galvão (1910-1962), mieux connue sous le pseudonyme de Pagu, qui rédigea cette lettre-confession pour reprendre vie, en 1940, à l'issue de quatre années passées dans les geôles sinistres du dictateur Vargas.
Elle y fait le bilan, critique et sans concession, de ses trente années d'existence et, tout particulièrement, de son engagement politique. Jeune fille fondamentalement insatisfaite issue de la petite bourgeoisie, tôt habitée par des velléités d'émancipation à l'égard des carcans sociaux, scandaleuse par nature, dessinatrice et poétesse remarquée à la fin des années 1920 au sein du groupe « anthropophage » d'Oswald de Andrade, l'avant-garde du moment, cette femme libre et frondeuse s'engage dès 1930, corps et âme, à sa manière turbulente et en toute illégalité, dans le combat communiste. Elle milite comme elle peut, en intellectuelle tenue pour suspecte par les cadres du Parti communiste, lance avec Oswald de Andrade un éphémère journal d'extrême-gauche, prend la tête d'un rassemblement du Secours Rouge et devient la première femme incarcérée pour motifs politiques dans l'histoire du Brésil, obéit aux ordres de « prolétarisation » du Parti et part travailler en usine, publie le premier roman prolétarien apparu au Brésil, joue malgré elle les Mata Hari au sein du « Comité fantôme » du PCB, prend le large et effectue un tour du monde comme reporter, passant à Moscou pour atterrir à Paris où elle prend part aux manifestations du Front Populaire, débarque à nouveau au Brésil où, lasse, elle est arrêtée et condamnée pour activités subversives...
Mais, à côté de ce parcours politique fulgurant et erratique, des salons mondains de São Paulo aux périls et déceptions de la lutte clandestine, le récit aborde aussi de front la question de la condition féminine : initiation sentimentale et sexuelle, expérience du couple et de la maternité dans des conditions pour le moins précaires et hostiles, abus et harcèlements de toutes sortes et de tous bords, tentatives d'affranchissement avec la révolution pour horizon... Ce témoignage précieux, d'autant plus radical et authentique qu'il fut écrit à des fins toutes personnelles, sans intention de publication, n'a été divulgué au Brésil qu'en 2005 pour venir conforter la légende de Pagu, déjà bien établie. Au-delà du contexte brésilien, ces mémoires d'une révolutionnaire conjuguent, dans une écriture intime et poignante, sans tabou ni pudeur, une réflexion sur les possibilités de transformation sociale et un autoportrait viscéralement féministe. Ce sont aussi les coulisses, sombres et tragiques, du roman de propagande Parc industriel publié en 2015 au Temps des Cerises, par le même traducteur.
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