Un douloureux passage à l'âge adulte, entre sensibilité et horreur...
«L'enfance est une vieille dame aux mains blanches, aux cheveux lisses et aux yeux sombres.» L'enfance, c'est cette grand-mère qui vit à la maison, élève et chérit l'autrice, si bien que c'est en vietnamien qu'elle prononce ses premiers mots. Puis Minh Tran Huy grandit, s'éloigne de cette deuxième mère, de sa langue, et oublie. Cette grand-mère si modeste, cette Bà qui n'a vécu que pour se dévouer aux autres, se retrouve à l'écart des siens, qui ne parlent plus que français. En s'adressant à Bà, elle revient sur le silence qui entoure son histoire familiale et tente de retracer, dans le Vietnam des années 1970 déchiré par les guerres, le douloureux chemin qui a mené sa grand-mère jusqu'en France. Mais ce Vietnam tragique d'avant l'exil est aussi le territoire merveilleux des contes de son enfance, qui éclairent et nourrissent ce récit. Pour Minh Tran Huy, la littérature, à la manière du kintsugi, vient rassembler les fragments pour reconstituer un tout. Dans un vibrant hommage à sa défunte grand-mère, l'autrice retisse le lien qui les unissait, fait d'histoires intimes et de contes venus du Pays de la poésie.
L’importance du lien avec les ancêtres, le rôle des liens familiaux sont un élément essentiel de la culture vietnamienne, marquée par le bouddhisme et le confucianisme. Mais qu’en est-il lorsque de nombreux ressortissants de ce pays ont été contraints, il y a maintenant plus de cinquante ans, de fuir leur pays natal après la prise du pouvoir par les communistes de Saigon, en 1975. C’est ce que raconte Minh Tran Huy, écrivaine déjà consacrée par plusieurs prix littéraires et autrice de neuf livres.
Le récit de Minh Tran Huy est un hommage à sa grand-mère, surnommée très affectueusement Bà, vocable utilisé dans la langue vietnamienne et se référant à la situation générationnelle d’une personne par rapport à une autre. Minh Tran Huy prend soin de tout évoquer : la vie de Bà , au Vietnam au moment de la première guerre d’Indochine, celle menée contre les troupes du corps expéditionnaire français ;elle y décrit l’attente du retour de l’époux et du beau-père de Bà :las, ils ont été pris tous deux dans un guet-apens à l’occasion d’un simulacre de réunion et exécutés dans la jungle parce que jugés collaborateurs en raison de leur origine bourgeoise et de leur absence d’appartenance au parti communiste vietnamien .
Ce parcours, très souvent jalonné de souffrances multiples, liées à l’arrivée dans un pays inconnu, La France, et caractérisé par la quasi impossibilité pour Bà de maîtriser la langue française et d’échanger avec ses enfants et petits-enfants, dont Minh Tran Huy fait partie. Qu’importe la langue, Bà aura recours aux recettes de la cuisine vietnamienne pour donner du bonheur et d’agréables souvenirs à sa famille : « Pour le pho, tu laissais bouillir toute la nuit un énorme os à moelle dans une grande cocotte rouge en acier (…) Tu découpais ensuite de fines tranches de rumsteak cru que tu déposais sur des nouilles de riz légèrement élastiques (…) tout en y ajoutant un peu d’ail haché pour accompagner les pâtés impériaux, mais gardons pure pour le pho ou encore le chung kho . »
Mais c’est dans tous les domaines de la vie quotidienne que cette grand-mère a été admirable pour Minh Tran Huy : sans être lettrée, cultivée au sens classique du terme, elle l’a bercée durant son enfance par des contes vietnamiens durant son enfance, transmettant par là-même le côté poétique du Vietnam.
Minh Tran Huy conclut cet hommage vibrant et émouvant par un constat magnifique : « Je n’ai pas eu accès à ces connaissances que l’on n’apprend pas à l’école, mais se transmettent de mère en fille, ou plutôt de grand-mère en petite-fille .Et je ne suis pas certaine que les savoirs que j’ai acquis grâce à des cours -langues étrangères, piano, violon, danse classique-compensent ce qui me manque, cette aptitude dont je croyais que j’hériterais en temps voulu quand elle demeurera ton apanage, toi qui m’a élevée :le don de créer de la chaleur et du confort pour tous ceux auxquels je tiens . »
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